Ba 5, 1-9 ; Ps 125 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6
Frères et Sœurs,
En écoutant ce passage d’Évangile qui nous invite à abaisser les montagnes et les collines, à combler les ravins, à rendre droits les passages tortueux et à aplanir les chemins rocailleux, nous aurions envie de répondre que ce serait dommage de faire cela dans le Finistère, car c’est notamment cela qui rend nos paysages si beaux ! Rien de plus déprimant que de grandes plaines ! Cette image biblique n’est donc pas très parlante pour nous !
Mais nous avons bien compris que tout cela représentait les nombreux obstacles qui, dans notre vie personnelle ou ecclésiale, empêchent le Seigneur de venir dans nos vies pour y faire sa demeure. Il s’agit donc bien du chemin… du Seigneur ! L’attente de l’Avènement du Christ, que nous allons célébrer à Noël, n’est pas une attente passive. Elle fait appel à notre liberté et aussi à notre vigilance. Il y a des choses à changer dans nos manières de vivre pour que l’Évangile rayonne dans notre vie et soit un témoignage pour les autres.
Le prophète Baruc, dans la première lecture, reprend aussi cette image des hautes montagnes et des collines abaissées, des vallées comblées, mais il dit que c’est Dieu qui a décidé cela et qui le réalise pour son peuple afin que ce dernier « chemine en sécurité dans la gloire de Dieu ». En revanche, dans le passage du prophète Isaïe, cité dans l’Évangile, c’est à nous, son peuple, de préparer les chemins du Seigneur en faisant disparaître les obstacles afin que « tout être vivant (voit) le salut de Dieu. »
Nous voyons bien que la conversion n’est pas une œuvre purement humaine, c’est le projet de Dieu qui se réalise pour nous, mais nous avons aussi la responsabilité de le faire advenir dans nos vies et dans la vie du monde.
Des obstacles à surmonter, il y en a à tous les niveaux de notre existence humaine. Dans la société déjà. Nous retrouvons de plus en plus en France et en Europe, la situation dans laquelle les chrétiens se trouvaient dans les premiers siècles de l’ère chrétienne lorsqu’ils vivaient leur foi en terre païenne. Nous sommes devenus minoritaires, mais comme le levain dans la pâte, nous avons une mission à accomplir en témoignant de notre foi et en apportant la lumière de l’Évangile.
Nous avons une grande montagne à abaisser pour faire grandir la fraternité entre les hommes et les femmes de notre pays, quelle que soit leur croyance. Le Seigneur nous appelle à être des témoins de l’espérance en ce monde déprimé. L’encyclique du pape François, FRATELLI TUTTI (n° 55) peut être en ce sens une bonne lecture en ce temps de l’Avent ! Comme nous dit le Pape : « L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. Marchons dans l’espérance ! » Le temps de l’Avent est le moment favorable pour raviver notre espérance.
Des obstacles à abaisser, il y en a aussi dans notre Église. Le rapport Sauvé nous l’a révélé, mais pas seulement. Il y a d’autres sources de divisions. En cette période où l’Église est bien secouée par les péchés de ses membres, l’attention aux plus pauvres est source d’unité et de communion. Là où des blessures anciennes sont ravivées, ce sont eux qui nous incitent à être plus attentifs à ceux qui souffrent. Là où des revendications individuelles, voire identitaires, minent la communion, les plus pauvres nous aident à sortir de notre égoïsme et à revenir à l’essentiel qui est l’amour de Dieu, mais aussi l’amour du prochain et le don de soi aux autres.
Dans l’encyclique EVANGELLI GAUDIUM, le pape François insiste pour que, dans l’Église : « les pauvres se sentent “chez eux”. (le Pape poursuit) Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la Bonne Nouvelle du Royaume ? » Sans l’option préférentielle pour les plus pauvres, « l’annonce de l’Évangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société́ actuelle de la communication nous expose quotidiennement » (n° 199).
Les pauvres nous ramènent à l’essentiel, alors que nous sommes si souvent perturbés ou même manipulés par les emballements médiatiques, les fausses nouvelles, les idéologies qui traversent la société. C’est sans doute pour cela que Jésus a annoncé l’Évangile aux pauvres, c’est-à-dire à ceux qui sont assez humbles et ouverts pour accueillir la vérité de l’Évangile.
Nous sommes entrés cette année, en l’Église, dans la préparation du Synode romain sur la synodalité, occasion de nous mettre à l’écoute de ce que Dieu attend de nous en ce XXIe siècle. Quel est le renouveau qu’il souhaite pour notre Église dont le Christ est la tête et nous ses membres ? Nous allons ouvrir demain lundi, sur le site Internet du diocèse, une page spéciale qui permet à toutes les personnes et les groupes qui le souhaitent de participer à la première étape de consultation du Peuple de Dieu qui durera jusque fin avril. N’hésitez pas à y participer. Chacun apportera ainsi sa contribution pour préparer les chemins du Seigneur au sein de notre Église.
Enfin nous avons aussi à rendre droit les chemins de notre vie personnelle pour accueillir pleinement le Christ qui vient nous sauver. L’approche des fêtes de Noël est un beau moment pour les familles, mais aussi parfois réveille des souffrances et des divisions. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture : « dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. »
C’est aussi dans nos familles que nous avons à abaisser les montagnes et les collines et à aplanir les chemins rocailleux pour que le Seigneur ait toute sa place et que chacune de nos familles devient une Église domestique pour reprendre l’expression du pape saint Jean-Paul II. Cela n’est pas sans lien avec la démarche synodale diocésaine « Devenir chrétiens en famille » à laquelle vous pouvez aussi participer en trouvant les indications sur notre site diocésain.
Le temps de l’Avent est un temps de conversion, pour nous rendre prêts à accueillir la grâce de Dieu. Comme le dit saint Paul, « Celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Seigneur Jésus Christ. » Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon