Dt 18, 15-20 ; Ps 94 ; 1 Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28
Frères et Sœurs,
Après-demain, le 2 février, nous célébrerons la présentation de Jésus au Temple. C’est traditionnellement le jour où nous fêtons la vie consacrée. Par cette expression, nous désignons tous ceux et celles qui ont consacré totalement leur vie au Seigneur, corps et âme. Les religieux et religieuses, mais aussi les différentes formes de laïcs consacrés, hommes ou femmes.
Nous pouvons ajouter les prêtres qui se sont aussi engagés dans le célibat pour le Royaume. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, j’aimerais ce matin méditer avec vous, à partir de la deuxième lecture de ce jour : la Lettre de saint Paul qui nous parle justement du célibat consacré.
Il me semble important d’en parler, car l’opinion publique, y compris l’opinion catholique, en a une vision erronée et ne comprend pas pourquoi l’Église demande aux prêtres de s’engager dans le célibat, alors même que cette même opinion paraît moins choquée que des moines s’y consacrent dans leur abbaye ou des femmes dans la vie religieuse !
Ce passage de la 1re Lettre aux Corinthiens a été écrit par saint Paul très tôt après la Résurrection, à un moment où les premiers chrétiens pensaient que l’Avènement glorieux du Christ interviendrait dans peu de temps. Il présente donc le célibat consacré comme une manière de se mettre déjà dans la disposition de ceux qui vont entrer dans le Royaume des Cieux dont Jésus dit : « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans le ciel. » (Mt 22, 30).
Les chrétiens ont pris conscience, notamment avec les persécutions, que cette attente de la venue du Christ dans sa gloire pouvait durer. Cela dit, dès le début de l’Église des chrétiens ont choisi de rester célibataires en écho à la parole de Jésus : « il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » (Mt 19, 12).
Aujourd’hui encore, l’état de vie consacrée est une anticipation de cette vie éternelle que le Seigneur nous promet où nous serons tous totalement consacrés au Seigneur pour toujours dans un amour qui ne connaîtra plus d’ombres.
Dans sa lettre, saint Paul souligne la disponibilité vis-à-vis du Seigneur que cet état de vie permet : « Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de ce monde, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé. »
Vous allez me dire que le fait d’être baptisé et confirmé nous donne à tous le désir de plaire au Seigneur et les personnes mariées honorent le Seigneur en fondant une famille, c’est évident, mais saint Paul veut parler aussi de la disponibilité intérieure de celui ou celle qui donne sa vie entièrement pour le Seigneur. Une disponibilité totale voulue par amour pour Dieu et pour son œuvre de Salut.
Nous faisons l’expérience de cette difficulté évoquée par saint Paul avec le diaconat permanent. Depuis que j’ai été nommé dans le Finistère, j’ai ordonné douze diacres permanents, dont un seul était célibataire, les autres étaient mariés.
Mais, il est tout de même difficile actuellement de trouver des candidats au ministère de diacre justement parce que l’épouse peut avoir le sentiment que l’Église va lui prendre son mari, ou du moins qu’il sera partagé, voire divisé comme dit saint Paul, entre sa vie conjugale, familiale et son ministère. Les enfants aussi ressentent cela !
Il faut un long chemin de préparation pour que le couple se décide à vivre cette nouvelle forme de don de soi. Les personnes qui réclament le mariage des prêtres ne se rendent pas compte de cela !
Dans sa lettre, saint Paul précise bien que le fait qu’une personne reste vierge pour le Seigneur la « sanctifie dans son corps et son esprit. » Donc, ce n’est pas seulement une disponibilité de temps pour se consacrer à un ministère, un service ou une mission. Le fait de consacrer sa vie à Dieu nous change intérieurement. Il y a de la joie à donner sa vie pour le Seigneur.
Une vie qui n’est plus centrée sur nous-mêmes, mais sur le Christ et, par lui, vers les autres. Contrairement à ce que l’on entend souvent, il y a même un bel épanouissement personnel, mais qui ne vient pas seulement d’un équilibre humain. C’est vraiment un don de Dieu. Un don de l’Esprit saint qui est à cultiver bien sûr dans la prière, car nous restons humains avec nos tentations et c’est bien ainsi !
Saint Paul montre aussi que ce célibat ne peut pas être imposé. Comme il le dit, c’est : « pour vous proposer ce qui est bien, afin que vous soyez attachés au Seigneur sans partage. »
Saint Paul ne parle pas là de vocation particulière. Autrement dit, que certains puissent être appelés par Dieu à cette vie-là et pas les autres, même si lui-même a reçu un appel du Christ à vivre ce don total de lui-même dans le célibat pour le Royaume.
Aujourd’hui, on insiste beaucoup sur le fait de répondre vraiment à un appel de Dieu et ne pas faire de ce don de soi un idéal de vie que l’on s’est donné. Ce n’était pas toujours le cas autrefois. Pour des parents, il fallait qu’il y ait un prêtre ou une religieuse parmi ses enfants. C’était un honneur et même un devoir ! Les parents poussaient leurs enfants à cela. Maintenant, nous sommes passés dans l’excès inverse !
Dans le passé, certains ont été ainsi ordonnés prêtres sans nécessairement avoir la vocation. Ils étaient portés par la fonction, mais cela n’a pas été toujours heureux, beaucoup ont quitté le sacerdoce quand le soutien social et ecclésial est retombé. D’autres n’ont pas eu une vie épanouie ou ont été infidèles, voire pire comme on le découvre maintenant !
Or, si donner sa vie totalement pour le Seigneur ne peut se vivre que par un don de Dieu, cela veut dire qu’il faut chercher à savoir quelle est sa volonté pour chacun de nous. L’Église ne choisit comme prêtres que ceux qui ont le charisme du célibat, c’est-à-dire le don de l’Esprit saint pour être capables de consacrer ainsi leur vie totalement au Seigneur. Pour les prêtres, l’année de propédeutique qui précède l’entrée au séminaire, puis les années de séminaire permettent ce discernement.
De même pour la vie religieuse avec le temps du postulat, puis du noviciat, puis des années de vœux temporaires avant de s’engager définitivement. Nous sommes encore plus attentifs maintenant à ce charisme du célibat que tout le monde n’a pas. La joie de donner sa vie et l’équilibre humain qui en résulte en est le signe tangible.
Tout cela pour dire que le Seigneur veut notre bonheur et qu’il nous appelle certains pour le mariage, d’autres pour la vie consacrée, d’autres resteront célibataires sans forcément être consacrés, mais ils seront heureux et féconds autrement. Tout cela afin que les différents états de vie se complètent pour la plus grande gloire de Dieu.
Mais soyons bien sûrs, qu’il y a de la joie à donner toute sa vie pour le Seigneur, s’il nous y appelle, et c’est une nécessité pour l’Église qu’il y ait des prêtres, mais aussi des religieux et des religieuses, des laïcs consacrés, qui soient le signe que le Seigneur nous aime au point de se donner totalement à lui. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon