1S 1, 20-22.24-28 ; Ps 83 ; 1Jn 3, 1-2.21-24 ; Lc 2, 41-52
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
En méditant ce passage d’Évangile, je me suis arrêté sur cette phrase un peu étonnante : Jésus se trouve « assis au milieu des Docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions et tous ceux qui l’entendaient, s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » Au début de la phrase, Jésus est enseigné par les Docteurs de la Loi. À la fin de la phrase, c’est lui qui enseigne en répondant aux questions !
La fin de phrase inverse tout et montre évidemment que ce n’est plus l’enfant de 12 ans, mais Dieu qui se manifeste en Jésus et qui révèle le véritable sens des Écritures à ceux qui sont chargés d’enseigner.
Cette inversion de la transmission de la foi me fait penser à un phénomène que l’on constate de la transmission inversée de la foi au sein de la famille. Normalement, elle va des parents vers les enfants, mais aujourd’hui ce sont les enfants qui évangélisent leurs parents, et pas uniquement dans les familles chrétiennes, mais dans les familles non chrétiennes également. Nous voyons bien que c’est l’Esprit Saint qui se manifeste à travers un enfant. Je me souviens en particulier que lors d’une récollection annuelle que je fais pour les confirmands adultes, une maman me dit qu’elle souhaitait que sa fille de 16 ans soit sa marraine de confirmation. J’ai d’abord refusé, mais elle m’a expliqué que c’était sa fille qui lui avait fait découvrir la foi. J’ai donc accepté de déroger à la règle !
C’est un phénomène qui se développe, au point que dans le Finistère, nous avons décidé de célébrer la confirmation des adultes en même temps que celle des enfants dans les paroisses, car de plus en plus de parents demandent la confirmation grâce au témoignage de leur enfant. Cette confirmation en paroisse est également un beau témoignage pour les adultes présents, car beaucoup ne sont pas confirmés et finissent par la demander.
Comme nous le voyons pour Jésus, où Dieu révèle le vrai sens des Écritures aux Docteurs de la Loi, les enfants sont aussi touchés par la grâce et sont à même de témoigner en famille. C’est Dieu qui se révèle par eux, à travers quelquefois des questions qu’ils posent à leurs parents, ou des réflexions, des attitudes même lorsqu’ils sont très jeunes. Bien sûr, les enfants ne peuvent pas apporter le contenu de la foi à leurs parents, car ils ne l’ont pas, mais ils apportent leur expérience de la présence du Seigneur et de son amour pour eux.
Dans un contexte où beaucoup de jeunes parents n’ont jamais été catéchisés, ou très peu, et en sont restés à leur catéchisme de sixième (la communion solennelle), nous voyons bien, que cela ne nourrit pas une foi d’adulte dans un monde qui, il faut le reconnaître, est redevenu païen. Il faut être capable, aujourd’hui, de répondre aux questions des adultes et de tous ceux qui cherchent. C’est pour cette raison qu’il est difficile de ne faire une catéchèse que pour les enfants, mais qu’il faut tendre vers une catéchèse pour les parents, les enfants, au fond toute la famille ! Au point que, dans le Finistère, en plus du synode romain, nous venons de lancer une démarche synodale de trois ans sur « Devenir chrétiens en famille ». Il s’agit d’être à l’écoute des familles pour comprendre ce qui se passe, comment Dieu agit dans les familles ; de discerner ce que Dieu attend de l’Église dans l’évolution de la mission par rapport au contexte actuel, afin d’établir des orientations que je donnerai à la fin pour soutenir les familles dans la transmission de la foi, et dans leur vie chrétienne en général.
En cette fête de la Sainte Famille, nous avons vu comment Jésus et ses parents ont pu cheminer ensemble non sans difficulté puisque les parents de Jésus ne comprirent pas ce qu’il leur a dit à ce moment-là, mais ce sont eux qui l’avaient emmené en pèlerinage à Jérusalem et Jésus les a déjà introduits dans le mystère de sa relation, unique et privilégiée, avec Dieu son Père, et « sa mère gardait dans son cœur, tous ces événements. » Marie aussi chemine et est touchée par tout ce que Jésus peut lui dire. Et nous, dans nos familles, où en sommes-nous de la transmission de la foi ?
Vous savez qu’il y a trois dimensions essentielles dans la transmission de la foi :
Tout d’abord, la connaissance de Jésus et de l’Évangile dès le plus jeune âge par la prière familiale, parce que c’est là que nous pouvons accueillir la grâce de l’Esprit Saint qui se révèle aux enfants, et le faire grandir dans nos familles, ce que saint Jean-Paul II appelait « l’Église domestique ».
Ensuite, la dimension ecclésiale qui est essentielle. Il faut aider les jeunes et les familles à participer à la vie de l’Église par l’assemblée dominicale, entre autres, par les sacrements, par la catéchèse paroissiale, à travers des mouvements (scoutisme, mouvements d’adultes).
Enfin, la charité qui, elle, couvre toutes les dimensions. C’est-à-dire, permettre à l’enfant de faire l’expérience du don de soi aux autres par la disponibilité à servir, de donner sa vie comme Jésus à donner la sienne. Cela fait aussi parti de la transmission de la foi !
Ainsi, c’est toute la famille qui est impliquée : parents, enfants et même grands-parents, qui ont un témoignage essentiel à donner pour que, comme nous le commande le Père et comme nous le dit saint Jean, nous mettions « notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et que nous nous aimions les uns, les autres comme il nous l’a commandé. ». Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon