Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  26 janvier 2025 – 3e TO – Année C — Abbatiale Notre-Dame — (Daoulas) (29)

26 janvier 2025 – 3e TO – Année C — Abbatiale Notre-Dame — (Daoulas) (29)

Ne 8, 2-4a.5-6.8-10 ; Ps 18B ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

Les textes de ce jour nous invitent à méditer sur la Parole de Dieu et surtout, évidemment, à voir comment cette Parole va s’incarner dans notre vie et lui faire porter du fruit.

D’abord, il est audacieux d’utiliser cette expression « la Parole de Dieu ».

Quelqu’un qui viendrait d’un milieu non chrétien et qui nous entendrait dire cela, par exemple les catéchumènes lorsqu’ils viennent d’un milieu qui n’est pas chrétien, peuvent justement s’en étonner. Est-ce que Dieu a parlé ? En fait, aucun livre de la Bible n’a été écrit ou dicté par Dieu. Ce sont bien des hommes qui les ont écrits, mais des hommes inspirés par Dieu. Et c’est la communauté des croyants qui a discerné, parmi les nombreux livres qui existent, que ceux-là, précisément, révèlent quelle est la volonté de Dieu à notre égard. C’est ce qu’on appelle le Canon des écritures qui contient 73 livres : 46 dans l’Ancien Testament et 27 dans le Nouveau Testament.

En revanche, il y a eu un basculement par la venue du Christ, Dieu fait homme. Dans l’Évangile que nous avons reçu aujourd’hui, Jésus dit : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que nous venons d’entendre. » Jésus fait ainsi le lien entre la promesse du prophète Isaïe qu’il vient juste de lire et ce qu’il réalise par son enseignement et ses miracles. La Parole de Dieu s’incarne ainsi dans la personne de Jésus. Et c’est ce qui est dit dans le prologue de saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair. », et désormais, c’est Jésus qui est la Parole de Dieu. Et tous les livres de l’Ancien Testament sont relus à la lumière de la venue de Jésus en ce monde, et de sa mort et de sa résurrection.

Les Apôtres dans leur prédication vont montrer à leurs auditeurs que les Écritures annonçaient la venue du Christ, et comment elle éclaire qui est vraiment Jésus.

C’est ce qui nous fait dire que la religion chrétienne n’est pas une religion du livre, comme les juifs ou les musulmans. C’est une religion de la relation et même de l’amitié avec le Christ. Une religion centrée sur le Christ et sur sa Parole. « Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé. Écoutez-le », dit la voix du Père au moment de la Transfiguration, alors qu’il se trouve justement avec Moïse et Élie qui représentent la Loi et les prophètes.

Alors, allez-vous me dire, en quoi tout cela nous concerne ? Et bien, en tant que chrétiens, nous sommes des fidèles du Christ, donc de la Parole de Dieu incarnée. Et comme baptisé, la Parole de Dieu s’incarne en nous.

Je relève dans ces textes deux aspects de la manière avec laquelle cette Parole de Dieu s’incarne dans notre vie.

La première, c’est que la Parole de Dieu est source de conversion. On a entendu dans le livre de Néhémie tout à l’heure que les gens pleuraient en entendant la lecture du « Livre de la Loi de Dieu. » Pourquoi pleuraient-ils ? À cause du décalage qu’ils percevaient entre ce qu’ils entendaient et ce qu’ils vivaient réellement. Et ils prennent donc conscience de leur péché et de ce qu’ils doivent changer dans leur vie pour plaire à Dieu. Il est intéressant d’ailleurs de voir la réaction du prêtre Esdras qui dit : « Mais ne pleurez pas, ne prenez pas le deuil. » Et même, faites la fête, car « la joie du Seigneur est notre rempart. » En effet, le fait d’écouter la Parole de Dieu, de l’accueillir avec foi comme telle, nous ouvre à la miséricorde divine.

Hier, nous avons eu une grande Assemblée diocésaine synodale pour travailler sur les prochaines orientations diocésaines. Parmi les sept orientations que je donnerai officiellement à la Pentecôte, il y a la création des petites fraternités chrétiennes locales, des lieux où l’on se réunit fraternellement bien sûr, mais aussi pour écouter et partager la Parole de Dieu et s’en nourrir, car c’est elle qui transforme notre comportement et qui oriente aussi nos choix de vie, à condition bien sûr, qu’elle s’incarne vraiment dans notre existence par la conversion. Cette année 2025 est une année jubilaire, et toutes les années jubilaires nous invitent à la conversion, donc à nous réconcilier avec Dieu, avec les autres.

Des démarches sont proposées avec le service des pèlerinages, entre autres, pour « la remise de nos dettes. » Autrement dit, pour nous réconcilier avec Dieu et avec les autres et déjà au sein de nos familles. Et cette année sainte est l’occasion, bien sûr, de redécouvrir le sacrement de pénitence et de réconciliation et de le vivre d’une façon renouvelée.

Un deuxième aspect qui montre comment la Parole peut s’incarner dans nos propres vies de chrétiens, c’est en répondant à l’appel du Christ pour prendre notre place dans l’Église. Et c’est ce que nous avons entendu dans la deuxième lecture de la lettre aux Corinthiens où saint Paul fait tout un développement sur l’Église dans lequel il montre qu’en étant baptisé, en devenant membre de l’Église, on y apporte aussi notre charisme, c’est-à-dire la manière avec laquelle l’Esprit-Saint se manifeste en chacun de nous pour le bien de tous. Et saint Paul dit bien : « parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église. » C’est donc vraiment Dieu qui place ! Les vocations, comme l’exprime saint Paul, sont multiples et complémentaires. Le Synode romain, qui s’est terminé au mois d’octobre dernier, consacre une bonne partie de son rapport final à montrer cette complémentarité justement entre les ministres ordonnés (évêques, prêtres et diacres), les ministères de baptisés et toutes les fonctions diverses des baptisés. Il y a parfois des confusions et c’est pour cela que ce texte est important et qu’il y a tout un travail à faire. Quand des personnes disent par exemple « s’il n’y a plus de prêtres, on va nommer des laïcs. » Cela, ce n’est pas possible car les laïcs ne peuvent pas remplacer les prêtres. Mais les prêtres ne peuvent pas non plus exercer leur ministère sans les laïcs. Il y a une complémentarité : sans collaborer avec les laïcs, ils ne peuvent pas vivre leur place de prêtres. Nous savons tout cela !

Alors que retenir pour nous ?

Et bien déjà que l’Église a besoin de tout le monde, et que comme le dit saint Paul, on ne peut pas dire à quelqu’un « Je n’ai pas besoin de toi ». Dans l’Église, ce n’est pas possible parce que tout le monde a quelque chose à apporter qui manque aux autres. En prenant le temps de discerner les charismes évidemment. Ne seraient-ce que des services supports, comme entretenir la sacristie, ouvrir l’église, faire le ménage et changer les affichages, etc. Et pour ceux qui sont plus âgés ou qui sont malades et qui ne peuvent plus rendre ce genre de service, il y a aussi la prière qui est vraiment un service. Je souligne qu’il y a un grand défi actuellement, c’est celui d’accompagner les catéchumènes qui sont de plus en plus nombreux. Et cet accompagnement nécessite évidemment d’approfondir notre foi, d’être capables de témoigner, de répondre à toutes les questions qu’ils peuvent poser. Cette année, à la cathédrale, à Pâques, je vais baptiser vingt-cinq adultes. D’habitude, je n’en baptise pas autant, c’est plutôt de l’ordre de cinq ou six adultes. Vingt-cinq adultes cette année, et l’année prochaine, ce sera une trentaine. Il y a une augmentation considérable des catéchumènes, et cela dans toutes les paroisses. Et il y a donc un vrai besoin que les chrétiens se mobilisent pour pouvoir accompagner ces catéchumènes.

Enfin, le deuxième aspect que je veux souligner à partir de ces textes, c’est que la collaboration qui peut exister entre les différents ministères et les différentes responsabilités n’est pas toujours facile, parce que chacun, évidemment, à sa personnalité, son caractère, ses fragilités, ses blessures intérieures. Nous sommes des êtres humains, avec nos péchés aussi. Le curé avec ses vicaires et l’équipe pastorale ont toujours à relever ce défi de la communion. Et c’est la même chose au niveau du diocèse. Et c’est vraiment un grand défi à relever.

Alors là, vous savez qu’il y a eu un retrait temporaire de votre curé pour quelques semaines. C’est évidemment un temps de repos pour lui, mais c’est aussi pour essayer de comprendre un peu ce qui se passe, et démêler les nœuds des relations entre les personnes. Cela peut être aussi un temps pour chacun de nous, pour nous interroger sur la manière avec laquelle nous pouvons prendre notre place et soutenir les prêtres dans la paroisse.

Le seul chemin qui permet vraiment cette cohésion, de façon harmonieuse, c’est celui que nous montre le Christ, à savoir l’humilité et le service des autres dans le don de soi. C’est le testament que Jésus a laissé à ses apôtres la veille de sa mort, avec le lavement des pieds le Jeudi saint et le don de sa vie sur la Croix.

Frères et sœurs, laissons-nous transformer par la Parole de Dieu dans une amitié plus profonde avec le Christ. Prenons aussi pleinement notre place dans la vie de l’Église avec humilité et le sens du service. Et prions les uns pour les autres, afin que cette belle paroisse de Notre-Dame de Tout Remède en Pays de Landerneau assure sa mission de façon harmonieuse autour de son curé et de ses vicaires, pour le bien de tous. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon