Is 7, 10-16 ; Ps 23 (24) ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
Frères et Sœurs,
Dieu peut-il être fatigué comme nous le dit le prophète Isaïe ? Et de quelle fatigue s’agit-il ?
D’après Isaïe, la fatigue de Dieu, c’est que la Maison de David, autrement dit le roi Acaz et sa suite, n’écoutent pas sa Parole et n’ont pas la foi. Ils ne croient pas que Dieu puisse intervenir dans la vie des hommes. Cette parole d’Isaïe peut s’adresser à nous : « Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut que vous fatiguiez mon Dieu ! » Cela me rappelle la parole de Jésus : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8) Ce qui « fatigue » le Seigneur, c’est de voir que, malgré les signes qu’il donne, les hommes n’ont pas la foi !
Dans cette homélie, j’aimerais d’abord souligner l’importance du signe que le Seigneur nous donne par la naissance de Jésus. De l’importance d’accueillir ce signe dans le contexte anxiogène actuel pour grandir dans la foi et l’espérance, et enfin notre responsabilité de faire briller ce signe au grand jour.
D’abord, Dieu nous donne un signe par la naissance de Jésus, mais quelle visibilité ? Quelle crédibilité ?
La naissance d’un petit enfant, c’est beau, c’est plein de tendresse, mais c’est tout de même un signe paradoxal en raison de son caractère ordinaire et de la fragilité d’un petit bébé ! Ce qui en fait un signe, c’est l’identité de ce petit enfant. Il était annoncé par les prophètes et attendu par le peuple.
Dans la description qui en est faite dans l’Évangile, nous percevons l’intervention divine et même l’accomplissement d’un plan divin de salut pour l’humanité.
Le premier aspect de ce signe, c’est que la prophétie d’Isaïe se réalise en la personne de Jésus, et elle se réalise même au-delà de leur espérance. Il était annoncé comme l’Emmanuel, Dieu avec nous, et il est engendré dans la vie des hommes comme Jésus, le Seigneur sauve. Pas seulement une présence donc, mais une œuvre d’amour agissante « car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » comme le précise l’ange.
C’est un signe qui est donné par Dieu comme un cadeau magnifique. C’est Dieu qui intervient dans la vie des hommes de façon surprenante en leur manifestant son amour, sa tendresse dans ce petit enfant. Isaïe parle de crème et de miel, signes de vie en abondance. Il parle aussi de paix avec le signe de l’abandon des terres dont les rois faisaient trembler le peuple. La vie de cet enfant sera donc source de vie pour tous.
Toujours à propos de ce signe, il faut souligner que pour saint Paul dans la deuxième lecture, Jésus a été « établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts. » Et, de fait, la naissance de ce petit enfant, même si elle est belle et surprenante, n’aurait jamais été reconnue comme un signe de Dieu si Jésus n’était pas passé par la mort et la Résurrection. C’est la victoire de Jésus sur la mort qui donne sens à sa naissance et qui atteste ainsi que Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu, qu’il est vraiment le Messie annoncé et qu’il est donc en mesure de nous sauver !
Alors en quoi ce signe peut-il être bouleversant pour nous ?
Ah, qu’il est bon de réentendre cette Bonne Nouvelle en ce temps de l’Avent. Un temps de l’Avent marqué par beaucoup d’inquiétudes et de doutes sur l’avenir de notre humanité, de notre Maison commune, et même de notre Église ! Un temps où même les chrétiens convaincus sont ébranlés dans leurs certitudes. Au fond, nous éprouvons sans doute un peu les sentiments que pouvait éprouver le peuple au temps d’Isaïe, alors que les menaces d’invasion faisaient craindre le pire sur Jérusalem.
Il est tellement important dans le contexte actuel d’accueillir à nouveau ce signe d’amour que le Seigneur nous donne. Ce n’est pas un signe du passé, c’est un signe toujours actuel, toujours nouveau. Un signe permanent. Un signe efficace. Dieu se manifeste dans nos vies, il manifeste sa présence et sa tendresse, il nous délivre du mal, et nous allons le fêter de façon renouvelée à Noël.
Ce signe doit nous aider à surmonter nos peurs et nos doutes, à nous rétablir dans la foi et la confiance. À raviver en nous l’espérance. Dieu nous aime d’un amour sans limites, il a osé venir lui-même au cœur de ce peuple qui marchait dans les ténèbres. Ce peuple c’est nous actuellement, et ce signe qu’il nous donne est comme une grande lumière qui éclaire notre chemin !
Frères et Sœurs, si nous sommes là, c’est que nous avons reconnu ce signe et que nous croyons que Jésus est vraiment le Sauveur du monde, mais comment pouvons-nous le faire briller au grand jour ?
D’abord, nous en sommes bénéficiaires puisque nous avons été baptisés et libérés de nos péchés. L’annonce de « Celui qui sauvera son peuple de ses péchés » nous concerne directement. Nous en avons fait et en faisons chaque jour l’expérience. Mais, par le don de l’Esprit Saint, nous y sommes aussi associés.
Par le témoignage de notre vie et de notre foi, nous reflétons ce signe, cette lumière du Christ, à condition bien sûr de grandir de plus en plus dans la communion avec lui, comme le dit saint Paul : « À vous qui êtes appelés à être saints… »
Nous reflétons ce signe de la naissance du Sauveur lorsque nous en parlons en famille lors des fêtes qui approchent. Vous avez sans doute constaté par vous-même que dans les familles chrétiennes aujourd’hui on est parfois capable de fêter Noël avec les enfants et les petits-enfants sans évoquer la naissance de Jésus !
Dans le contexte de la fête de Noël aujourd’hui, qui s’est beaucoup sécularisée, il faut oser rappeler en quoi Noël est une fête pour nous, et en quoi cela nous illumine aujourd’hui. Oser présenter la crèche et la commenter. Par exemple, y poser une phrase d’Évangile comme nous le voyons dans l’exposition des crèches ici à Saint-Jacques. Oser prier avant de se mettre à table. Ce n’est pas seulement une tradition. Cela permet à tous de se rappeler d’où vient la vraie lumière de cette fête.
Il faut imaginer aussi de nouveaux moyens comme le calendrier de l’Avent sur le site du diocèse, une très bonne idée. Je pense aussi à tout le travail que les adultes engagés dans la Pastorale des jeunes et des vocations accomplissent pour les aider à accueillir ce signe de la naissance de Jésus.
On peut dire aussi que le fait même de participer à la messe de la nuit de Noël est déjà un témoignage. Une manière de montrer à nos proches que là se trouve pour nous la vraie source de la fête que nous célébrons. Les églises sont pleines ce soir-là, c’est aussi un beau signe ! Tout ce que je vous dis là peut vous paraître évident. Cela l’était il y a quelques années, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui !
Frères et Sœurs,
Nous sommes entrés dans la dernière semaine de l’Avent. Que ce signe donné par Dieu lui-même nous fasse grandir dans la foi et l’espérance et nous remplisse déjà de la joie de sa venue en ce monde. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon