Née à Rennes le 27 janvier 1761, Victoire est la fille de Gilles Conen de Saint Luc, conseiller au parlement de Bretagne, et de Françoise Marie du Bot. Elle se trouve ainsi la nièce de Mgr Toussaint Conen de Saint Luc, évêque de Quimper de 1773 à 1790.
Élevée chez les Visitandines de Rennes, Victoire fait en 1776 le choix de la vie religieuse et entre chez les “Demoiselles de la Retraite”, à Quimper. Son père lui ayant demandé d’attendre jusqu’à ses 21 ans, c’est le 2 février 1782 qu’elle rejoint le couvent de la Retraite située “place Neuve” (aujourd’hui place de la Tour d’Auvergne). L’évêque de Quimper, son oncle, assiste à la cérémonie.
Au couvent, sa piété, sa bonté, ses talents, font merveille. La Retraite de Quimper, fondée un siècle plus tôt par Claude-Thérèse de Kermeno, propose aux femmes de faire “retraite” quelques jours pour suivre les Exercices spirituels dans l’esprit d’Ignace de Loyola et des Missions bretonnes. Victoire participe à l’animation de ces retraites, qui se font tantôt en français, tantôt en breton. Depuis l’expulsion des jésuites en 1762, des prêtres séculiers venaient prêcher et confesser les retraitantes, mais les Demoiselles de la Retraite donnaient elles-mêmes certaines conférences et commentaient les “tableaux de mission” (ou taolennou) inspirés par dom Michel Le Nobletz et adaptés par le père jésuite Vincent Huby.
Elle ne se contente pas de ce rôle de catéchiste, mais visite également les pauvres, soigne les malades, assiste les mourants. Elle est surnommée par eux la bonne sainte Mademoiselle Victoire. Les moments qui lui restent, Victoire les passe tous à peindre et à broder des images pieuses et notamment des images du Sacré-Cœur de Jésus auquel elle portait une grande dévotion, à la suite de saint Jean Eudes et de sainte Marguerite-Marie Alacoque.
Vitrail du Sacré-Cœur dans l’église de Pluguffan (1892), avec d’un côté, Monseigneur de Saint-Luc, agenouillé, et derrière lui, debout, saint Jean l’Evangéliste ; de l’autre, Mademoiselle Victoire de Saint Luc, agenouillée, tenant à la main une image du Sacré-Cœur, et debout derrière elle la Bse Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), inspiratrice du culte du Sacré-Cœur
Arrive la Révolution française. La Communauté refuse le serment imposé par la Constitution Civile du Clergé et s’oppose à l’évêque constitutionnel Louis-Alexandre Expilly, élu évêque de Quimper après le décès de Mgr Toussaint Conen de Saint Luc. Le 9 juillet 1791, les religieuses de la Retraite sont expulsées de leur couvent. Elles sont accueillies chez les Bénédictines du Calvaire à Quimper (à l’emplacement de l’actuel lycée Chaptal). Mais les persécutions révolutionnaires continuent à l’égard des religieuses et des prêtres réfractaires. Avec l’autorisation de sa supérieure Madame de Marigo, Victoire se retire fin juin 1792 au château du Bot, en Quimerc’h, où son père s’était installé en 1775 après avoir résigné sa charge au parlement de Bretagne.
Un “cœur” brodé par Victoire est découvert chez les frères Laroque-Tremaria. Le premier, médecin, avait soigné Victoire quelques années plus tôt ; le second était officier de marine. Cette image du Sacré-Cœur est considérée comme un ralliement aux “insurgés” de Vendée. Le 16 mars 1793, M. Conen de Saint Luc et Victoire sont arrêtés à la requête du Directoire du département. Victoire est rapidement relâchée ; son père fin mai ou début juin. Mais ce répit ne durera pas. La Convention vote le 17 septembre 1973 la “loi des suspects” prévoyant l’arrestation immédiate de tous les suspects.
Victoire est arrêtée avec ses parents le 10 octobre 1793. Internée à la prison de Carhaix, Victoire est transférée le 31 janvier 1974 à Quimper pour être interrogée. Le dossier d’accusation ayant été envoyé au Tribunal révolutionnaire de Paris, Victoire et ses parents sont conduits le 4 avril suivant à la prison de la Conciergerie à Paris. Victoire y mène les mêmes activités qu’à Carhaix et Quimper : prières, consolations spirituelles et soins aux autres prisonniers, lecture, broderies, écriture. Début juillet, on la sépare de ses parents pour la transférer dans une autre salle de la prison.
Le 1er thermidor an II (19 juillet 1794), Victoire comparait avec ses parents devant le Tribunal révolutionnaire qui venait deux jours plus tôt de condamner à mort comme “fanatiques et séditieuses” les 16 Carmélites de Compiègne1.
L’Accusateur public Antoine Fouquier-Tinville réclame pour eux la “peine de mort comme ennemis du peuple”. Les accusés n’ont pas d’avocat et ne sont pas invités à s’expliquer ou à se défendre. Le Tribunal révolutionnaire condamne à mort Victoire et ses parents comme « ennemis du peuple, ayant secondé la révolte des brigands de Vendée et le fanatisme ». Ceux-ci sont emmenés aussitôt “place du Trône Renversé” (actuelle place de la Nation) pour y être guillotinés.
Victoire demanda à être exécutée la première, en disant à son père et à sa mère : « Vous m’avez appris à vivre; avec la grâce de Dieu, je vais vous apprendre à mourir ». Leurs cadavres furent jetés dans une fosse commune creusée à la hâte non loin de là, au fond du jardin d’un couvent de chanoinesses de Saint-Augustin, fermé et réquisitionné. Ce lieu est aujourd’hui le cimetière de Picpus où reposent les 1306 victimes des massacres parisiens de la Grande Terreur (14 juin – 27 juillet 1794), ainsi que certains de leurs descendants.
La cause de béatification de Victoire Conen de Saint Luc a été initiée en 1894, puis jointe en 1919 à celle des Martyrs du Tribunal révolutionnaire de Paris. Le procès informatif et de non culte eut lieu à l’archevêché de Paris en 1920 et 1921, puis les actes de la cause envoyés en 1925 à Rome, à la Congrégation des Rites (actuelle Congrégation pour les causes des Saints), qui demanda des précisions sur le contexte historique de la Terreur. Le décès du postulateur entraîna ensuite l’interruption de la cause.
Portait de Victoire de Saint Luc dans l’église Saint-Jacques de Pouldavid, au-dessus du maître-autel
Plaque apposée sur le mur de la fosse commune du cimetière de Picpus (à côté de la plaque pour les 16 Carmélites de Compiègne, mortes pour la foi le 17 juillet 1794, béatifiées le 27 mai 1906)
Prière pour obtenir sa béatification | |
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Dieu notre Père, tu as donné à Victoire Conen de Saint-Luc un grand amour du Sacré-Coeur de ton Fils, accueille aujourd’hui nos prières pour que le témoignage du don de sa vie pour l’Église pendant la persécution révolutionnaire, permette qu’elle soit un jour, comptée au nombre des saints. Nous te le demandons par Jésus le Christ, notre Seigneur. Amen. |
Signaler une grâce reçue :
Si une grâce particulière, comme une guérison inexplicable, survenait dans votre entourage suite à l’invocation de Vicoire Conen de Saint-Luc, vous apporteriez une aide importante à sa cause de béatification en la signalant à la Chancellerie de l’évêché de Quimper :
par courrier : Monsieur le Chancelier, Evêché, 3 rue de Rosmadec 29018 Quimper cedex
par email : chancellerie @ diocese-quimper.fr
Bibliographie
• Pierre-Xavier Pouplard, Une martyre aux derniers jours de la Terreur : Victoire de Saint-Luc, Dame de la Retraite à Quimper, Lille, Desclée de Brouwer, 1882, 286 p.
• Mme de Silguy, Victoire de Saint-Luc : dame de la Retraite. Journal de sa détention en 1793, Paris, Téqui, 1905, 131 p.
• Paul Debuchy, La Retraite de Quimper et Victoire Conen de Saint Luc, Collection de la Bibliothèque des Exercices de Saint Ignace n°31, 1910, 96 p.
• Alexis Crosnier, Victoire Conen de Saint-Luc 1761-1794 : une dame de la Retraite de Quimper martyre sous la terreur les maisons de retraite avant et après la révolution française, Paris, Beauchesne, 1919, 423 p.
• Mother Saint-Patrick, Victoire de Saint-Luc, a martyr under the terror, London, Longmans, 1920, 120 p.
• Jean-Marie Le Gall, Buez Victoire de Saint Luc : leanez e kouent ar retret e Kemper, Brest, Moullerez ru ar C’hastell, 1921, 104 p.
• J.U. [Jean-Marie Uguen], Eun diverra eus buhez Viktoria Konan a Zant-Luk. Leanez e Retred Kemper. Gilhotinet e Paris, d’an 21 a viz gouere 1794, Brest, Moullerez ru ar C’hastell, 1926, 58 p.
• Hervé Gourmelon, Le destin tragique de cinq habitants de la Bretagne en 1794 sous la Terreur : Victoire Conen de Saint Luc et ses parents, Anne Pichot de Querdisien, Pétronille Bochhen, éditions Christian, 2007, 228 p.