L’Évangile de ce dimanche nous plonge dans le contexte du baptême de Jésus par Jean Baptiste (il sera célébré demain). En effet celui-ci révèle à deux de ses disciples que Jésus, qu’il vient peut-être de baptiser, est l’« Agneau de Dieu ». Le texte de l’Évangile selon saint Jean dans le lectionnaire d’aujourd’hui nous présente l’appel direct de trois disciples de Jésus mais nous pouvons évoquer celui de deux autres dans la lecture de la suite du texte du missel. En effet l’appel de ces cinq premiers forme un tout, qui éclaire les dimensions de tout appel à être disciple de Jésus. Jean Baptiste baptisait à Béthanie, au-delà du Jourdain.
Le lendemain encore, il se trouvait là avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. »
Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus.
Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? »
Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait,
et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).
André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples
qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus.
Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit :
« Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ.
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit :
« Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.
Le lendemain, Jésus décida de partir pour la Galilée.
Il trouve Philippe, et lui dit : « Suis-moi. »
Philippe était de Bethsaïde, le village d’André et de Pierre.
Philippe trouve Nathanaël et lui dit :
« Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes,
nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. »
Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? »
Philippe répond : « Viens, et vois. »
Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet :
« Voici vraiment un Israélite : il n’y a pas de ruse en lui. »
Nathanaël lui demande : « D’où me connais-tu ? »
Jésus lui répond : « Avant que Philippe t’appelle,
quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu. »
Nathanaël lui dit : « Rabbi, c’est toi le Fils de Dieu ! C’est toi le roi d’Israël ! »
Jésus reprend : « Je te dis que je t’ai vu sous le figuier,
et c’est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. »
Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert,
et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. »
Jn 1, 35-51
Qui sont les cinq premiers disciples ? André et Pierre sont deux frères pêcheurs galiléens, bien connus dans les Évangiles. Un troisième est anonyme et le restera tout au long de l’Évangile de Jean et nous ne savons pas grand-chose à son sujet. Souvent on a pensé qu’il était l’évangéliste lui-même. Tous trois semblent être en recherche : en effet, ils ont quitté leur lieu de travail pour se rendre au-delà du Jourdain et sont venus rencontrer Jean Baptiste dont deux d’entre eux sont les disciples. Il se présente comme un passeur. Sa mission est d’appeler le peuple d’Israël à un baptême de conversion pour qu’il se tienne prêt à reconnaître Jésus en employant sept expressions que l’évangéliste déploie tout au long de son livre : « l’Agneau de Dieu », le « Maître » « le fils de Joseph », « le Messie », « le Fils de Dieu », « le roi d’Israël », « le Fils de l’homme ». Des disciples le suivent et l’entourent, mais il ne les retient pas jalousement près de lui.
Jean Baptiste leur transmet un appel à suivre cet homme Jésus qu’il reconnaît comme étant celui dont il annonce la venue. Les deux disciples suivent Jésus, peut-être parce que Jean lui a donné ce titre d’Agneau de Dieu, qui évoque l’agneau de la fête pascale, et le peuple d’Israël en exil dont parle Isaïe : « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche » (Is ch 53,7). Jésus sera cet agneau pascal sacrifié sur la Croix. Le suivre, c’est devenir disciple d’une personne dont la mission et le chemin sont déjà bien enracinés dans l’histoire de l’Alliance et orientés vers le salut.
Jésus pose à André et à son compagnon qui le suivent une question neutre : « Que cherchez-vous ? » Une question fondamentale qui peut être posée de manière générale. Elle caractérise un chemin de vie, une attente, une quête, chez quelqu’un qui est en recherche de sens, en recherche de lumière. Il ne reste pas enfermé en lui-même, en son pré carré, mais se fait migrant, toujours prêt à quitter ses certitudes tranquilles. En lui peut naître la foi, et aussi le désir d’être disciple. La réponse des deux compagnons rompt la neutralité de la question : « Maître, où demeures-tu ? » demandent-ils à Jésus. Un changement décisif dans le dialogue entre eux et Jésus. Ce ne sont ni un projet, ni un idéal qu’ils cherchent mais la connaissance de cet inconnu qui les attire et dont ils auront le désir d’être les disciples. Ce qui équivaut à lui demander : « Qui es-tu ? », puisqu’en langage hébraïque « être » et « habiter » ont le même sens. Ce qui manifeste leur désir de le connaître, de vivre avec lui plus que de voir le lieu où il habite. D’ailleurs le récit ne nous éclaire en rien à ce sujet. En revanche, il rapporte ce qui est né en eux, à la suite de leur rencontre avec Jésus.
Le lieu où habite celui-ci n’est pas un lieu-dit sur une carte. Dans le récit, il a été mentionné que Jean Baptiste se tenait dans le désert, au bord du Jourdain, et qu’il avait posé son regard sur Jésus. De Jésus il nous est dit qu’il allait et venait. Plus loin, l’évangéliste indique qu’il est venu lui aussi au bord du Jourdain, et qu’il baptise comme Jean (Jn 4,1). Mais il ne s’y établit pas comme lui. Il quitte le Jourdain pour gagner la Galilée, où il appelle directement Philippe, lequel dira à Nathanaël qu’il a trouvé le Messie. Jésus choisit de vivre sa mission non pas au désert mais au « pays de l’ombre et de la mort », au carrefour des nations » dont parlait Isaïe. Il choisira aussi de vivre en perpétuel déplacement, en perpétuelles marches et rencontres qui seront ses demeures à lui. Comme son ancêtre Abraham il se présentera comme migrant et sans refuge. Tels doivent être aussi ses disciples, qu’il invitera à quitter leurs lieux familiers et familiaux. Eux aussi seront des messagers envoyés aux carrefours du monde, là où règnent les détresses et les pauvretés. Il y avait une continuité entre Jean Baptiste et Jésus, mais une discontinuité apparaît entre eux. La mission de Jésus et de ses disciples ne sera pas de se tenir au désert, au bord d’un fleuve pour baptiser les foules qui viennent à lui. Son baptême à lui – comme le leur plus tard – consistera à aller vers les foules, à plonger au cœur de l’humanité pour guérir, pardonner, libérer, enseigner, donner sa vie.
La rencontre avec Jésus exerce déjà chez André une transformation. Il va trouver son frère Simon pour lui annoncer qu’il a reconnu Jésus comme le Messie, et l’invite à le rencontrer. Le voilà devenu passeur à son tour et comme l’initiateur d’une transmission d’appels en chaîne. Quand Pierre rencontre Jésus, amené par André, Jean ne nous rapporte que la parole de Jésus : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Képhas, ce qui veut dire Pierre ». Quand Jésus appelle Simon, il lui donne un nom nouveau qui exprime une vocation spécifique, une mission importante. Pour lui, suivre le Christ consistera à bâtir sa communauté, à servir son unité, à affermir ses frères, à consolider leur foi. Nous pouvons retenir pour conclure les trois aspects essentiels de toute vocation chrétienne : suivre le Christ, demeurer avec lui et servir comme lui. Retenons encore de ce récit que quiconque est appelé par Jésus doit à son tour en trouver d’autres et les appeler à venir à lui. D’appelés, André et Philippe deviendront appelants. Les deux autres textes de ce dimanche évoquent aussi des vocations. Dans le premier livre de Samuel nous est rapporté le récit de son appel.
Samuel était couché dans le temple du Seigneur, où se trouvait l’arche de Dieu.
Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! »
Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. »
Éli répondit : « Je n’ai pas appelé. Retourne te coucher. »
L’enfant alla se coucher.
De nouveau, le Seigneur appela Samuel.
Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. »
Éli répondit : « Je n’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. »
Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur,
et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée.
De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva.
Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. »
Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant,
et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras :
“Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.” »
Samuel alla se recoucher à sa place habituelle.
Le Seigneur vint, il se tenait là
et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! »
Et Samuel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. »
Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui,
et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet.
1 Sm 3, 3b-10.19
Samuel, cet enfant du miracle, offert par Anne sa mère pour servir dans le Temple du Seigneur, exercera une fonction prophétique importante dans l’histoire d’Israël. Retenons de lui sa disponibilité exemplaire pour se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu dont l’importance est majeure dans toute vocation chrétienne quelle qu’en soit la forme, laïque, religieuse, ou pastorale. Retenons aussi le passage central du psaume 39, repris et commenté dans l’épître aux Hébreux (10, 5-10).
Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice,
tu as ouvert mes oreilles ;
tu ne demandais ni holocauste ni victime,
alors j’ai dit : « Voici, je viens ».
Dans le livre est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j’aime :
ta loi me tient aux entrailles »
La démarche spontanée de l’homme religieux est de tenter d’obtenir la faveur de la divinité, voire même de se prémunir contre ses possibles châtiments. Il offre alors à son dieu des « sacrifices » de toutes sortes. La Bible nous présente le long chemin que Dieu fait faire à son peuple à ce sujet. Par sa Parole et l’enseignement des prophètes, il lui fait découvrir que dans sa tendresse, c’est lui, Dieu, qui cherche l’homme en son être profond et ne se préoccupe guère des sacrifices qu’il pourrait lui offrir. Il n’attend de lui que la disponibilité à recevoir son amour et à aimer ses frères comme lui. Jésus dira, en citant le prophète Osée (6, 6) : « Allez donc apprendre ce que signifie ‘C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices’. »
Cette semaine s’ouvre la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Prions pour que toutes les Églises chrétiennes s’unissent de plus en plus afin d’être fidèles à leur vocation commune, et aussi pour toutes les personnes et associations qui choisissent de servir leurs frères et sœurs en détresse.
Le missel nous propose de lire un conseil donné par saint Paul aux Corinthiens. Il insiste sur l’importance du respect qui doit être rendu au corps par les disciples de Jésus. Lui qui a tant relevé, touché, guéri, nourri le corps des personnes.
Frères, le corps n’est pas pour la débauche,
il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps ;
et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur
et nous ressuscitera nous aussi.
Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ.
Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit.
Fuyez la débauche.
Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ;
mais l’homme qui se livre à la débauche
commet un péché contre son propre corps.
Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint,
lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ;
vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes,
car vous avez été achetés à grand prix.
Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps.
1 Co 6, 13c-15a.17-20
Evangile selon saint Jean – Jn 1, 35-42