Ex 17, 3-7 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 1-43
Frères et Sœurs,
Comme nous venons de l’entendre, ce sont les textes de l’année A que nous avons lus aujourd’hui comme cela est prévu lorsque nous accompagnons des catéchumènes vers le baptême. Dans quelques instants nous allons célébrer avec eux le premier scrutin. Le rituel précise que « les scrutins […] ont ce double but : faire apparaître dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais pour le guérir et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. »
Ces paroles résonnent d’une manière particulière en ce jour où nous prions pour les victimes d’abus de toutes sortes qui ont été commis par des membres de l’Église depuis plusieurs décennies, que ce soient des prêtres, des diacres ou des fidèles laïcs. Pensons aussi à ceux qui ont été victimes au sein de leur propre famille, car la famille chrétienne est une « Église domestique » comme le disait saint Jean-Paul II et ce qui s’y passe en bien ou en mal a des conséquences sur toute la communauté chrétienne.
Nous pouvons donc accueillir aussi cette célébration des scrutins pour nous-mêmes, qui sommes déjà baptisés… De fait, nous sommes appelés à scruter dans notre vie ce qui fait obstacle à cette rencontre avec Jésus : nos a priori sur les personnes, nos attitudes blessantes qui peuvent devenir criminelles, nos abus de toutes sortes. Ne croyons pas trop facilement que ce sont les autres qui sont responsables. Nous portons tous une part de responsabilité dans ce qui a été révélé. Le carême est donc un temps favorable pour scruter notre vie sous le regard du Seigneur, Lui qui a la puissance de nous délivrer du mal et de nous affermir dans la foi !
L’Évangile qui vient éclairer ce premier scrutin est celui de la Samaritaine. Nous pouvons voir dans le visage de la Samaritaine, le visage de l’Église. Dans sa rencontre avec Jésus, plusieurs gestes ou paroles nous incitent à scruter la vie de l’Église sous le regard du Christ, lui qui ne veut pas la mort du pécheur, mais « qu’il se convertisse et qu’il vive. » (Ez 33, 11)
Nous notons d’abord l’attitude de Jésus vis-à-vis de cette femme. Une attitude pleine d’humanité « Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source », il demande à boire, car il a soif. Il ne se présente pas à cette femme en maître, mais il se fait humble et pauvre. Par son humilité, Jésus nous montre le chemin que nous devons prendre pour être guéris.
Face à ce qu’il y a de faible, de malade ou de mauvais en nous, saint Paul nous rappelle à quel point le Christ nous aime : « Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » (Rm 5, 8) En cette période de l’histoire où nous nous sentons humiliés, contemplons l’amour humble du Christ qui vient nous rejoindre dans notre pauvreté, dans notre faiblesse pour nous délivrer du Mauvais.
Jésus scrute la vie de la Samaritaine, mais sans la juger ni la condamner : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari. Des maris, tu en as eu cinq et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari. Là, tu dis vrai. » Jésus fait jaillir la vérité et la femme reconnaît ce qu’elle a fait, sans chercher à se justifier, ni à se disculper et elle dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète… » et, à partir de son aveu, sa foi en Jésus va grandir jusqu’à ce qu’elle reconnaisse en lui le Messie annoncé. N’est-ce pas ce que notre Église expérimente en reconnaissant sous le regard du Christ le mal qui a été commis en son sein ?
Jésus suscite en cette femme le désir de recevoir le don de Dieu. Il ne l’impose pas. Il ne lui dit pas « bois plutôt l’eau que je vais te donner. » Mais au contraire : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Il laisse un espace de liberté pour la réponse. Il ouvre le cœur de cette femme à désirer cette eau : « Seigneur, donne-moi de cette eau. », dit-elle, même si elle n’a pas encore compris de quoi il s’agissait, elle sera tout de même exaucée !
L’Église est entrée dans une grande démarche de reconnaissance sur le mal qui a été commis en son sein. Démarche de guérison et de réparation pour les victimes. Démarche de conversion et de purification pour éradiquer ce qui pourrait à l’avenir donner encore prise au Démon. Mais nous savons bien que nos efforts seront vains si ce n’est pas le Seigneur lui-même qui éclaire notre chemin de conversion et qui nous purifie.
En ce Carême, faisons grandir en nous ce désir d’accueillir le don de Dieu, de nous laisser abreuver par l’eau vive que Jésus nous propose. Cette eau, qui représente l’Esprit Saint, nous purifie, lave nos souillures, notre péché. Elle nous transforme, nous fait grandir en sainteté. Elle est aussi pour les personnes victimes source de guérison et de renouveau dans la foi. C’est une « Source jaillissant pour la vie éternelle. »
Pour recevoir ce don de Dieu, il faut le demander comme cette femme : « Seigneur, donne-moi de cette eau… » Et comme le dit Jésus dans un autre passage : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit saint à ceux qui le lui demandent ! » (Lc 11, 5-13). En cette période de renouveau pour l’Église, prions avec ferveur. Demandons l’Esprit Saint, le don de Dieu.
Chers catéchumènes, vous qui allez bientôt devenir membre du Corps du Christ par les sacrements de l’initiation chrétienne, scrutez au fond de vous-même ce qui fait encore obstacle à l’amour de Dieu et recevez aussi la grâce d’en être libérés et purifiés ainsi que nous le demanderons dans quelques instants dans la prière d’exorcisme.
Et nous qui sommes déjà baptisés, laissons-nous scruter par le Seigneur pendant ce Carême, faisons avec lui la vérité sur ce que nous avons vécu de mal, sur nos mauvais comportements. Demandons-Lui de raviver en nous la grâce du baptême en particulier par le Sacrement de pénitence et de réconciliation par lequel Jésus nous fait boire à la source d’eau vive ! Ne négligeons pas ce sacrement qui ravive en nous ce don de Dieu dont nous avons tant besoin !
Enfin, la Samaritaine, après sa joyeuse rencontre avec le Christ, va partir en laissant sa cruche pour annoncer la Bonne Nouvelle aux gens de la ville. Que l’Église devienne, en se purifiant, une source d’eau vive jaillissante pour ses membres et pour toute l’humanité qui est appelée à être sauvée ! Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon