Frères et sœurs,
L’appel du Christ à être des serviteurs, plutôt que des maîtres qui font sentir leur pouvoir, nous fait bien réfléchir sur notre rapport à la Création. Par ce terme, nous entendons la flore, la faune, ce qu’on appelle l’environnement, mais aussi la vie humaine dans toutes ses dimensions, sociale, religieuse. Tout est lié et reconnaissons que cette Création, qui est l’œuvre de Dieu, est bien malmenée actuellement. Le pape François a publié il y a 5 ans l’encyclique Laudato Si qui apparaît à tous aujourd’hui, même pour des non-croyants, comme un texte prophétique qui est à relire et à méditer.
Cette encyclique n’est pas inspirée d’un courant écologique comme ceux qui véhiculent souvent des concepts qui sont bien éloignés de l’Évangile. C’est bien la Parole de Dieu qui est à la source de Laudato Si. C’est Dieu qui nous parle et qui nous appelle à la conversion. Je me permets de vous lire ce que le pape écrit dans cette encyclique, à partir justement de ce passage d’Évangile que nous venons d’entendre :
« … il serait aussi erroné de penser que les autres êtres vivants doivent être considérés comme de purs objets, soumis à la domination humaine arbitraire. Quand on propose une vision de la nature uniquement comme objet de profit et d’intérêt, cela a aussi de sérieuses conséquences sur la société. La vision qui consolide l’arbitraire du plus fort a favorisé d’immenses inégalités, injustices et violences pour la plus grande partie de l’humanité, parce que les ressources finissent par appartenir au premier qui arrive ou qui a plus de pouvoir : le gagnant emporte tout.
L’idéal d’harmonie, de justice, de fraternité et de paix que propose Jésus est aux antipodes d’un pareil modèle, et il l’exprimait ainsi avec respect aux pouvoirs de son époque : “Les chefs des nations dominent sur elles en maîtres, et les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous sera votre serviteur” (Mt 20, 25-26). »
En entendant cela, nous voyons bien que chacun de nous est interrogé, à notre niveau bien sûr, par ces questions. En ce qui concerne le respect de la Création, il ne s’agit donc pas seulement de changer nos habitudes de consommation en étant plus rigoureux par exemple avec le tri sélectif ou notre consommation d’eau. Jésus nous appelle plus profondément à changer de mentalités, à convertir notre manière de voir les choses. À nous situer autrement vis-à-vis de la nature, mais aussi des personnes.
Nous ne pouvons pas nous croire supérieurs à la nature. Avec le développement de la science et des techniques, nous avions fini par oublier que nous étions des créatures limitées et vulnérables. La pandémie de COVID-19 nous l’a rappelé durement. Nous devons recevoir cet événement mondial comme un avertissement. Le Christ nous appelle dans l’Évangile à être des serviteurs et non des maîtres qui font sentir leur pouvoir. Cela est valable dans nos rapports humains, mais aussi dans notre rapport avec la terre.
Les premiers chapitres du livre de la Genèse ont souvent été interprétés de façon erronée comme un droit à exploiter la Création, alors que Dieu nous l’a confiée au contraire pour la « cultiver et la garder » (Gn 2, 15), autrement dit pour en prendre soin. Saint-François d’Assise nous a rappelés à l’ordre en montrant que nous étions appelés à vivre harmonieusement dans notre rapport avec Dieu, avec le prochain et avec la terre. Les trois étant inséparables !
Remarquons que les courants écologiques ne parlent pas de Dieu alors qu’il est le Créateur. Nous ne pourrons jamais sauver la Création en écartant le Créateur ! C’est au contraire en remettant Dieu au centre que nous pouvons la sauver. C’est pourquoi nous-mêmes devons raviver notre foi et l’enraciner dans la prière et la méditation des Écritures comme Sainte-Anne a su le faire avec sa fille, la Vierge Marie.
Le respect de la Création implique nécessairement le respect de la dignité humaine, car tout est lié, dit le Pape. Nous pensons évidemment au respect de la vie humaine, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, qui est bien mis à mal aujourd’hui dans notre société. Mais pensons aussi aux populations qui souffrent des dérèglements climatiques. Ces derniers n’étant pas sans conséquence sur les famines, les conflits et les guerres. Tout cela provoque de nombreux déplacements de familles qui cherchent un lieu pour vivre. C’est un phénomène sans précédent dans l’histoire.
La pandémie, qui touche tous les pays du monde sans distinction, nous a fait prendre davantage conscience que nous ne formions qu’une seule famille humaine. Nous ne pouvons pas rester indifférents ou repliés sur nous-mêmes. Jésus nous le rappelle tout au long de l’Évangile.
En ce début d’année scolaire bien particulier, que notre prière monte vers le Seigneur. Demandons-lui la grâce de changer de regard sur ce qui se passe dans le monde et de discerner ce que chacun de nous peut faire pour le bien commun. Confions-nous à la prière de Sainte-Anne. Qu’elle nous aide à répondre à l’appel du Seigneur, comme elle a su le faire avec sa fille la Vierge Marie. AMEN
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon