Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  6 avril 2025 — Pèlerinage diocésain à Sainte-Anne d’Auray — Sainte-Anne d’Auray (56)

6 avril 2025 — Pèlerinage diocésain à Sainte-Anne d’Auray — Sainte-Anne d’Auray (56)

Is 43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11

Frères et sœurs,

Dans cette homélie, j’aimerais faire le lien entre la place de sainte Anne dans l’histoire du salut et l’année jubilaire des 2025 ans de la naissance du Christ.

Sainte Anne révèle un aspect de la cohérence du dessein de Dieu pour l’humanité, ce Salut qui nous est offert de manière particulière en cette Année Sainte avec l’indulgence plénière.

Il y a quatre cents ans, sainte Anne est apparue ici, à Yvon NICOLAZIC, en demandant la reconstruction de la chapelle qui lui était jadis dédiée. Elle ajoutait : « Dieu veut que j’y sois honorée ». Nous pouvons remarquer que ce n’est pas elle qui sollicite cet honneur, mais bien que c’est la volonté de Dieu.

Pourquoi Dieu souhaite-t-il que sainte Anne soit honorée en ce lieu ? Honorer sainte Anne revient à honorer Marie, la mère de Jésus. La représentation habituelle de sainte Anne aux côtés de la jeune Marie, lui montrant le livre de la Parole de Dieu, souligne son rôle essentiel dans l’éducation de Marie et sa préparation à recevoir en elle le Verbe de Dieu, Jésus, le Christ, Parole vivante de Dieu.

Ce développement que je viens de faire vise à insister sur le rôle de sainte Anne dans l’histoire du Salut, bien qu’elle n’apparaisse pas dans les Évangiles canoniques. Il est important d’honorer sainte Anne et de faire ainsi mémoire de la famille maternelle de Jésus. Cette démarche prend une importance particulière dans le contexte actuel, où se posent des questions essentielles sur la personne de Jésus, à la fois homme véritable et Dieu véritable. Ces questions ont agité l’Église des premiers siècles et ont conduit au Concile de Nicée en 325 — dont nous célébrons le 1700 ᵉ anniversaire — qui a trouvé son aboutissement en 381, au Concile de Constantinople, avec la rédaction du Credo que nous proclamons aujourd’hui et qui affirme la double nature du Christ, vrai Dieu et vrai homme.

Cette double nature ne semble plus si évidente de nos jours. Je peux vous donner un exemple concret concernant cette question qui agite même certains chrétiens pratiquants. Un dimanche, il y a quelques mois, à la sortie d’une messe, une dame s’approche de moi et déclare : « Monseigneur, vous avez parlé de l’humanité de Marie. Mais Marie, elle n’est pas humaine, elle est divine, puisqu’on l’appelle l’Immaculée Conception. »

Je lui ai rappelé que Marie était bel et bien humaine, mais préparée par Dieu en étant épargnée du péché pour être la mère du Sauveur, d’où sa conception immaculée. Si Marie n’était pas humaine mais divine, alors Jésus ne serait pas véritablement homme. Et si Jésus n’était pas vraiment homme, il ne serait pas notre Sauveur, car c’est précisément parce que Dieu s’est incarné en la personne de Jésus qu’il a partagé notre fragilité humaine, tout en demeurant exempt de péché, qu’il a réellement souffert, qu’il est mort sur la croix avant de ressusciter, et donc qu’il est en mesure de nous délivrer du mal et de la mort éternelle.

En cette année jubilaire, marquant les 2025 ans de l’Incarnation, il est bon de nous rappeler que Jésus, tout en étant de nature divine, a bien pris chair dans le sein de la Vierge Marie, fille de Anne et de Joachim, au sein d’une véritable famille humaine, sa famille maternelle. Sainte Anne, est donc bien la grand-mère de Jésus et il est essentiel de nous le rappeler et de raviver notre foi dans la double nature humaine et divine du Christ, par laquelle il nous sauve.

En cette année jubilaire de l’Incarnation, nous avons besoin non seulement de faire mémoire que Dieu a pris chair de notre chair pour nous sauver de la mort, mais aussi d’en faire l’expérience, à travers la miséricorde qu’il nous manifeste par son Église et, particulièrement cette année, par l’indulgence plénière, c’est-à-dire le pardon et l’effacement de toutes nos fautes passées.

Comme l’exprime le prophète Isaïe dans la première lecture : « Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle, elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ? » Cette « chose nouvelle » se manifeste, pour reprendre l’image d’Isaïe, par un chemin dans le désert, par des fleuves dans des lieux arides, autrement dit la grâce de Dieu qui se manifeste au milieu de nos épreuves, de nos blessures, de nos infidélités et de notre péché. «  Ce peuple que je me suis façonné redira ma louange », indique encore le prophète Isaïe.

L’Évangile de ce jour, de la femme adultère, constitue une belle manifestation de cette miséricorde du Seigneur Jésus et du Salut qu’il apporte à l’humanité. Ce texte est bien connu. Habituellement, nous méditons surtout sur l’attitude de Jésus envers la femme adultère : il ne la condamne pas, mais l’appelle à changer de vie et bien sûr, ce message nous touche profondément. Il convient néanmoins de ne pas oublier la foule hostile, présente à l’arrière-plan, qui se prépare, pierre en main déjà ramassée, à condamner la femme et à la tuer. À cette foule aussi, Jésus adresse un message qui peut les préparer à accueillir la miséricorde de Dieu : « Celui d’entre vous qui est sans péché qu’il soit le premier à lui jeter une pierre ». Par cette simple phrase, Jésus renvoie chacun à son propre péché, alors que ces personnes ne percevaient que le péché d’autrui. Il les invite ainsi eux-aussi à la conversion et à un changement de vie.

Frères et sœurs, nous pouvons nous reconnaître dans cette foule, car il nous arrive également de tenir dans notre main, parfois une petite ou une grosse pierre, que nous lançons parfois par le biais de rumeurs, de paroles blessantes, de messages assassins sur les réseaux sociaux ou de gestes violents. Pour nous sauver, Jésus nous renvoie à notre propre péché, non pour nous humilier ou nous condamner, mais pour nous en délivrer.

Cette année jubilaire constitue le moment favorable pour accueillir pleinement la miséricorde du Seigneur qui nous est offerte de manière exceptionnelle. Je vous propose trois attitudes pour nous ouvrir à ces fleuves d’eau vive par lesquels le Seigneur veut faire fleurir nos déserts :

  • À l’invitation de Jésus, modifier notre regard sur autrui en examinant d’abord non pas leurs péchés, mais nos propres fautes, à l’instar des membres de cette foule de l’Évangile qui, en commençant par les plus âgés, ont pris conscience de leur péché et ont laissé tomber la pierre qu’ils tenaient dans leur main.
  • Faire la démarche de recevoir le pardon du Seigneur dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, c’est-à-dire dans la confession, où nous reconnaissons nos péchés, mais aussi l’amour de Dieu, ou plutôt même l’amour de Dieu en premier. N’ayez pas peur de cette démarche, même si cela fait de nombreuses années que vous n’y avez pas recours ou si vous avez des fautes graves à confesser : le prêtre est là pour manifester ce que Jésus a dit à la femme adultère, « Moi non plus je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus. »
  • Profiter de cette année pour devenir des pèlerins de l’espérance dans un monde qui en manque cruellement. Pour nous, chrétiens, l’espérance ne consiste pas à nous persuader que tout ira mieux demain, mais à accueillir le don de la foi qui nous fait croire que le mal n’aura pas le dernier mot dans cette humanité. Le Seigneur Jésus reviendra dans la gloire, à la fin des temps, pour juger les vivants et les morts, comme nous le proclamons dans le Credo, mais aussi qu’il intervient dès maintenant dans nos vies pour nous donner force, courage et joie d’accorder toute la place au Christ et à sa Parole dans notre existence quotidienne et ainsi de faire de chacun de nous, en ce monde, des témoins de l’amour miséricordieux du Seigneur. Amen.

† Laurent DOGNIN 
Évêque de Quimper et Léon