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Sainte Trinité – 26 mai 2024

La fête de la très sainte Trinité nous invite à contempler un mystère dont l’Église fête le dévoilement au long de chaque année liturgique, en suivant un parcours spirituel de fête en fête, de dimanche en dimanche. On pourrait comparer ce parcours à l’évocation d’une histoire d’amour, au fil des étapes de sa progression. D’abord, à Noël et l’Épiphanie, la venue de Dieu dans l’humanité. Il se révèle à elle comme un Père qui a donné et envoyé son Fils dans le monde des humains pour vivre avec eux leur histoire. Puis à Pâques, la glorification, et la résurrection de son Fils par le Père. Il a aimé si fort ses frères et sœurs en humanité qu’il est allé jusqu’à donner sa vie pour eux. Et enfin à la Pentecôte, qui célèbre l’irruption de l’Esprit du Père et du Fils en chacun des disciples et l’inauguration d’une culture évangélique entre les peuples.

C’est à la toute fin de l’Évangile de saint Matthieu que l’on trouve une des premières formulations de la foi trinitaire de l’Église, celle qui est au cœur de la célébration du baptême et accompagne aussi nos signes de croix et nos bénédictions : « Au nom du Père et Fils et du Saint-Esprit ». Viendra ensuite la prière eucharistique où l’Église rend grâce « au Père par le Christ, avec lui et en lui dans l’unité du Saint-Esprit ».

Les onze disciples s’en allèrent en Galilée,
à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles :
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples :
baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé.
Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

Mt 28, 16-20

Dans le premier Testament est racontée la révélation de Dieu comme un Dieu d’Alliance et de relation avec un peuple, différent des divinités païennes. Elle a été longue et progressive. Le texte du Deutéronome de ce dimanche en fait état.

Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé,
depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre :
d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand,
a-t-on jamais connu rien de pareil ?
Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu
parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ?
Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation,
de venir la prendre au milieu d’une autre,
à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats,
à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants
— comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ?
Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur :
c’est le Seigneur qui est Dieu,
là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre.
Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie
sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours.
Dt 4, 32-34.39-40

Dans le second Testament, ce sont surtout les écrits de saint Jean et de saint Paul qui manifestent très fortement le caractère trinitaire de la foi et du langage des premiers chrétiens. Quand l’apôtre Paul écrit aux églises, la Trinité est omniprésente dans sa manière de s’exprimer. Ce qu’il écrit aux Romains (8, 14-17) en témoigne.

Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu,
ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit
qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ;
mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ;
et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père !
C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit
que nous sommes enfants de Dieu.
Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers :
héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ,
si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.

Rm 8, 14-17

Dieu est Père, Fils et Esprit Saint. Il est relation, amour, communion. En quelques mots tout simples, quelque vingt ans après la mort de Jésus et sa résurrection, Paul présente la foi aux chrétiens de Rome de manière neuve. Fini le temps de se situer dans une relation de maître à esclave, le temps d’avoir peur d’un Dieu terrible et arbitraire, qui intervient à tout propos, exauce ou punit… L’Esprit Saint est venu libérer de cette peur : il établit entre Dieu et les croyants, une relation de dignité, de confiance et d’affection. La relation d’un Père aimant à ses enfants, qui sont les frères et sœurs de son Fils bien-aimé. Avant Jésus, Dieu était déjà considéré comme un Père pour Israël, dans le cadre de l’Alliance. Mais le nom « Abba », (papa chéri) lui sera donné par Jésus, même au moment de sa détresse à Gethsémani, et sera repris par Paul. Ce nom était réservé au cercle familial. En Jésus, il révèle Dieu comme étant le Père des membres de la famille humaine, de « toutes les nations ».

La fête de la sainte Trinité est la fête de la véritable dignité des êtres humains qui sont des fils et héritiers du Père, libres et non esclaves exploitables et méprisables. Avec le Christ, leur frère aîné, ils ont part à tous les biens spirituels. S’ils souffrent avec lui et vivent comme lui, ils auront part à sa gloire. La vie trinitaire a été révélée par le Christ comme une cohabitation, une communion heureuse entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint. C’est le cœur du mystère de la foi : ayant reçu l’Esprit d’adoption par le baptême, établis comme fils et configurés au Fils, les croyants entrent dans la cohabitation divine, sont introduits dans la communion avec Dieu. Et il leur est donné de réaliser cette communion dans tous les rapports qu’ils entretiennent avec leurs frères et sœurs en humanité, de vivre au souffle de l’Esprit qui repose sur eux et les envoie, à la ressemblance du Christ, accomplir les mêmes œuvres que lui. Le Concile Vatican 2 a bâti la Constitution sur l’Église (Lumen gentium) à partir de la communion trinitaire, pour en vivre concrètement et en témoigner dans le monde. Il nous est bon de relire des extraits de l’introduction (2-4)

Le dessein universel de salut du Père éternel

Le Père éternel par la disposition absolument libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté a créé l’univers ; il a voulu élever les hommes à la participation de la vie divine ; devenus pécheurs en Adam, il ne les a pas abandonnés, leur apportant sans cesse les secours salutaires, en considération du Christ rédempteur, « qui est l’image du Dieu invisible, premier-né de toute la création » (Col 1, 15). Tous ceux qu’il a choisis, le Père, avant tous les siècles, les « a distingués et prédestinés à reproduire l’image de son Fils qui devient ainsi l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Et tous ceux qui croient au Christ, il a voulu les convoquer dans la sainte Église qui, annoncée en figure dès l’origine du monde, merveilleusement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et de l’ancienne Alliance, établie enfin dans ces temps qui sont les derniers, s’est manifestée grâce à l’effusion de l’Esprit Saint et, au terme des siècles, se consommera dans la gloire. Alors, comme on peut le lire dans les saints Pères, tous les justes depuis Adam, « depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu » se trouveront rassemblés auprès du Père dans l’Église universelle.

La mission et l’œuvre du Fils

Ainsi le Fils vint, envoyé par le Père qui nous avait choisis en lui avant la création du monde et prédestinés à l’adoption filiale, selon son libre dessein de tout rassembler en lui (cf. Ep 1, 4-5.10). C’est pourquoi le Christ, pour accomplir la volonté du Père, inaugura le Royaume des cieux sur la terre, tout en nous révélant son mystère et, par son obéissance, effectua la rédemption. L’Église, qui est le règne de Dieu déjà mystérieusement présent, opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. Commencement et développement que signifient le sang et l’eau sortant du côté ouvert de Jésus crucifié (cf. Jn 19, 34) et que prophétisent les paroles du Seigneur disant de sa mort en croix : « Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les hommes » (Jn 12, 32 grec). Toutes les fois que le sacrifice de la croix par lequel le Christ notre pâque a été immolé (1 Co 5, 7) se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre Rédemption s’opère. En même temps, par le sacrement du pain eucharistique, est représentée et réalisée l’unité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul corps (cf. 1 Co 10, 17). À cette union avec le Christ, lumière du monde, de qui nous procédons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés.

La sanctification de l’Église par le Saint-Esprit

Une fois achevée l’œuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre (cf. Jn 17, 4), le jour de Pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé qui devait sanctifier l’Église en permanence et procurer ainsi aux croyants, par le Christ, dans l’unique esprit, l’accès auprès du Père (cf. Ep 2, 18). C’est lui, l’Esprit de vie, la source d’eau jaillissante pour la vie éternelle (cf. Jn 4, 14 ; 7, 38-39), par qui le Père donne la vie aux hommes que le péché avait tués, en attendant de ressusciter dans le Christ leur corps mortel (cf. Rm 8, 10-11). L’Esprit habite dans l’Église et dans le cœur des fidèles comme dans un temple (cf. 1 Co 3, 16 ; 6, 19), en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption (cf. Ga 4, 6 ; Rm 8, 15-16.26). Cette Église qu’il introduit dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), et à laquelle il assure l’unité de la communauté et du ministère, il bâtit et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques, il l’orne de ses fruits (cf. Ep 4, 11-12 ; 1 Co 12, 4 ; Ga 5, 22). Par la vertu de l’Évangile, il fait la jeunesse de l’Église et la renouvelle sans cesse, l’acheminant à l’union parfaite avec son épouse. L’Esprit et l’Épouse, en effet, disent au Seigneur Jésus : « Viens » (cf. Ap 22, 17). Ainsi l’Église universelle apparaît comme un « peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint ».

Evangile selon saint Matthieu – Mt28, 16-20