Ac 2, 14.22-33 ; Ps 15 ; 1P 1, 17-21 ; Lc 24, 13-35
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
À propos du passage d’Évangile que nous venons d’entendre, je me permets une comparaison, audacieuse, entre la course-croisière de l’EDHEC et cette marche assez longue des disciples d’Emmaüs qui ont fait l’aller et le retour depuis Jérusalem. Aujourd’hui, vous terminez votre course et tout le monde repart, mais les disciples d’Emmaüs, au contraire, vont commencer la leur, qui n’est pas du même ordre : la course de notre existence humaine et des défis que nous avons à surmonter avec le Seigneur pour notre planète et pour notre humanité.
Les disciples d’Emmaüs viennent de parcourir 8 kilomètres environ (2h de marche d’après l’Évangile) en grande partie avec Jésus, même s’ils l’ignorent. Après avoir mangé avec lui, ils vont repartir à la tombée de la nuit « à l’instant même », nous dit l’évangéliste, pour parcourir à nouveau ces 8 kilomètres, plus rapidement sans doute ! Qu’est-ce qui les motive à ce point ?
Lorsque nous sommes motivés, nous sommes prêts à relever tous les défis, à l’image des participants de la course-croisière qui doivent être très motivés pour gagner ! La motivation des disciples d’Emmaüs, c’est leur foi naissante en Jésus ressuscité. Une foi qui change tout dans leur vie et dans celle de toute l’humanité. Leur foi s’est nourrie durant les 8 kilomètres de l’aller par les Écritures de Moïse et des prophètes que Jésus leur a commentées, au point de rendre leurs cœurs tout brûlants. Leur foi s’est également nourrie à l’escale d’Emmaüs où Jésus leur a partagé le pain de son corps offert, c’est l’Eucharistie que nous allons célébrer dans quelques instants. C’est alors que leurs yeux s’ouvrent. Les yeux de la foi, bien sûr ! Ils ont reconnu Jésus-Christ ressuscité, qui disparaît alors à leurs regards. Il ne reste plus que la foi, la foi sans la vue. Cette foi est tellement forte qu’ils se relancent dans la course pour annoncer au plus vite aux disciples réunis à Jérusalem que Jésus est vraiment ressuscité.
Comme je le disais en commençant, il y a, je trouve, un parallèle intéressant à faire entre la course-croisière de l’EDHEC avec ses défis, et les défis de l’existence humaine que nous avons à surmonter ensemble : défi de la paix dans le monde, défi de la préservation de notre planète et de ses merveilles, défi du vivre ensemble dans l’unité et la communion, défi de rendre l’Église plus sainte, défi de rendre l’Église fidèle à sa mission d’annoncer la Bonne Nouvelle au monde aujourd’hui. Comme les disciples d’Emmaüs au début de leur parcours aller où Jésus les a rejoints, nous pouvons être parfois désespérés face à ces défis et à d’autres encore. Or, la foi en Jésus vainqueur de la mort nous arrache à nos désespérances et nous remet debout et prêts à relever tous les défis actuels avec les hommes et les femmes de bonne volonté.
Saint Paul à plusieurs reprises prend l’image de la course, justement. Dans la première lettre aux Corinthiens, voici ce qu’il écrit : « Vous savez bien que, dans le stade, tous les coureurs participent à la course, mais un seul reçoit le prix. Alors, vous, courez de manière à l’emporter. Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas. » (1 Co 9:24-25) Cette course, telle que saint Paul la voit, c’est de grandir en sainteté pour entrer dans la vie éternelle avec le Christ. Il dit aussi : « Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. » (1Ph 3,12) La vie éternelle dont parle saint Paul s’est plus que notre espérance de vivre pour toujours avec le Seigneur ; c’est aussi l’accomplissement du dessein de Salut que Dieu réalise pour l’humanité tout entière. Dessein auquel Il nous demande de participer. Le fait que Jésus après le don de sa vie sur la croix soit ressuscité et vivant pour toujours change tout. D’abord parce que son sacrifice nous délivre de nos péchés et nous fait entrer dans sa vie éternelle par le baptême, mais aussi parce que sa victoire sur la mort s’accompagne du don de l’Esprit Saint qui est un feu qui embrase le cœur des croyants et fait d’eux des témoins vivants de sa résurrection, des témoins de l’Espérance dans un monde qui en manque tellement !
Que pouvons-nous retenir pour nous aujourd’hui, et pour vous aussi, chers amis, à la suite de votre course-croisière ?
Deux choses : premièrement, les disciples d’Emmaüs ont marché avec le Christ, même s’ils ne l’avaient pas reconnu, et nous aussi avons besoin de marcher avec le Christ plus qu’à notre habitude. Nous avons besoin de remettre le Christ au cœur de notre vie quotidienne et de continuer à grandir dans la foi en sa résurrection, d’accueillir sa vie plus forte que la mort pour nous aider à surmonter tous les défis actuels.
Il se trouve que les disciples ont nourri leur foi, d’une part par la méditation des Écritures, et d’autre part par le pain que Jésus leur a partagé. Nous aussi en venant à la messe nous nous nourrissons aux deux tables : celle de la Parole de Dieu et celle de l’Eucharistie. Ne délaissons donc pas la messe pour que notre espérance et notre charité ne meurent pas d’inanition. Mais, il est également très important de se nourrir de la Parole de Dieu chez soi, avec d’autres et pas uniquement à la messe. Peut-être avons-nous beaucoup d’efforts à faire de ce côté-là ?
Deuxièmement, de la même façon que les disciples d’Emmaüs sont repartis grâce à leur foi nouvelle, nous avons nous aussi besoin de nous relancer dans la course. Que l’Esprit Saint reçu lors de notre confirmation nous pousse à témoigner que Jésus est vivant et que si nous mettons en lui notre foi nous sommes délivrés de nos péchés et entrons avec lui dans la vie éternelle, pas de façon individuelle, mais avec les autres, comme dans la course-croisière, pour agir dans ce monde et mettre en œuvre le dessein d’amour que le Seigneur nous prépare pour notre humanité en souffrance. Le fait de « marcher avec Jésus » nous pousse à devenir toujours davantage « disciple-missionnaire » pour apporter à notre monde la lumière de la Résurrection et la joie du Salut. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon