Si 35, 15b-17.20-22a ; Ps 33 ; 2Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14
Frères et Sœurs,
Si j’avais eu à choisir un passage d’Évangile pour cette installation de votre curé, je n’aurais pas choisi celui-là ! Vous non plus je pense !
Pourtant, cette parole de Jésus qui nous invite à l’humilité peut nous éclairer sur la manière avec laquelle les prêtres s’efforcent de vivre le ministère qui leur est confié. Bien sûr, cette parole de Jésus s’adresse à tous, car l’humilité et la repentance sont les seuls moyens de nous laisser toucher et transformer par le Seigneur, mais elle est à accueillir d’autant plus par ceux qui reçoivent la charge de Pasteur au nom du Christ !
« Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » Dans cette homélie, je veux donc souligner à quel point l’humilité du prêtre permet à l’Esprit Saint de se manifester pleinement dans son ministère et de faire en sorte que ce soit bien le Christ qui soit notre Pasteur.
Les prêtres, par leur ordination et le don de l’Esprit Saint, sont « configurés au Christ Pasteur. » C’est-à-dire qu’ils sont, pour le peuple qui leur est confié, la figure du Christ, le Bon Berger, qui prend soin de son Peuple. Et ils le réalisent par les trois tâches qu’ils portent avec moi : annoncer l’Évangile ; sanctifier le peuple chrétien par les sacrements, et le gouverner au nom du Christ. Au cours de cette liturgie, nous pouvons repérer ces trois tâches à travers les différents gestes qui sont prévus par l’Église pour cette installation. Je vous laisserai deviner !
Bien sûr, les prêtres ne sont pas le Christ, et ils ont aussi à vivre en bons chrétiens en s’efforçant de grandir en sainteté comme tout baptisé. Selon l’adage de saint Augustin : « Pour vous, je suis évêque, avec vous je suis chrétien. » Les prêtres peuvent en dire autant puisqu’ils partagent la charge de l’évêque !
La première charge est donc d’annoncer l’Évangile. Je vais développer un peu. Dans la deuxième lecture, saint Paul témoigne : « Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. » C’est bien ce que Jésus a dit : « Celui qui s’abaisse sera élevé. » Saint Paul, avec humilité, reconnaît que c’est le Seigneur qui l’a assisté et a permis que l’Évangile soit proclamé et porte du fruit. Même s’il ne nie pas qu’il y soit pour quelque chose !
Vos deux prêtres ont de belles compétences en Écriture Sainte, en philosophie, en théologie et en d’autres domaines. Cela est important, mais ce n’est pas suffisant, car annoncer l’Évangile, ce n’est pas seulement transmettre un savoir, c’est aussi permettre au Christ de se révéler en chacun de nous et de nous laisser conduire par l’Esprit Saint.
Il est important d’accueillir vos prêtres dans leur humanité, mais aussi d’accueillir en eux le Christ qui se révèle par eux dans la prédication, les enseignements, la catéchèse et tout ce qui peut nous aider à accueillir la joie de l’Évangile.
Cela dit, s’ils sont là pour nous annoncer l’Évangile, ils ne sont pas seuls à le faire. Cette journée missionnaire mondiale nous rappelle que nous avons tous à accueillir et à transmettre la Bonne Nouvelle autour de nous. À nos enfants, nos jeunes, nos proches, nos relations. C’est un grand défi que nous essayons de mettre en œuvre dans notre diocèse avec le chemin « Devenir chrétiens en famille » afin de toucher ceux qui se sont éloignés ou qui n’ont jamais eu la chance de connaître le Christ. Peut-être, même nos enfants ou petits-enfants sont dans ce cas !
Nous chrétiens, ne sommes pas supérieurs aux autres, mais nous portons un trésor. Un trésor qui nous brûle les mains si nous ne le partageons pas. Et qui est source de vie pour tous si nous osons le partager. Les prêtres sont là pour nous y encourager et nous aider.
La deuxième charge qui est confiée aux prêtres, c’est de sanctifier le peuple chrétien par les sacrements. Là aussi, l’humilité du prêtre permet au Christ de se manifester. En célébrant l’Eucharistie et les autres sacrements, le prêtre célèbre « in persona Christi », c’est-à-dire en la personne du Christ. Autrement dit, c’est le Christ qui agit par le prêtre dans les sacrements. Et c’est bien le prêtre qui se met avec humilité au service de la liturgie de l’Église pour que le Seigneur manifeste pleinement la puissance de sa miséricorde à notre égard.
Et nous, frères et sœurs, nous mettons, avec humilité, notre foi dans ces sacrements de l’Église qui nous aident à cheminer et à grandir en sainteté. Et comme l’écrit le pape François dans sa lettre du 29 juin : « Si notre émerveillement pour le mystère pascal rendu présent dans le caractère concret des signes sacramentels venait à manquer, nous risquerions vraiment d’être imperméables à l’océan de grâce qui inonde chaque célébration. »
Nous avons tous à progresser pour que nos célébrations soient toujours plus belles et plus priantes et que nous y participions fidèlement. Les prêtres sont là aussi pour nous y aider.
Enfin, la troisième charge, c’est de gouverner le peuple de Dieu. C’est un pouvoir qui est donné aux prêtres, mais pas au sens de ce monde. Le prêtre s’abaisse comme le Christ lorsqu’il s’est mis à genoux pour laver les pieds de ses disciples. Il se met au service du Seigneur et de son peuple pour le conduire sur le chemin de la Vie. On a beaucoup parlé ces temps-ci du cléricalisme comme un pouvoir exercé avec autoritarisme. C’est une déviance, car c’est bien le Christ qui gouverne l’Église, car il dit aux prêtres ce qu’il a dit à saint Pierre : « - Pierre, m’aimes-tu ? – Oui Seigneur je t’aime. – Sois le berger de mes brebis. » (cf. Jn 21, 16) Ce sont donc les brebis du Seigneur, pas celles du prêtre !
Là aussi, celui qui s’abaisse sera élevé, car il faut beaucoup d’humilité pour vivre ce magnifique ministère de prêtre, sachant qu’il ne gouverne pas seul. Il y a l’équipe pastorale, le Conseil économique et les très nombreux collaborateurs et collaboratrices. En Église, les décisions se prennent de façon synodale, c’est-à-dire en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint pour discerner ce qu’il attend de nous aujourd’hui. Mais il faut être vigilants, car les laïcs aussi peuvent être tentés par le cléricalisme lorsqu’ils s’accrochent à leur responsabilité ou à leur service ! Le rôle des prêtres est de conduire tout le monde en maintenant la communion de la communauté paroissiale autour du Christ. Ce n’est pas facile, car il y a beaucoup de sensibilités et de points de vue différents qui s’expriment dans l’Église. La mission des prêtres comme Pasteur est de faire en sorte que « Tous soient un » comme nous l’a demandé Jésus.
C’est dans cet esprit et avec une grande joie que j’installe le père Armand GUÉZINGAR comme Curé, et le Père Jean-Jacques BIVIC, qui va partager sa charge. Priez pour eux et soutenez-les fraternellement dans la belle mission que je leur confie au nom du Seigneur. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon