Gn 12, 1-4a ; Ps 32 ; 2Tm 1, 8b-10 ; Mt 17, 1-9
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Nous pouvons nous demander pourquoi la liturgie nous propose ce texte de la Transfiguration pour ce deuxième dimanche de Carême ?
Le Carême, vous le savez bien, est un moment où chaque dimanche nous sont proposés des éléments essentiels de la foi pour aider en particulier les catéchumènes qui cheminent vers le baptême, mais pour nous également qui avons besoin de renouveler notre foi ! Nous sommes invités, aujourd’hui, à accueillir l’Évangile et même l’ensemble des Écritures, comme Parole de Dieu. Et, non seulement à les accueillir pour notre sanctification personnelle et ecclésiale, mais à la faire connaître, à l’annoncer, à la transmettre aux jeunes générations. C’est pour vous y encourager que je suis venu durant cette semaine dans votre paroisse en visite pastorale.
La Transfiguration est un événement qui va beaucoup marquer les apôtres. Pierre en reparle dans sa deuxième lettre (2P 1, 16-19). Qu’est-ce qui les a marqués ?
D’abord, de voir Jésus entouré de Moïse et d’Élie qui représentent la Loi et les Prophètes. Jésus apparaît ainsi comme celui qui vient accomplir les Écritures. Il n’est pas seulement le Messie, l’envoyé de Dieu, il est lui-même le Verbe, la Parole de Dieu. « Son visage est brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la lumière. » Ce n’est pas une lumière venant de l’extérieur, qui viendrait l’éclairer. Non, cette lumière vient de lui. Il est la lumière qui vient illuminer tous les hommes.
Cette révélation visuelle s’accompagne de la voix du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ». On retrouve la même voix du Père qui avait été entendue au moment de son baptême, mais là, il y a en plus cet appel : « Écoutez-le ».
Et nous, frères et sœurs, est-ce que nous écoutons vraiment ce que Jésus nous dit dans les Écritures ? Est-ce que les lectures de la liturgie sont pour nous des textes de réflexion ou bien plus que cela : Dieu qui nous parle par son Fils Jésus ?
Comme les apôtres, nous avons à accueillir déjà cette Parole de Dieu pour nous-mêmes. L’écouter à la messe ne suffit pas. Il est bon aussi de la lire à la maison. De la prier, seul ou avec d’autres. De la méditer. Le temps du Carême est un temps privilégié pour raviver en nous cette écoute quotidienne de la Parole de Dieu. Cette Parole, nous transforme beaucoup plus que nous ne l’imaginons, car l’Esprit Saint nous a été donné et il nous conduit vers la vérité tout entière. Cette Parole fait de nous des disciples et même des disciples-missionnaires, comme le dit le pape François. Autrement dit, des disciples qui donnent envie à d’autres de rencontrer Jésus par leur témoignage, leur parole et leur manière de vivre. Le pape François, dans LA JOIE DE L’ÉVANGILE au n°20, écrit ceci : « Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de la “sortie” que Dieu veut provoquer chez les croyants. ». C’est-à-dire ce désir d’annoncer l’Évangile à ceux qui ne le connaissent pas. Et pour cela, il nous faut être disponibles pour changer, pour faire des propositions nouvelles et en abandonner d’autres qui ne sont plus pertinentes. C’est le sens de l’appel de Dieu à Abraham « quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai ». Nous, nous n’allons pas quitter notre pays du Cap Sizun, de Douarnenez et de la Haute bigoudénie, car c’est là que le Seigneur nous envoie… mais nous avons à quitter nos habitudes lorsqu’elles ne sont plus adaptées aux défis actuels de l’évangélisation et de la vie de l’Église.
Il est assez extraordinaire de voir comment l’Église a pu s’adapter à la vague de sécularisation que Mgr FAUVEL annonçait déjà en 1948 ! Il parlait d’un raz de marée de la sécularisation ! Et, ce n’est pas fini ! À cette époque, et peut-être que les plus anciens s’en souviennent, il y avait plus de 50 prêtres sur le territoire de la paroisse actuelle. Aujourd’hui, ils sont deux prêtres actifs, un « au service » et quatre prêtres âgés qui continuent à aider selon leurs forces et avec beaucoup de courage. C’est le reflet de la diminution aussi du nombre de fidèles : moins il y a de fidèles, moins il y a de prêtres.
Quitter son pays, comme Abraham, c’est arrêter de regarder en arrière pour aller vers où le Seigneur est en train de nous conduire.
Durant cette visite pastorale, j’ai bien constaté que l’Église est bien vivante sur ce territoire. Beaucoup de fidèles sont engagés, d’une manière ou d’une autre, pour que la joie de l’Évangile se répande. Ce sont peut-être des petits nombres, mais il y a des jeunes et des moins jeunes qui sont motivés, qui témoignent de leur foi comme le levain dans la pâte. C’est Jésus qui nous donne cette image ! Il faut peu de levain pour faire lever toute la pâte : vous êtes peut-être un petit nombre, mais grâce au don de l’Esprit Saint qui est toujours là, à l’œuvre, votre témoignage porte bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer !
Dans cette visite, j’ai été frappé par l’importance de la diaconie, c’est-à-dire du service des plus pauvres, pour eux et avec eux. Des engagements qui vont bien au-delà du cercle de la communauté chrétienne. J’ai été frappé aussi par tous ceux qui sont engagés autour de la pastorale de la famille : le baptême des enfants et des adultes, la pastorale des jeunes et des vocations, la catéchèse, le scoutisme, l’enseignement catholique, la préparation au mariage, la pastorale de la santé, l’aumônerie dans les EHPAD, sans oublier l’accueil des familles en deuil et la célébration des funérailles.
La foi du petit nombre de chrétiens touche, en fait, beaucoup de monde sur ce territoire ! C’est aussi le sens de la démarche « Devenir chrétiens en famille » que nous cherchons à développer dans le diocèse, car il y a aujourd’hui un vrai rayonnement du Christ y compris au sein des familles dont les membres ne sont pas forcément baptisés.
Une démarche pour nous réjouir de voir l’Évangile toucher les plus jeunes, mais aussi leurs parents, et souvent maintenant les parents par leurs enfants. Sans oublier les adultes entre eux et bien sûr les célibataires. Il est évident que nous devons changer nos manières de faire, car beaucoup de nos contemporains n’ont jamais entendu parler du Christ. On ne peut donc pas assurer la catéchèse, ou la pastorale des jeunes, comme on le faisait il y a encore 20 ans, ou même 10 ans ! De même, pour les messes du dimanche. Pour que ces messes soient ressourçantes, et que les jeunes générations aient la joie d’y venir, il nous faut une assemblée assez nombreuse avec une belle animation musicale, des chants renouvelés, que les jeunes y soient pleinement actifs dans l’animation. Moins de fidèles, moins de prêtres donc moins de messes. Il faut que le prêtre ait le temps de rencontrer les fidèles après la messe, avec éventuellement un temps convivial.
Il faut aussi développer les petites fraternités chrétiennes dans tous les bourgs, pour partager la Parole de Dieu, mais aussi pour se soutenir mutuellement, pour prier ensemble, au moins une fois par mois. Changer, c’est aussi renoncer à ce que nous avions l’habitude de faire. C’est innover ! Laissons-nous donc conduire par l’Esprit Saint ! Lui sait ce que nous devons faire ! Si nous sommes à son écoute, nous saurons aller dans la bonne direction sans nous épuiser. Et c’est cela qui nous donne de la joie.
En conclusion, je vous invite à mettre en œuvre un projet pastoral missionnaire, c’est-à-dire à réfléchir à la manière dont nous voulons annoncer l’Évangile sur ce grand territoire, en nous donnant des priorités pour l’année ou pour les 2 ou 3 années qui viennent, afin d’éviter de nous éparpiller ou de nous épuiser, cela va de pair avec un projet immobilier adapté (et je suis heureux que nous arrivions au bout de ce projet de maison paroissiale à Ploaré). Pour cela, nous ne pouvons pas garder tous nos presbytères. Il faut que notre immobilier soit adapté à la vie actuelle de l’Église… et à nos moyens financiers !
Enfin, il faut également soutenir vos prêtres, les délégués pastoraux et tous les acteurs de la pastorale. Ils n’ont pas une tâche facile, et de nombreux défis à relever, impliquant des décisions difficiles. Il faut accepter ces changements, avec foi et espérance, pour les porter avec eux.
En acceptant de changer, nous entendons la voix du Seigneur nous dire « Je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction (…). En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Frères et sœurs, avançons ensemble dans cette direction en étant toujours joyeux dans l’espérance. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon