Mi 5, 1-4a ; Ps 79 ; He 10, 5-10 ; Lc 1,39-45
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et Sœurs,
La Visitation, c’est un peu Noël avant Noël : c’est la préfiguration de la venue de Jésus en ce monde. Marie a dit oui et porte déjà Jésus en elle et commence aussi à manifester sa présence au monde, en allant visiter sa cousine. La Visitation exprime de façon très belle, le mystère de l’Incarnation : Dieu se fait l’un de nous pour se rendre proche de nous et nous sauver. Ce n’est donc pas l’homme qui peut chercher Dieu par ses propres moyens pour trouver lui-même le salut, c’est-à-dire la vie pour toujours, c’est le Seigneur seul ! Le Pape l’exprime très bien dans l’Exhortation apostolique Gaudete et Exsultate où il dénonce le gnosticisme actuel qui est au fond, une foi très subjective basée sur nos propres raisonnements, sur notre expérience, « mais où le sujet reste en définitive fermé dans l’immanence de sa propre raison ou de ses sentiments » (n° 36). La venue du Christ, c’est vraiment Dieu qui se rend présent. C’est Lui qui prend l’initiative de venir vers nous ! « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? », dit Élisabeth. En cette période éprouvante, et pas uniquement sur le plan ecclésial où l’Église est un peu « secouée », mais aussi avec la pandémie, avec tous les défis qui se présentent pour l’avenir du monde, je trouve important de retrouver, l’humilité, de Marie et d’Élisabeth qui accueillent le Seigneur dans leur vie ; le Seigneur qui vient lui-même nous sauver. Nous n’avons pas à avoir peur de ce qui peut arriver à l’avenir, même si ce sont des épreuves, si nous accueillons vraiment le Christ qui vient en nous. C’est cela le véritable bonheur que nous cherchons : être avec Lui pour toujours, car nous savons qu’Il a vaincu la mort et qu’Il est vivant pour toujours.
Finalement, la Visitation révèle ce que l’Église est appelée à vivre, et j’aimerais relever plusieurs points qui me semblent importants.
Le premier, c’est d’abord cette parole d’Élisabeth à Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » La foi, c’est la base de tout : c’est la foi qui permet à Marie de dire oui ; c’est la foi qui la poussait à aller voir sa cousine Élisabeth ; c’est la foi aussi qui va permettre à Élisabeth de reconnaître le Christ déjà présent en Marie. La foi c’est reconnaître que, ce que Dieu a annoncé par les prophètes est vrai, la venue du Christ est vraiment source de salut pour nous, et que sans lui, nous ne pouvons rien faire. C’est cela la foi.
Soyons vigilants, vous vous souvenez de cette parole du Christ : « Quand le fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18.8 b) La foi est donc l’un des grands défis actuels.
Le deuxième, c’est que « Marie se rendit avec empressement ». Cela exprime merveilleusement la Miséricorde du Seigneur pour qui le salut des âmes est une urgence qui n’attend pas ! Et nous le voyons dans l’Évangile : Jésus guérit même le jour du sabbat, parce que le salut n’attend pas, montrant ainsi qu’il y a urgence à sauver une personne. Saint Paul dit aussi : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile. » (1 Co 9,16). Cela nous pousse à vivre une conversion missionnaire d’abord à titre personnel, mais aussi bien sûr pour nos paroisses, nos communautés. Il est nécessaire d’avoir cet esprit de l’urgence d’annoncer la Bonne Nouvelle, de l’urgence du salut. Nous pouvons dire que l’Église doit nécessairement être missionnaire.
Le troisième, c’est qu’Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint qui lui permet justement de reconnaître en Marie la présence de Jésus qui vient. L’Esprit Saint qui nous permet, aussi, de discerner les signes de sa présence dans notre monde. Un discernement absolument essentiel aussi avec cette question : « qu’est-ce que le Seigneur attend de nous dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui ? » C’est d’ailleurs le sens du synode diocésain « Devenir chrétiens en famille », mais également du synode des évêques au niveau du monde entier. Nous devons discerner aujourd’hui, tous ensemble, prêtres, religieux et laïcs, ce que le Seigneur attend de nous.
Le quatrième, Marie porte Jésus en elle et rend visite à sa cousine. C’est vraiment l’image de l’évangélisation qui est d’abord être soi-même habité, nourri par le Seigneur, le rendre présent dans nos visites, dans les relations que nous avons quotidiennement avec les autres autrement dit une présence qui se révèle, une présence qui attire. Ce n’est pas nous qui évangélisons, c’est le Seigneur qui évangélise ! C’est Lui qui est au fond de notre cœur et qui rayonne. « L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais par attraction » c’est Benoît XVI qui nous le dit, cité ensuite par le pape François. Nous comprenons parfaitement ce que cela signifie : c’est ce rayonnement de la foi.
Le cinquième « Marie resta trois mois avec sa cousine » C’est indiqué dans la suite du texte (non lu ce jour). Non seulement Marie rend visite, mais elle rend service à sa cousine jusqu’à son accouchement de Jean-Baptiste.
L’Église annonce la Bonne Nouvelle quand elle se met au service des autres, et notamment des plus pauvres. La diaconie est une priorité aujourd’hui, dans un monde où tant de gens souffrent matériellement, moralement, spirituellement. La diaconie est source de renouveau pour l’Église et c’est aussi une source de communion qui permet d’unir toutes les sensibilités et de faire grandir la fraternité.
Enfin, le sixième, la Visitation est source de joie autant pour Marie que pour Élisabeth. La mission est source de grande joie spirituelle (c’est-à-dire venant de l’Esprit Saint) tant pour les disciples-missionnaires que nous sommes, que pour les personnes qui ont la joie de faire l’expérience que le Seigneur est venu jusqu’à elles, qu’Il les aime et vient les sauver ! L’Église trouve sa joie dans l’espérance quand elle est vraiment missionnaire. Je me souviens d’une mission que nous avions vécue en paroisse, en allant visiter les gens pour leur annoncer un événement qui allait avoir lieu. Une personne qui avait reçu les missionnaires leur avait dit : « Justement, je vous attendais ». Cela faisait des années qu’elle n’avait pas été à l’église, elle attendait que le Seigneur vienne vers elle !
Frères et Sœurs, en cette période de préparation à Noël, accueillons cet Évangile de la Visitation comme un appel à retrouver le sens et la joie de la mission et aussi l’urgence du salut pour notre humanité.
Le renouveau de l’Église que nous attendons, que nous cherchons, que nous voulons, se trouve justement dans la simplicité de cette Visitation, dans cette humilité de la Visitation. Une Visitation où le Christ vient manifester sa présence toute simple, mais une présence qui change tout dans notre existence et dans la vie des gens. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon