Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  7 juillet 2024 — Fête de l’amitié — Centre missionnaire Saint-Jacques (Guiclan) (29)

7 juillet 2024 — Fête de l’amitié — Centre missionnaire Saint-Jacques (Guiclan) (29)


Is 9, 1-6 ; Ps 44, (45) ; 2Co 8, 7.9.13-15 ; Jn 2, 1-11

Chers amis,

Je suis heureux d’être aujourd’hui avec vous pour cette fête de l’amitié, qui est non seulement un beau moment convivial et fraternel, mais aussi beaucoup plus que cela. En effet, c’est l’occasion de rendre grâce pour l’œuvre que Dieu réalise depuis 160 ans avec le départ des premiers missionnaires bretons vers Haïti. Ce qui a donné naissance plus tard à la Société des Pères de Saint Jacques qui a envoyé des missionnaires un peu partout dans le monde, encore actuellement.
Accueillons cette Parole de Dieu qui éclaire et donne sens à cet anniversaire qui donne sans à la mission.

Dans cette homélie, je voudrais aborder trois aspects :
Tout d’abord, « chercher le Royaume de Dieu et sa justice » comme fondement de notre mission. La mission n’est pas seulement l’annonce de la Bonne Nouvelle, c’est beaucoup plus que cela.
La mission est nécessairement un échange de dons. Elle se vit forcément dans la réciprocité.
Et enfin, la fécondité de la mission réside dans la foi que nous mettons en Jésus et la joie qui en résulte.

En premier lieu, donc, vivre la mission, ce n’est pas seulement annoncer l’Évangile, c’est bâtir le Règne de Dieu.
Le texte d’Isaïe que nous venons d’entendre est un texte lu à Noël, car il annonce la naissance de Jésus et nous énonce ses qualités : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » et nous donne l’objet de son pouvoir : fonder un Règne de droit, de justice « Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ! ». C’est un règne fondé sur l’amour de Dieu, et ce que nous célébrons aujourd’hui en cette fête de l’amitié, c’est bien notre volonté de faire grandir le Règne de Dieu. C’est pour cela que nous sommes là, c’est pour cela que nous nous engageons. Souvenons-nous des premières paroles de Jésus lorsqu’il commence sa mission : « Le Règne de Dieu est tout proche, convertissez-vous. » (Mc 1, 15) Ce n’est pas une œuvre d’origine humaine que nous voulons développer, mais l’œuvre de Dieu qui vient sauver cette humanité par la puissance de son amour ! Cela signifie que la mission qui a pour but d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous ne peut pas se limiter à l’annonce verbale, ni même à la catéchèse. Le Royaume de Dieu est un royaume de justice et de paix que nous avons à construire. C’est toute la vie humaine qui doit être prise en compte, d’où l’importance des œuvres sociales et de tout ce qui contribue à développer la dignité de la personne humaine, la prospérité et la paix. C’est un aspect bien présent dans l’œuvre de la Société des Prêtres de Saint-Jacques. Et pour y arriver, il n’y a pas d’autre moyen que de répondre à l’appel du Seigneur et à se donner.

Cela introduit mon deuxième point sur la mission qui est donc de donner sa vie à l’image du Christ et de permettre un échange des dons. Saint Paul dans sa deuxième lettre aux Corinthiens appelle ces derniers à donner de l’argent pour soutenir l’Église de Jérusalem en difficulté. Cependant, son appel va plus loin qu’un simple appel aux dons. Il fait référence au « don généreux de notre Seigneur Jésus-Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. » (2 Co 8-9) Jésus n’était pas riche matériellement, mais pas pauvre non plus (contrairement à ce que pensait saint Charles de FOUCAULD !). Joseph était artisan, il gagnait sa vie.
De quelle richesse parle-t-il alors ?
La richesse de Jésus, c’est sa personne divine qui est à la source de tout amour. Un amour inconditionnel pour les hommes (cf. Ph2, « Lui qui était de condition divine, il n’a pas revendiqué le droit d’être traité à l’égal de Dieu… »). Il a fait le choix « de se faire pauvre » en se faisant homme et en acceptant la vulnérabilité de la vie humaine, jusqu’à donner sa vie par amour sur la croix. Saint Paul donne le Christ comme modèle de générosité donc ce n’est pas juste une question matérielle, car « Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi devons donner notre vie pour nos frères. » Pour nous, c’est un appel à répondre à notre vocation qui n’est pas seulement de donner de l’argent, de participer financièrement à une œuvre, ou même de témoigner de sa foi, mais de mettre notre vie au service de la croissance du Règne de Dieu, chacun selon sa vocation. Et nos vocations se complètent et s’enrichissent mutuellement : les Pères de Saint-Jacques, les amis de Saint-Jacques, les bénévoles, les fidèles de l’Église, qu’ils servent ici, en France, au Brésil, en Haïti, au Canada et ailleurs… De nombreux missionnaires bretons sont partis en Haïti dans l’esprit d’apporter la Bonne Nouvelle du Christ par la Parole mais aussi par les œuvres sociales.
Et nous voyons bien dans ce texte, que c’est la réciprocité qui est importante. St Paul nous dit que : « réciproquement, ce qu’ils ont en abondance [Église pauvre de Jérusalem] puisse combler vos besoins [ceux des Corinthiens] et cela fera l’égalité. » Comment l’Église de Jérusalem qui est pauvre et a besoin d’être aidée, peut-elle enrichir l’Église de Corinthe en échange de son don ?
Tout simplement parce que la richesse n’est pas d’abord matérielle. Pour l’Église de Jérusalem, c’était le témoignage de leur foi car ils étaient les premiers témoins de la vie de Jésus, de sa mort et de sa résurrection, et leur courage dans les persécutions qui commençaient déjà. À l’image de ce qui se vit actuellement en Haïti ! Cette richesse-là, celle du témoignage de leur foi et de leur courage dans les épreuves, ils nous la donnent et nous en avons besoin nous aussi pour grandir dans la foi. Et cela nous bouscule. Et quand nous pensons aux premiers missionnaires bretons qui sont partis là-bas et que nous regardons aujourd’hui autour de cet autel, les nombreux prêtres d’Haïti sont devenus missionnaires à leur tour et qui nous évangélisent maintenant. C’est une magnifique réciprocité que nous pouvons fêter 160 ans plus tard !

Enfin, la mission commence par la nécessité de grandir dans la foi et cela donne une immense fécondité grâce à Jésus et la joie qui en résulte.
Dans l’Évangile, on nous parle de la foi de Marie qui croit que Jésus peut faire ce miracle que la Noce ne manque pas de vin, même si elle ne sait pas comment Jésus va le faire, elle lui fait confiance. 
Il y a aussi la foi des serviteurs. Elle est humble, discrète, mais leur confiance en Jésus est extraordinaire ! Ils font ce que Jésus leur a dit de faire, même si cela peut leur paraître bizarre de mettre de l’eau dans les jarres au milieu du repas ! Et cela va apporter de la joie à cette fête de mariage qui annonce déjà les Noces de l’Agneau lorsque le Christ reviendra pour établir de façon définitive son Règne d’amour, de justice et de paix. La foi des serviteurs me fait penser à la foi des amis de Saint-Jacques ; à la foi des Pères de Saint-Jacques pour surmonter les difficultés ; à la foi des Haïtiens, des Brésiliens, des paroisses françaises qui sont parfois bien en difficulté face à ce raz de marée de la sécularisation…
La confiance absolue en Jésus et en son œuvre de salut apporte, quoi qu’il arrive, une grande fécondité au don que nous pouvons faire de notre vie, chacun selon notre vocation et notre état de vie.

Pour conclure, nous pouvons recevoir ces textes comme un appel à chercher « le Royaume de Dieu et sa justice ». A le faire dans le don de soi et la réciprocité, c’est-à-dire en acceptant de recevoir des autres, et pour tout cela, mettre notre foi en Jésus, le Sauveur des hommes qui nous montre le chemin et nous donne la force de le suivre par le don du Saint-Esprit. C’est tout cela que nous fêtons aujourd’hui. Cela nous rend profondément unis les uns aux autres, quelques soient les frontières qui peuvent encore nous distinguer, et nous comble de joie et d’espérance. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon