Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  28 mars 2024 — Jeudi Saint — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)

28 mars 2024 — Jeudi Saint — Cathédrale Saint-Corentin — Quimper (29)


Ex 12, 1-8. 11-14 ; Ps 115 ; 1 Co 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15

Frères et sœurs,

J’aimerais dans cette homélie méditer avec vous sur l’Eucharistie comme source d’unité dans l’Église qui en a bien besoin actuellement. Souvent les fidèles se disputent sur divers sujets doctrinaux, mais aussi sur des formes liturgiques, notamment de l’Eucharistie, et ils en oublient l’essentiel qui est le don que Jésus nous fait de sa vie dans ce sacrement.

L’été dernier, j’ai publié une lettre pastorale sur le sacrement de l’Eucharistie qui a pour titre  QUE TOUS SOIENT UN ! , pour donner suite à la lettre apostolique du pape François Desiderio Desideravi qui a donc pour titre le début de la parole de Jésus au moment de la Cène : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22, 15).
Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion et la curiosité de lire, non seulement la lettre du Pape, mais aussi ma lettre pastorale qui était insérée dans le premier numéro de notre bulletin diocésain ÉGLISE CATHOLIQUE EN FINISTERE de l’été dernier, mais nous sommes en train de la rééditer, car il me semble que l’enjeu est essentiel pour notre diocèse. Celui de travailler à la communion de l’Église en recentrant notre vie sur le don que Jésus nous fait de sa vie dans l’Eucharistie.

Pour comprendre à quel point l’Eucharistie est un sacrement d’unité, la première lecture du livre de l’Exode nous donne déjà un éclairage. Elle nous rappelle qu’au moment de l’Exode le sacrifice de l’Agneau Pascal avait été source de vie et de communion pour le peuple hébreu. D’abord parce que le sang de l’agneau innocent sacrifié, répandu sur les montants de la porte de leurs maisons, les avait sauvés du fléau de la mort de leurs premiers-nés. Le sang de l’agneau avait été alors source de vie pour toute la famille et pour l’ensemble du peuple appelé à être sauvé.
D’autre part, parce que cet agneau sacrifié avait permis aussi de nourrir le peuple de Dieu au moment où ils allaient quitter l’Égypte pour être libérés de la servitude. Il y a donc bien eu une vie sacrifiée, mais qui a été source de vie et de profonde communion pour le peuple de Dieu.

Au moment de la Cène que Jésus a vécue avec ses disciples et que saint Paul nous relate dans la deuxième lecture, Jésus s’identifie à cet agneau Pascal, mais, cette fois-ci offert en sacrifice sur l’autel de la Croix. Désormais, c’est bien le sang de Jésus qui peut nous délivrer de la servitude du péché et nous donner la vie, et une vie plus forte que la mort. Ce n’est plus le sang d’un agneau, mais celui du Fils de Dieu fait homme. Un sacrifice unique qui sauve l’humanité entière.
Dans ce dernier repas, Jésus donne sens à sa mort en présentant son corps et son sang comme une vraie nourriture et une vraie boisson. Sa mort n’est donc pas une mort comme les autres. C’est vraiment un sacrifice destiné à nous sauver. Saint Paul conclut en disant « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. »
On oublie parfois cette dernière phrase « jusqu’à ce qu’il vienne » alors qu’elle est essentielle. Elle nous rappelle que l’Eucharistie, que les chrétiens célèbrent chaque jour sans interruption depuis 2000 ans dans le monde entier, et que nous allons de nouveau célébrer dans quelques instants, n’est pas destinée à durer pour l’éternité. C’est une aide pour la route. Jésus nous nourrit et nous donne sa vie de ressuscité pour nous permettre de tenir bon et d’être de fidèles disciples de Jésus jusqu’à son retour dans la gloire comme je le rappellerai après la prière du Notre Père : « … nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre sauveur. »

L’Eucharistie, c’est la nourriture du disciple, la nourriture du pèlerin qui marche à la suite de Jésus sur un chemin de vie. Or ce n’est pas une nourriture pour satisfaire un besoin personnel. En communiant au corps de Jésus, les chrétiens du monde entier se trouvent ainsi réunis en un seul Corps, le Corps mystique du Christ. Quand Jésus dit à ses disciples : « Que tous soient un » dans l’évangile selon saint Jean (Jn 17, 21), Il nous appelle à être toujours unis à Lui afin d’être unis avec tous les membres du Peuple de Dieu.
Ce Mystère est grand et nous n’imaginons pas à quel point ce que nous célébrons dans l’Eucharistie est pour chacun de nous et pour nous tous une source de vie, de joie et d’espérance qui nous soutient dans notre marche au sein de l’histoire de notre humanité souffrante. Les débats sur les formes liturgiques sont bien dérisoires face au sacrifice que Jésus continue d’offrir sur l’autel, d’une manière ou d’une autre.
Comme je le rappelle dans ma lettre pastorale, au moment de sa conversion, saint Augustin entend le Seigneur lui dire : « Je suis la nourriture des forts : grandis et tu me mangeras. Tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ton corps, c’est toi qui seras changé en moi. » Cette parole, nous pouvons l’accueillir pour nous même, car en participant à la messe, et en communiant au Corps de notre Seigneur Jésus-Christ, nous avons bien conscience de nous unir profondément à lui et même d’être « changés » en Lui. Et en étant unis à Jésus par l’Eucharistie, nous Lui permettons de purifier nos sources de divisions et avec Lui et par Lui, notre unique Pasteur, nous construisons l’Église comme Corps du Christ.
C’est pour raviver dans l’Église cette unité autour du Christ qui se donne à nous dans l’Eucharistie que le pape François a publié sa lettre apostolique qu’il termine par ces mots : « Abandonnons nos polémiques pour écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Église. Sauvegardons notre communion. Continuons à nous émerveiller de la beauté de la liturgie. La Pâque nous a été donnée. Laissons-nous toucher par le désir que le Seigneur continue d’avoir de manger sa Pâque avec nous. Sous le regard de Marie, Mère de l’Église. »

En ces jours où nous célébrons le moment où Jésus va être arrêté et où Il va donner sa vie, il est bon de raviver dans notre existence et dans la vie de nos communautés chrétiennes ce qui fait battre le cœur de l’Église en remettant au centre ces deux commandements de Jésus : « prenez et mangez-en tous… ceci est la Nouvelle Alliance en mon sang. » et le deuxième : « Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres… C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Ces deux commandements étant inséparables, car « si le Christ a donné sa vie pour nous, nous devons aussi donner notre vie pour nos frères » (1 Jn 3, 16).
Dans des périodes de tension, comme nous pouvons les vivre dans le monde, mais aussi dans l’Église, les commandements de Jésus nous ramènent à l’essentiel et ils nous enracinent dans une communion salutaire avec le Seigneur et entre nous. Ils sont source d’unité, d’espérance et de joie spirituelle. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon