Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Rm 8, 8-17 ; Séquence « Veni Sancte », Jn 14, 15-16.23b-26
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, je souhaite revenir sur cette phrase de Jésus : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. » Le mot « Défenseur » que nous pouvons aussi traduire par « Avocat ». Cela signifie que Jésus considère que les chrétiens sont en quelque sorte en procès contre des accusateurs, comme Jésus l’a été lui-même devant les pharisiens et les docteurs de la Loi, puis devant Pilate jusqu’à la mort. Dans saint Jean, nous sommes en conflit avec le « monde » qui représente tous ceux qui s’opposent à Dieu, et qui ne reconnaissent pas le Christ comme le Messie. Jésus avait bien prévenu ses apôtres qu’ils seraient persécutés comme lui a été persécuté.
Pourquoi parle-t-il d’« un autre Défenseur » ? C’est Jésus lui-même qui défendait ses apôtres lorsqu’il était avec eux, c’est lui qui répondait aux pièges des pharisiens et des docteurs de la Loi qui cherchaient des motifs pour le mettre à mort. Jésus était leur défenseur au sens où il prenait soin d’eux, où il les instruisait, il les exhortait, les mettaient en garde contre « le levain » des pharisiens. Désormais, Jésus monte vers le Père et il envoie un « autre Défenseur » pour protéger ses disciples.
Jésus précise, dans la fin du passage, sa fonction : « le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Pour le dire autrement, et c’est aussi une phrase de saint Jean, : « L’Esprit de vérité vous guidera vers la vérité tout entière. » (Jn 16, 13) Au fond, sa manière de nous défendre, c’est d’enraciner sa Parole en nous, mais non pas malgré nous ! D’ailleurs, il met une condition qui suppose un engagement de notre part : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et chez lui, nous nous ferons une demeure. »
« Si quelqu’un m’aime », montre bien que l’amour du Christ est la condition sine qua non car il a également dit : « celui qui ne m’aime pas, ne garde pas mes paroles. » Qu’est-ce qui entretient cet amour avec le Christ ? C’est notre vie de prière, notre vie sacramentelle, la méditation de la Parole de Dieu et le temps que nous prenons avec les autres chrétiens pour nous nourrir de Lui et le louer.
Mais, aimer le Christ c’est aussi aimer son prochain. Notamment dans le service, la diaconie, en prenant soin des plus pauvres.
Que signifie « garder ma parole » ? Ce n’est pas seulement l’avoir en mémoire, c’est aussi la mettre en œuvre dans notre existence. Autrement dit, que cette parole ne reste pas uniquement dans notre tête, mais qu’elle dirige vraiment nos choix de vie, notre manière d’être, nos actes. Tout ce que nous pouvons faire en ce monde !
Nous avons là ce qui doit être le cœur de notre vie chrétienne : à la fois cet amour du Christ, et même cette amitié avec le Christ, et la mise en œuvre de l’Évangile, la Bonne Nouvelle du Salut, dans notre existence.
Jésus nous dit que si nous faisons cela, Dieu demeure en nous.
C’est bien l’Esprit Saint, le Défenseur, qui nous permet de vivre cela, si nous le voulons bien, si nous mettons en lui notre foi et notre amour.
L’Esprit Saint (le Défenseur) nous permet donc d’être fidèles malgré les oppositions, voire les persécutions, mais il ne nous défend pas seulement vis-à-vis des autres ! En effet, trop facilement nous pourrions dire que ce sont les autres qui sont un obstacle à la Bonne Nouvelle ! Mais l’Esprit Saint nous défend aussi vis-à-vis de nous-mêmes et du mal qui est en nous ! C’est ce qu’on appelle le combat spirituel. À partir du moment où l’on devient chrétien, nous ne serons jamais tranquilles, car nous devrons toujours essayer de vivre l’Évangile et ce faisant, nous vivrons le combat spirituel parce que ce n’est pas facile de vivre l’Évangile !
L’Esprit Saint nous défend contre la perte de la foi, lorsque, par exemple, le Seigneur a de moins en moins de place dans notre vie, lorsque nous manquons à notre vie de prière, lorsque la messe devient moins fréquente, lorsque nous renonçons à recevoir le sacrement du pardon… Beaucoup de choses peuvent nous éloigner du Seigneur.
Il nous défend aussi contre la perte de l’espérance. Je pense par exemple à tout ce que nous pouvons vivre aujourd’hui, notamment les épreuves internes à l’Église (comme les scandales d’abus sexuels qui ont bouleversé tous les fidèles, et qui nous ont fait prendre davantage conscience que si effectivement l’Église est sainte, ses membres sont pécheurs ; même les prêtres peuvent être pécheurs, ce n’est pas nouveau !) La perte d’espérance vient aussi de tout ce qui nous éprouve : la société et ses dérives, mais aussi l’avenir du monde (défis environnementaux, pollution, réchauffement climatique, guerres…). Il y a énormément de raisons de perdre l’espérance !
L’Esprit Saint nous défend aussi contre le repli sur nous-mêmes, l’égoïsme, qui se traduit par un manque de charité. Nous retrouvons bien là les vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité et qui sont la colonne vertébrale du chrétien ! C’est l’Esprit Saint qui nous donne la grâce de faire grandir en nous ces trois vertus théologales sans lesquelles nous ne sommes plus d’authentiques chrétiens.
L’Esprit Saint nous défend aussi, évidemment, vis-à-vis de l’extérieur. Il nous libère de notre peur de témoigner de notre foi, d’annoncer la Bonne Nouvelle, alors que nous pouvons avoir le sentiment que c’est peine perdue face à des gens que cela n’intéresse pas. Une maman me disait qu’en famille elle ne parlait pas de la foi, parce que cela risquait de provoquer des vagues ! L’Esprit Saint nous donne aussi la capacité de surmonter nos résistances dans le témoignage que nous pouvons donner.
À l’Île de Batz, je suis assez émerveillé par la manière avec laquelle la communauté chrétienne ici se prend en charge et essaie d’animer la prière, de célébrer les obsèques, de redonner ainsi l’Espérance chrétienne aux familles en deuil. C’est vraiment un beau signe que l’Esprit Saint est à l’œuvre ! Il est là, bien présent. Il se manifeste en vous et par vous. Il manifeste tous ses dons et je suis convaincu que cela porte énormément de fruits. Lorsqu’on vit sur une île, on a sans doute l’impression d’être un peu éloigné de la paroisse, éloigné du diocèse, surtout lorsque l’on ne voit pas l’Évêque très souvent, pour ne pas dire pas du tout, mais, cela ne veut pas dire que vous êtes loin.
Tout ce que vous faites, ici, pour développer cette vie de prière, pour maintenir une vie de communauté chrétienne, vous met profondément en communion avec votre paroisse et avec le diocèse. Je suis là pour vous encourager et vous dire qu’en tant qu’Évêque de Quimper et Léon, je prie pour vous et je compte vraiment sur vous pour continuer à donner le témoignage de votre foi et de votre Espérance. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon