Ce quatrième dimanche de Pâques oriente chaque année la prière et la réflexion de l’Eglise vers les vocations aux divers ministères. Quand il parle de lui-même dans l’évangile selon saint Jean, Jésus utilise un vocabulaire varié. Aujourd’hui, il se présente dans le chapitre X comme le bon pasteur et comme la porte des brebis. Dans l’extrait du texte, écoutons d’abord la parabole du vrai berger.
Amen, amen, je vous le dis :
celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte,
mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit.
Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis.
Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix.
Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir.
Quand il a poussé dehors toutes les siennes,
il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix.
Jamais elles ne suivront un étranger,
mais elles s’enfuiront loin de lui,
car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Jésus employa cette image pour s’adresser à eux,
mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait.
Jésus reproche sans doute aux pharisiens leur rigorisme. Leurs interprétations moralisatrices de la Loi, les prescriptions qu’ils y ajoutent et leurs discours dogmatiques ont pris le pas sur les appels à la miséricorde de Dieu. Ils ont trahi l’esprit de la Loi et ont réduit sa pratique à la recherche d’une perfection légaliste. Par leur intransigeance vis-à-vis des pécheurs et des pauvres, ils ont fait œuvre de destruction et de désespérance dans leur cœur. Ce n’est pas ainsi que Jésus présente sa mission. Les images de la parabole, en peu de mots, insistent sur l’aspect essentiel de tout ministère pastoral. C’est d’abord à sa voix – soulignée à deux reprises –, au ton et à la manière de parler aux brebis que celles-ci le reconnaissent, et c’est après l’avoir reconnu ainsi, qu’elles écouteront vraiment sa parole et le suivront avec confiance. La relation entre elles et lui est familière. Il les connaît personnellement et les appelle chacune par son nom. Elles forment un même troupeau, mais chacune garde sa singularité, sa relation intime et personnelle avec l’unique berger. Sa parole retentit dans leur cœur, autrement que les injonctions impersonnelles de règles dictées par ceux qui leur parlent avec froideur et ne produisent en elles que l’envie de se tenir éloignés de lui. Notons aussi que le vrai berger les fait sortir, au lieu de les emprisonner dans des enclos. Il les accompagne et marche à leur tête pour les guider et ainsi les conduire et les protéger de tout danger.
Comme les pharisiens n’ont pas compris qu’ils étaient visés et concernés, Jésus ajoute une seconde parabole à la première.
C’est pourquoi Jésus reprit la parole :
« Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis.
Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ;
mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ;
il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage.
Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr.
Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance.
Jn 10, 1-10
Tout ministère dans l’Eglise est orienté vers le Christ qui se présente comme le vrai berger et aussi la porte des brebis. Une porte frontière ouverte entre deux mondes : celui de Dieu et celui des hommes. La porte du ciel qui s’est ouverte à la terre, lorsque Dieu a pris chair de notre chair, et qu’il est venu partager notre condition humaine. La porte qui a ouvert une brèche de réconciliation, qui a laissé pleuvoir une rosée de bienveillance, une pluie fécondante de miséricorde. Réconciliation, bienveillance, miséricorde, manifestées et réalisées en Jésus le bon pasteur. L’Eglise doit avoir comme souci premier le service du monde.
Désormais le don total que le Christ a fait de sa vie permet aux hommes pécheurs d’avoir part à la sainteté de Dieu, car Jésus leur frère est assis à sa droite, dans son royaume où il leur prépare un festin. Désormais, il leur est donné de ne plus rester enfermés et esclaves entre les murs de leurs prisons ou de leurs forteresses. Ceux qui passent par lui, ceux qui franchissent grâce à lui la porte du salut accèdent à la liberté de Dieu. Ils ne sont pas emprisonnés dans des sectes. Ils peuvent aller et venir librement et vivre déjà selon le monde divin des verts pâturages annoncé par le psaume 22.
Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom.
Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.
Le premier des ordres qualifiés de « mineurs » qu’exerçaient certains chrétiens dans l’Eglise primitive, et que recevaient les futurs prêtres jusqu’au « motu proprio » décidé par Paul VI en 1972, est celui de « portiers ». Ils étaient des gardiens chargés de veiller sur les lieux de cultes des communautés, et d’en d’organiser les entrées. On peut dire que tous les chrétiens ont tous vocation de portiers et particulièrement chaque personne qui est revêtue d’un ministère, d’une charge pastorale. Ils sont appelés à être veilleurs aux portes et ouvreurs de portes, ayant comme mission d’accueillir ceux qui se présentent et de les guider vers la porte ouverte qu’est le Christ. Portier, c’est-à-dire encore, ayant comme lui la porte de leur cœur toujours grande ouverte. A Pierre, comme à toute l’Église, est confiée la mission de portier, pour que tout homme reconnaisse et suive celui qui est la porte du salut et de la connaissance de Dieu. A sa manière, Pierre adresse le même message à la foule, le jour de la Pentecôte.
Alors Pierre, debout avec les onze autres Apôtres,
éleva la voix et leur fit cette déclaration :
Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude :
Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. »
Les auditeurs furent touchés au cœur ;
ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? »
Pierre leur répondit : « Convertissez-vous,
et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ
pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit.
Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera. »
Par bien d’autres paroles encore, Pierre les adjurait et les exhortait en disant : « Détournez-vous de cette génération tortueuse, et vous serez sauvés. »
Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre furent baptisés.
Ce jour-là, environ trois mille personnes se joignirent à eux.
Ac 2, 14a.36-41
Pierre, comme les apôtres d’ailleurs, ou comme les évêques et les prêtres de l’Eglise ne sont pas propriétaires de leur peuple, de leurs « ouailles ». Pierre ne se prend pas pour le Christ. S’il a été choisi par lui comme berger, c’est pour servir l’Eglise, corps du Christ. S’il a reçu les clés du Royaume, c’est pour garder ouverte la porte qui mène au Christ : c’est lui l’unique pasteur et l’unique prêtre qui veille sur son Église, qui a donné sa vie pour elle et pour les hommes. Pierre, dans sa première épître, invite les responsables de l’Eglise et aussi tous les chrétiens à imiter celui qui est leur berger et qui est à leur tête. Le passage que nous lisons ce dimanche est peut-être une hymne de l’Eglise ancienne. C’est en tout cas un texte très beau qui reprend les images d’Isaïe quand il parle du serviteur souffrant, avec notamment cette phrase étonnante : « C’est par ses blessures que vous avez été guéris. »
Frères, si vous supportez des coups pour avoir commis une faute,
quel honneur en attendre ?
Mais si vous supportez la souffrance pour avoir fait le bien,
c’est une grâce aux yeux de Dieu.
C’est bien à cela que vous avez été appelés,
car c’est pour vous que le Christ, lui aussi, a souffert ;
il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces.
Lui n’a pas commis de péché ; dans sa bouche, on n’a pas trouvé de mensonge.
Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance,
il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice.
Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois,
afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice.
Par ses blessures, nous sommes guéris.
Car vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes.
1 P 2, 20b-25
Depuis le Concile Vatican 2, le mot « pastoral » est employé à propos de la plupart des activités de l’Église : pastorale liturgique, sacramentelle, de la santé, etc. Il qualifie aussi les conseils et les équipes, et aussi toute la mission de l’Église. L’emploi généralisé de ce mot constitue un déplacement par rapport à la manière dont elle a été envisagée durant les temps de chrétienté. Les catholiques ne se considèrent plus d’abord comme membres d’une administration religieuse. Ils perçoivent leur mission comme pastorale. Leur souci premier doit être de signifier celui du Christ pasteur, qui est de sauver tout homme et tout l’homme, et cela dans le moment de l’histoire et le contexte du monde où ils vivent.
Evangile selon saint Jean – Jn10, 1-10