Ps 4, Ps 15, He 4, 1-13 ; Ps 23 ; Ps 115 ; Mc 15, 40-47, et Homélie ancienne pour le Grand et Saint Samedi « Éveille-toi, ô toi qui dors. »
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
La célébration que nous sommes en train de vivre, une Vigile du Samedi saint, est une première, et peut-être une dernière. En effet, nous, prêtres, nous la célébrons habituellement en privé, jamais en public. Cette Vigile, c’est le moment où Jésus est dans la tombe. Le corps de Jésus a été déposé dans le tombeau. C’est l’heure des ténèbres, c’est l’heure du silence, c’est l’heure du deuil. Pourtant, Jésus se trouve dans le repos de Dieu, tel que nous l’avons entendu tout à l’heure dans la lettre aux Hébreux. C’est tout à fait différent du néant de la mort. Il faut, peut-être, le comparer à ce qu’a dit Jésus lorsqu’il a parlé du grain de blé qui tombe en terre, et qui germe ensuite. C’est donc un repos qui ouvre à la vie, car Jésus a accompli de façon pleine et entière, le dessein de Dieu de sauver tous les hommes, justement par sa mort sur la croix.
Vous connaissez sûrement, dans la tradition orientale, ces icônes qui représentent la descente aux enfers. IL ne s’agit pas, évidemment, de l’enfer de la damnation éternelle, mais les enfers du séjour des morts. Nous voyons Jésus, habillé de blanc, déjà victorieux de la mort, descendant dans le séjour des morts pour aller chercher les justes morts depuis la fondation du monde, et prenant par la main Adam et Ève pour les en faire sortir, à l’image de ce que nous avons entendu dans l’homélie ancienne.
Il y a aussi une tradition bretonne, car dans les calvaires bretons, notamment nos grands calvaires du Finistère, il y a aussi une représentation, bien que différente. Il s’agit d’un monstre marin (Finistère oblige !) qui recrache les âmes qui étaient englouties dans ses entrailles. Et Jésus, qui se trouve devant et accueille Adam et Ève, qui sortent en premiers. Vous savez que Adam et Ève représentent toute l’humanité pécheresse, et qui est désormais sauvée par le sacrifice de Jésus. Jésus, donc, rétablit dans leur dignité toutes ces âmes et les fait entrer dans le repos de Dieu, autrement dit le paradis retrouvé. Cela signifie que Jésus par son sacrifice sur la croix va sauver non seulement ceux qui lui succèdent (nous), mais aussi tous ceux qui l’ont précédé.
Je m’adresse aux catéchumènes, qui sont parmi nous aujourd’hui. Vous allez être baptisés demain, un bel évènement. Au fond, cette descente aux enfers rappelle que vous aussi, Jésus vient vous chercher et vous prendre par la main. Jésus vous invite à les laisser derrière vous, dans la gueule des enfers, toutes les choses mauvaises que vous avez vécues dans votre vie (que ce soit de votre faute ou dont vous avez été victimes), et au contraire, Il accueille tout ce qui est beau dans votre vie pour le sanctifier et le purifier par son amour et sa miséricorde. Il y avait dans les rites du baptême ancien, le fait que les gens déposaient leurs vieux vêtements au pied du baptistère, et ensuite descendaient pour être baptisés. Ils remontaient ensuite de l’autre côté, et prenaient un vêtement blanc, ce vêtement blanc que vous pourrez aussi revêtir symboliquement demain. Cela signifie qu’ils ne remettaient pas leurs vieux vêtements mais les laissaient derrière avec leurs péchés! Et c’est ce qui se passe aujourd’hui pour vous d’une certaine façon.
Pour nous, qui sommes baptisés, le Christ vient aussi nous prendre par la main. En effet, bien que baptisé, il nous arrive également de choisir les ténèbres dans notre existence, par toutes sortes d’actions mauvaises, petites ou grandes. Nous aussi nous avons à les laisser derrière nous et à permettre au Christ de nous purifier et de nous sanctifier. Pendant ce temps du Carême, Il le fait déjà par le sacrement du pardon, pénitence et réconciliation, que beaucoup d’entre vous ont peut-être reçu pendant ce Carême, mais aussi par cette liturgie pascale : depuis les Rameaux et durant toute cette semaine sainte, nous sommes entrés dans un cheminement avec Jésus qui va aboutir, demain, au renouvellement de notre renonciation au mal et à notre profession de foi. En quelque sorte, nous aussi passons de la mort à la vie avec le Christ. Cependant, il y a une condition pour entrer dans ce repos de Dieu, comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux : « certes, nous avons reçu une bonne nouvelle comme ces gens-là, cependant la parole ne leur servit à rien, car elle ne fut pas accueillie avec foi par ses auditeurs ! » Il nous interpelle, il nous dit « empressons-nous d’entrer dans ce repos-là afin que personne ne tombe en suivant l’exemple de ceux qui ont refusé de croire. »
Alors, Frères et Sœurs, en ce samedi saint, mettons toute notre confiance en Jésus : sa mort n’est pas un échec, mais au contraire une victoire, qui nous libère de tous les aspects ténébreux de notre vie. Laissons-nous saisir par la main de Jésus. Lui seul peut nous faire entrer dans la vraie vie, et comme le dit cette homélie ancienne que nous avons entendue : « les trésors du bonheur sont ouverts et le Royaume des Cieux est prêt de toute éternité. » Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon