Frères et Sœurs,
Comme je l’ai souligné au début de cette eucharistie, le message de Notre-Dame-de-la-Salette reste d’actualité et les textes de la Liturgie de ce jour nous apportent un éclairage en ce sens.
Cette parabole des deux fils, avec celui qui dit oui et qui ne fait pas et celui qui dit non et qui fait quand même, rejoint bien des attitudes que nous pouvons rencontrer. Je connaissais un oncle que l’on sollicitait souvent pour un service, car il savait tout faire, mais il commençait toujours par dire non, puis finalement il rendait toujours ce service, car il avait le cœur sur la main et il ne pouvait pas supporter longtemps le refus qu’il avait exprimé d’emblée.
Bien sûr, à travers la parabole des deux fils, Jésus n’en reste pas à une leçon de bienséance, il veut donner un message aux grands-prêtres et aux anciens du peuple à qui il s’adresse. Ces derniers avaient dit oui à l’Alliance avec Dieu et ils s’efforçaient d’être fidèles à la Loi, mais ils avaient dit non à Jésus qu’ils ne reconnaissaient pas comme le Messie, alors qu’il venait justement donner à cette Alliance un accomplissement définitif. À l’inverse, les publicains et les pécheurs avaient dit non à l’Alliance et ils ne respectaient pas la Loi divine, mais ils se sont convertis à l’appel de Jésus et ils ont mis leur foi en Lui en le reconnaissant comme le Sauveur des hommes.
Dans les Évangiles, nous retrouvons d’autres paraboles avec l’image de la vigne : les vignerons homicides et les ouvriers de la dernière heure. Deux paraboles sur le Royaume de Dieu. Or, dans ces paraboles, Jésus dit bien que nous sommes appelés à travailler à sa vigne, c’est-à-dire à construire son Royaume de justice et de paix. « Cherchez toujours le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6, 33) dit Jésus.
Or ce Règne de Dieu se construit très concrètement dans notre vie de tous les jours et quel que soit notre âge : dans notre établissement scolaire, à la maison, dans notre famille, dans notre vie professionnelle et nos engagements associatifs.
Dire oui à Jésus, c’est accepter de nous engager à mettre l’Évangile au cœur de nos activités et ainsi transformer de l’intérieur, comme le levain dans la pâte, cette société que le Seigneur veut renouveler par le feu de son Esprit. Et, comme nous l’avons vu dans l’Évangile de ce jour, il ne s’agit pas de dire oui un jour et de ne rien faire ensuite. Ce qui compte, c’est de nous mettre à l’œuvre et de redire oui chaque jour de notre vie en nous laissant conduire par l’Esprit Saint. Il ne suffit pas d’être baptisé un jour, il faut vivre en chrétien toute sa vie !
La pandémie de COVID-19, dont nous ne sommes pas encore sortis, réveille, me semble-t-il, un certain nombre d’appels à travailler plus que jamais à la vigne du Seigneur. Cela nécessite de notre part des conversions, des changements de comportement comme nous y invitait Notre-Dame-de-la-Salette.
Tous les pays du monde étant touchés, nous avons d’abord pris conscience que nous ne formions qu’une seule famille humaine et que nous étions très dépendants les uns des autres. À une échelle plus petite également, celle de notre famille, de notre pays, de notre quartier, de notre immeuble, dans l’Église aussi, nous avons senti l’urgence de nous soutenir les uns les autres dans la détresse. Saint-Paul nous exhorte justement dans la 2e lecture, à nous réconforter les uns les autres dans le Christ, à nous encourager avec amour, à avoir de la tendresse et de la compassion.
À la fin de cette semaine, le Pape va publier une nouvelle encyclique sur la fraternité. Nous avons à faire grandir la fraternité telle que le Seigneur la souhaite. Une fraternité universelle comme le disait le Bienheureux Charles de FOUCAULD, c’est-à-dire qui ne fait pas de différences entre les hommes. Mais aussi une fraternité qui dit oui à la vie et à la dignité humaine sous tous ses aspects.
Il est clair dans le contexte actuel qu’il y a de plus en plus de lois permissives qui cherchent à satisfaire les désirs personnels de chacun. Mais comme chrétiens, nous devons résister à les mettre en œuvre pour nous-mêmes, alors que nous avons toujours à dire oui, au contraire, aux lois qui contribuent au bien commun comme celles qui viennent au secours des personnes en difficulté par exemple. Cela contribue à faire grandir le Royaume.
Avec cette pandémie, nous avons pris conscience aussi de la fragilité de notre Planète. Nous pensions, comme les constructeurs de la Tour de Babel, que nous pourrions monter jusqu’au ciel grâce à notre science et l’évolution de notre technologie, et que nous pouvions ainsi maîtriser la Création. Mais ce virus nous a montré que nous restions vulnérables et mortels.
Nous avons développé dans nos sociétés des attitudes très individualistes avec la promotion dans les publicités d’un certain hédonisme, c’est-à-dire la recherche du bien-être à tout prix, quelles qu’en soient les conséquences sur l’environnement. Les papes, depuis Saint-Jean-Paul II jusqu’à François, nous ont mis en garde contre cette attitude qui a de graves conséquences sur nous-mêmes, sur les populations d’autres continents et sur les ressources de notre planète.
Pour nous chrétiens, le défi écologique ne peut être surmonté qu’en remettant Dieu au centre de notre vie, car on ne peut pas sauver la Création en rejetant le Créateur. Lui seul peut changer notre cœur et nous aider par son Esprit Saint à discerner ce qu’il convient de faire. Avec son aide, nous pouvons trouver la juste attitude pour vivre en harmonie avec la nature et la respecter. Ce respect de la nature intégrant donc aussi la dignité humaine. Comme le dit Saint-Paul, toujours dans la 2e lecture : « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez à ceux des autres. »
Enfin, la pandémie a révélé et même provoqué des tensions et des divisions dans la société, mais aussi dans l’Église, notamment sur des questions liturgiques liées aux règles sanitaires actuelles. Saint-Paul nous invite à avoir les mêmes dispositions, les mêmes sentiments, et à « rechercher l’unité ». Nous avons tellement besoin de cette bienveillance pour répondre généreusement à l’appel que nous adresse le Seigneur pour travailler à sa vigne. Si l’Église est divisée comment peut-elle relever les défis actuels ?
En célébrant aujourd’hui le pardon de Notre-Dame-de-la-Salette, il est bon d’entendre à nouveau son message. Le pape Saint-Jean-Paul II écrivait à ce propos : « Les paroles de Marie à La Salette, par leur simplicité et leur rigueur, gardent une réelle actualité, dans un monde qui subit toujours les fléaux de la guerre et de la faim, et tant de malheurs qui sont des signes et souvent des conséquences du péché des hommes. Et aujourd’hui encore, Celle que “toutes les générations diront bienheureuse” (Luc I, 48) veut conduire “tout son peuple”, qui traverse les épreuves de ce temps, à la joie qui naît de l’accomplissement paisible des missions données à l’homme par Dieu. » (…)
« La Salette est un message d’espérance, car notre espérance est soutenue par l’intercession de Celle qui est la Mère des hommes. Les ruptures ne sont pas irrémédiables. La nuit du péché cède devant la lumière de la miséricorde divine. » AMEN
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon