Ez 2, 2-5 ; Ps 122 (123) ; 2 Co 12, 7-10 ; Mc 6, 1-6
Frères et Sœurs,
Le pardon de Notre-Dame de Kerluan nous porte cette année à regarder plus attentivement et même à contempler les vitraux qui ont été réalisés. Un chantier de plusieurs années qui a permis, peu à peu à transformer la lumière de cette chapelle en la rendant plus accueillante pour susciter le recueillement et la prière.
Même s’ils ne sont pas figuratifs, j’aimerais partir de l’aspect symbolique des vitraux et de la lumière qu’ils diffusent.
Lorsqu’on regarde les vitraux depuis l’extérieur, ils sont ternes. Ils apparaissent même comme sombres. C’est en entrant à l’intérieur, surtout les jours où il y a du soleil comme aujourd’hui, qu’ils diffusent leurs couleurs dans l’église. Nous pouvons comparer les vitraux à nos propres vies lorsque la lumière du Christ y pénètre. Comme le dit Jésus : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. » (Jn 8, 12)
Dans son petit livre CATHOLIQUE ANONYME (Seuil 2008), Thierry BIZOT (producteur de télévision) dit à quel point la découverte de la foi a changé sa manière de vivre avec les autres : « Un nouveau soleil venait d’apparaître dans ma galaxie, me forçant à reconsidérer toutes mes valeurs sous ce nouveau jour, m’apportant un bonheur indiscutable ». La lumière du Christ transforme profondément notre existence si nous savons nous laisser pénétrer par son amour miséricordieux.
Le symbolisme des vitraux, considérés sous cet angle apporte plusieurs éclairages :
D’abord il a fallu plus de 20 ans pour arriver enfin à avoir l’ensemble de ces vitraux et que la chapelle revête aujourd’hui ses belles couleurs. Jésus nous dit bien que le Royaume de Dieu est en croissance à l’image de ces vitraux. La lumière du Christ se répand peu à peu, même s’il y a beaucoup de résistance comme on le lit dans l’Évangile de ce jour. Les gens reconnaissent en Jésus « la sagesse qui lui a été donnée et les miracles qui se réalisent par ses mains », mais ils ne croient pourtant pas en lui. En effet, le connaissant dans son humanité, ils n’acceptent pas sa parole et ses actes comme venant de Dieu. C’est pourquoi Jésus « s’étonna de leur manque de foi. » Comme le dit saint Jean en parlant de Jésus : « la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » (Jn 3, 19)
Lorsqu’on entre dans l’Église, on peut être touché par l’ambiance que donne la lumière des vitraux, mais ce n’est pas cela qui donne la foi. De même, il faut souvent du temps pour que le voile tombe de nos yeux comme en témoignent les belles conversions des catéchumènes adultes qui se présentent chaque année pour demander les sacrements de l’initiation chrétienne.
Cependant, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, Jésus ne se décourage pas et il continue d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut malgré toutes les résistances et les oppositions qu’il rencontre. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » (Jn 1, 4-5.)
Si les vitraux étaient trop opaques, ils ne laisseraient plus passer la lumière. C’est le péché qui peut nous rendre opaques et ternes, en empêchant ainsi les autres de recevoir par nous cette lumière. C’est pourquoi le vrai disciple est toujours dans une attitude de conversion. C’est en étant des hommes et des femmes de prière que nous pouvons permettre à la lumière du Christ de dissiper en nous le mal et d’ouvrir notre vie à la charité et au don de nous-mêmes aux autres.
Un autre symbolisme peut être souligné, c’est la diversité des couleurs que l’on trouve dans les vitraux et la beauté de leur agencement voulue par Monsieur Jean-François CHAUSSEPIED. Cela peut représenter la diversité des personnalités et des charismes des disciples de Jésus. La lumière du Christ nous éclaire, mais nous ne sommes pas tout à fait transparents. Comme les vitraux, nous transformons cette lumière pour la diffuser. La lumière du Christ s’incarne en nous pour apporter aux autres son amour et sa parole de Salut. Et comme dans les vitraux, chaque élément n’a de sens, que relier aux autres. C’est ensemble, en Église, que nous pouvons diffuser cette lumière divine !
Cependant, tout n’est pas si lumineux, nous sommes bien incarnés, nous avons aussi nos limites et nos faiblesses. Saint Paul le rappelle dans la deuxième lecture que nous avons entendue. Là, il ne s’agit plus de nos péchés, mais de nos faiblesses.
Il semble que pour saint Paul ce soit un problème de santé, une maladie des yeux, qui le gênait dans sa relation avec les autres. Il interprète cette épreuve comme venant de Satan (et non de Dieu), mais elle va pourtant lui permettre de ne pas se surestimer, comme il le dit lui-même. Donc, d’un mal, il va résulter un bien.
Nous avons tous nos fragilités, nos limites humaines, qu’elles soient physiques, psychiques, intellectuelles. Mais saint Paul montre que ce n’est pas un obstacle pour diffuser la lumière du Christ, contrairement au péché !
Saint Paul ne fait pas l’éloge de la faiblesse, qui n’est désirable pour personne, mais de l’humilité. La faiblesse nous pousse à être plus humbles, moins orgueilleux. Nous en avons fait l’expérience de façon collective, et ce n’est pas fini, avec la pandémie de COVID-19 qui nous a rappelé que nos corps étaient mortels et que la science la plus sophistiquée pouvait être dépassée par un simple virus. Cela nous rend plus humbles dans notre rapport à la nature, notre rapport aux autres et à Dieu. Nous ne sommes pas tout puissants malgré les avancées indéniables de l’intelligence humaine.
C’est dans l’humilité que nous pouvons accueillir pleinement la lumière du Christ et la répandre avec toutes les couleurs de notre personnalité et de nos compétences. Mais cela suppose de changer notre regard et d’accepter nos limites et nos faiblesses, sans les nier et sans nous révolter contre elles. Dans un premier temps d’ailleurs, saint Paul a prié pour en être délivré, sans être exaucé, mais finalement, « il accepte de grand cœur pour le Christ, les faiblesses » et même « les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. »
Et là, il ne s’agit plus seulement de ses problèmes de santé, mais des obstacles qu’il rencontre pour annoncer la Bonne Nouvelle, comme Jésus en a eus, mais aussi des défis à relever comme les naufrages dont il a pu sortir vivant. Ces « situations angoissantes », nous pouvons en éprouver nous-mêmes dans notre existence personnelle, professionnelle, conjugale ou familiale. Comme le dit saint Paul, c’est la puissance de Dieu qui permet à la lumière du Christ de pénétrer dans nos vies malgré nos faiblesses et nos limites, et même de la répandre comme de bons témoins de la grâce de Dieu, à l’image de ces vitraux, à condition que nous vivions cela dans la foi et l’humilité.
Que la bénédiction de ces vitraux nous rappelle que chacun de nous est appelé par Dieu à être un beau vitrail pour diffuser la lumière du Christ et sa parole de Vie dans nos maisons et dans la société. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon