Jr 1, 4-9 ; Ps 115 (116b) ; 2 Co 4, 1-2, 5-7 ; Lc 12, 35-44
Frères et sœurs,
Cher Jean, cher Samuel,
Dans quelques instants, par la grâce de l’Esprit Saint, vous allez devenir prêtres. Tous les gestes de la liturgie nous font entrer dans la grandeur de ce sacrement. En méditant ces textes de la Parole de Dieu, j’ai relevé trois appels qui me semblent particulièrement pertinents dans le contexte actuel : un appel à la liberté, un appel à l’humilité, et un appel à la fidélité. J’estime que ces trois appels sont à retenir, pour vous, mais aussi pour nous tous !
Appel à la liberté d’abord. Il ne s’agit pas bien sûr de la liberté qui consiste à faire ce qu’on veut et à suivre ses intuitions personnelles ou même ses désirs. Mais la liberté qui nous vient du Seigneur lorsque nous répondons librement à son appel et que nous nous efforçons de faire sa volonté. « Avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. », dit Dieu à Jérémie. Saint Paul dit aussi qu’il a reçu son ministère « par la miséricorde de Dieu ».
Cela nous rappelle déjà que le fait de devenir prêtre n’est pas l’aboutissement d’une ambition personnelle, mais une disponibilité totale à ce que le Seigneur nous confie par ce ministère. On n’est pas élu par les fidèles ! Jean et Samuel, vous ne ferez jamais de campagne électorale pour être nommé ici ou là au cours de votre vie de prêtre !
C’est un gage de grande liberté et elle me semble particulièrement importante aujourd’hui face aux courants d’opinion qui circulent sur les réseaux, y compris au sein de l’Église catholique, et qui nécessitent de notre part une certaine hauteur de vue et un bon discernement. Et c’est précisément parce que nous avons cette liberté-là que nous pouvons être des ministres de la communion dans l’Église où tant d’opinions, parfois contraires, s’expriment. C’est aussi grâce à cette liberté, qui nous vient du Seigneur, que nous pouvons être des guides spirituels pour beaucoup de gens.
Le deuxième appel, c’est celui de l’humilité. Jérémie dit à Dieu « Je ne sais pas parler, je suis un enfant ».
Jean et Samuel, vous n’êtes plus des enfants et vous savez parler. Jérémie aussi sans doute ! Mais il perçoit bien que la mission que le Seigneur lui confie dépasse ses capacités humaines et il le reconnaît. Cette humilité est une vertu à cultiver dans tous les actes de notre ministère, car, comme le dit si bien saint Paul « … ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. »
Le ministère de prêtre ne nous rend pas supérieurs aux autres. Comme tous baptisés, nous devons nous efforcer de grandir en sainteté. Il en va de la crédibilité de notre témoignage et de notre ministère de prêtre. Cependant, nous sommes bien appelés et envoyés par Dieu pour annoncer à tous la Bonne Nouvelle du Salut et pour la célébrer. Mais l’humilité nous permet justement de laisser le Seigneur prendre la main et faire en sorte que nos paroles et nos actes soient vraiment une manifestation de la puissance de Dieu. Une puissance de vie qui ne vient pas de nous !
Et cette reconnaissance de nos limites est importante aussi sur le plan humain ! Comme prêtre, nous devons connaître et reconnaître nos fragilités, nos limites, et ne pas oublier que nous avons un corps humain, et que tout cela nécessite un équilibre de vie et des relations saines. Attention à l’isolement ou encore aux agendas qui se remplissent trop vite, même si c’est par souci de bien faire. La fatigue nous rend plus vulnérables.
Enfin le troisième appel est celui de la fidélité. C’est l’appel que le Seigneur adresse à ses disciples dans l’Évangile que nous venons d’entendre : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. » La fidélité est un signe prophétique dans une société liquide selon l’expression du sociologue Zygmunt BAUMAN en constatant notamment que, ni le travail, ni l’amour, ni l’amitié ne sont plus des structures solides.
La fidélité au Christ et à son Évangile portée et transmise par l’Église est un phare pour la société, même si cette lumière la dérange souvent, car elle éclaire ses aspects ténébreux. Comme l’exprime saint Paul dans la 2e lecture : « Nous ne falsifions pas la parole de Dieu. Au contraire, nous manifestons la vérité, et ainsi nous nous recommandons nous-mêmes à toute conscience humaine devant Dieu. »
On peut voir aussi plusieurs aspects de la fidélité qui apparaissent dans ce passage et qui peuvent concerner directement la vie du prêtre.
Gardez « vos lampes allumées », dit Jésus. Cette lampe allumée, n’est-elle pas cette lumière de la foi qui éclaire les ténèbres ? Une foi à entretenir par la vie de prière et la liturgie des heures, la formation continue, les retraites spirituelles, l’eucharistie quotidienne, etc. Autant de moyens pour donner toute la place au Christ dans notre vie au point de pouvoir dire comme saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. »
Dans le passage d’Évangile, la question de saint Pierre permet à Jésus de préciser ce qu’il attend de ses apôtres, à savoir : prendre en charge le « personnel » de son maître pour lui « distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture. » Le « personnel » pouvant être l’ensemble des fidèles et la nourriture, celle de la Parole de Dieu et des sacrements, notamment l’eucharistie. Mission centrale du prêtre, sans négliger pour autant la tenue de service, c’est-à-dire la charité et notamment le souci des plus pauvres.
Un autre aspect de la fidélité est l’attente du retour du Maître qui est le sujet principal de ce passage d’Évangile. L’Avènement du Christ à la fin des temps est dans le cœur des disciples de Jésus depuis le jour de l’Ascension où cette annonce leur a été faite. Elle est aussi au cœur de la vie du prêtre, car tout ce que nous annonçons et célébrons est orienté vers l’attente « que se réalise cette bienheureuse espérance : l’Avènement de Jésus Christ, notre Sauveur » comme le prêtre le dit à chaque messe après le Notre Père. Le prêtre est témoin de cette espérance dans tous les actes de son ministère.
Enfin, heureux ces serviteurs, dit Jésus en parlant de nous tous frères et sœurs dans notre fidélité à notre état de vie. Il ajoute aussi : heureux ce serviteur en parlant de son apôtre. La fidélité dans le don de soi est une source de joie pour nous tous. Elle est aussi une source de joie pour le prêtre. Cette joie spirituelle ne supprime pas les difficultés bien sûr. Il y a de la joie, mais aussi la croix qui se dresse sur notre chemin. Mais la Croix de Jésus est source de vie et de salut pour tous, et le prêtre y participe pleinement par sa fidélité et son zèle.
Cher Jean et cher Samuel, l’Église de Quimper et Léon est heureuse de vous recevoir comme prêtres et c’est dans la prière que nous allons maintenant invoquer l’Esprit Saint, le don de Dieu, pour vous et pour l’Église que vous êtes appelés à servir. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon