Col 3, 14-15, 17, 23-24 ; Mt 13, 54-58
Frères et sœurs,
D’abord, je suis heureux de venir prier et échanger avec vous aujourd’hui. Le Père Michel MAZÉAS, Curé de cette paroisse, devait m’accompagner, mais il doit célébrer la messe à Saint-Louis, faute d’autre prêtre disponible. Il viendra nous rejoindre pour le repas.
J’ai souhaité cette visite, car il est de ma responsabilité d’Évêque de veiller à la communion entre tous les fidèles au sein de l’Église catholique du Finistère. C’est aussi une occasion de vous encourager dans la foi et dans votre vie chrétienne.
Vous avez été nombreux à répondre au questionnaire (à Brest, 125 foyers ont répondu soit près de 430 personnes dont un certain nombre ne sont là que pendant les congés scolaires) et je vous en remercie. J’ai beaucoup appris à la lecture de vos témoignages. Ils me permettent de mieux comprendre ce qui vous pousse à participer à cette messe où, d’après ce que vous m’avez écrit, vous trouvez la nourriture spirituelle dont vous avez besoin pour vivre en chrétiens.
J’ai pu constater qu’ici à Brest beaucoup d’entre vous participent aussi à la messe selon le missel des saints Paul VI et Jean-Paul II, surtout en semaine, mais aussi à d’autres occasions ou fêtes. Et beaucoup aussi participent à telle ou telle activité paroissiale. Cela me semble essentiel pour assurer la communion dans la paroisse.
Vous exprimez votre joie de participer à cette liturgie, les chants, notamment le grégorien, le silence et les attitudes liturgiques vous aident à prier et à entrer dans le mystère de l’eucharistie. Mais je constate aussi que vous n’avez pas tous une bonne connaissance de l’histoire de la liturgie dans l’Église depuis l’origine.
L’Église catholique n’est pas que latine, loin de là, cela, depuis toujours. Et pour ne prendre que les catholiques, pensons aux Coptes, aux Arméniens, aux Maronites, aux Grecs, aux Syriaques qui célèbrent en araméen, la langue du Christ, et à toutes les autres Églises orientales et slaves qui célèbrent dans le rite byzantin et ses multiples langues.
Toutes les liturgies que j’ai évoquées, y compris celle des saints Paul VI et Jean-Paul II qui a puisé ses sources dans le trésor des liturgies primitives, sont des « messes de toujours », car c’est toujours le sacrifice du Christ qui est célébré et le Corps du Christ, pain de vie, qui nourrit les fidèles et qui les unit en son Corps mystique. Il est impressionnant de constater qu’à travers les siècles, malgré la chute des empires, les invasions barbares, les guerres, les épidémies, le sacrifice de la messe n’a jamais cessé d’être célébré, et cela dans toutes les cultures et dans toutes les langues.
Et ceci afin que le Christ soit toujours au cœur de la vie des fidèles. C’est ce que m’inspirent les lectures de cette fête de saint Joseph.
Dans l’Évangile selon saint Matthieu, nous constatons que les gens ont du mal à accepter la divinité de Jésus. D’autant plus qu’ils habitent son village et qu’ils connaissent bien son origine humaine, la famille de Joseph, le charpentier. Ils voient pourtant en lui des signes divins : sa sagesse, ses miracles, mais leur manque de foi les aveugle. Ils rejettent donc Jésus et n’accueillent pas sa parole de vie.
La double nature du Christ, à la fois Dieu et homme, a été de tout temps un sujet de discorde. La plupart des grandes hérésies des premiers siècles ont porté sur cette question et le Credo des Conciles de Nicée et Constantinople du 4e siècle que nous allons chanter, est justement une affirmation forte de la divinité du Christ en soulignement aussi son humanité.
Cette difficulté demeure encore aujourd’hui pour beaucoup de catholiques qui ne voient en Jésus qu’un homme exceptionnel par ses paroles et ses actes et ils ne retiennent que cette parole : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». Ils oublient cette autre parole de Jésus : « Le Père et moi, nous sommes UN. » (Jn 10, 30)
J’ai reçu un jour une lettre d’une jeune fille qui demandait la confirmation, et, dans sa lettre, elle disait que sa vie avait été bouleversée quand elle a découvert que Jésus était Dieu. Ses paroles, ses actes, sa passion et sa mort, tout s’éclairait alors d’une lumière nouvelle. Cela a tout changé pour elle alors qu’elle avait été pourtant élevée dans une famille chrétienne ! C’est là que je me suis rendu compte à quel point la foi en la divinité du Christ pouvait être toujours un défi pour beaucoup de croyants.
Et c’est justement parce qu’il est vrai homme, mais aussi vrai Dieu, qu’il est le Sauveur des hommes. Il n’est pas seulement un homme formidable à imiter, mais il doit être au cœur de notre existence comme nous le demande saint Paul dans le passage de la lettre aux Colossiens que nous avons lu tout à l’heure.
D’abord par cette phrase : « Que dans vos cœurs règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps. » L’unité de l’Église, c’est bien le Christ qui la réalise par le don du Saint-Esprit, mais encore faut-il que le Christ règne dans nos cœurs. C’est pourquoi saint Paul ajoute : « Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus… » Une invitation à nous décentrer de nous-mêmes pour mettre le Christ au cœur de notre vie en nous nourrissant de sa Parole et de ses sacrements. « C’est le Christ que nous servons », dit saint Paul. C’est le plus sûr moyen d’être dans la vérité et d’œuvrer pour la communion du Corps du Christ.
Le risque qui s’est accentué aujourd’hui avec le relativisme, où chacun se fait sa propre vérité, c’est de se laisser influencer par des idéologies, qui sont véhiculées maintenant de façon très puissante par les réseaux sociaux. Bien sûr, nous diffusons aussi l’Évangile par les réseaux sociaux, mais nous devons être très vigilants dans notre discernement, car le démon se présente souvent en ange de lumière. C’est la Parole de Dieu et l’éclairage du Magistère qui doit guider nos actes.
Saint Paul nous dit aussi : « Vivez dans l’Action de grâce. » Lorsque nous remercions Dieu pour ses bienfaits, nous grandissons dans la foi, car nous faisons alors l’effort de reconnaître le doigt de Dieu dans les événements de notre vie personnelle ou familiale, mais aussi dans les événements du monde ou dans la beauté de la Création. Cet acte de foi nous ouvre à la gratitude, la gratitude nous donne de la joie spirituelle et celle-ci nous entraîne à regarder le monde et les personnes avec bienveillance. Sans naïveté, mais avec cette bienveillance qui est un des fruits du Saint-Esprit.
« Vous savez bien qu’en retour vous recevrez du Seigneur votre héritage », nous dit saint Paul. C’est la vertu d’espérance, celle de croire que la miséricorde du Seigneur nous permettra de vivre avec lui par-delà la mort, puisque nous l’avons mis au centre de notre existence.
Enfin, saint Paul nous dit : « Par-dessus tout cela, ayez l’amour qui est le lien le plus parfait. » Ainsi apparaissent les trois vertus théologales très présentes chez saint Paul : la foi, l’espérance et la charité, qui sont des dons de Dieu pour structurer notre vie chrétienne et nous faire grandir en sainteté. Ces dons sont à accueillir dans l’humilité, à développer et à faire fructifier.
Saint Joseph a su mettre en œuvre ces vertus, non seulement en accueillant dans la foi la naissance divine de Jésus, mais aussi en protégeant la Sainte Famille de la furie d’Hérode et en permettant à Jésus de grandir en humanité par son travail de charpentier. Nous avons beaucoup à apprendre de la foi humble de saint Joseph, lui qui a fait de l’avènement de Jésus en ce monde, sa seule raison de vivre. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon