Pr 9, 1-6 ; Ps 33 ; Ep 5, 15-20 ; Jn 6, 51-58
Chers Amis,
Nous vivons dans un monde un peu fou en ce moment, vous ne trouvez pas ? Il y a la planète dont le climat ne semble plus tourner rond, mais aussi les nations qui se font des guerres insensées. Quant à la société, on se demande où elle nous emmène sur le plan éthique et dans nos relations mutuelles qui se compliquent au quotidien, et cela s’est accentué depuis la COVID-19 ! Je vous propose, en ce pardon de Notre-Dame de Kergoat, de retrouver du sens à ce que nous vivons en ce moment, car tout ne dépend pas des autres. Nous sommes aussi concernés pour une part par cette folie, et traditionnellement les pardons sont des lieux où nous pouvons nous remettre sur le bon chemin. Les lectures de ce jour nous y conduisent.
Dans la première et la deuxième lectures, un appel assez étonnant nous est adressé. D’abord dans le Livre des Proverbes : « quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. » Ensuite dans la Lettre aux Éphésiens, saint Paul nous dit : « prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous mais comme des sages. »
Mais de quelle folie, de quelle étourderie parlent-ils ?
Nous pouvons comprendre que dans notre vie, il peut y avoir un manque de cohérence, un manque de logique, de bon sens. Cela peut poser de gros problèmes dans notre vie courante, dans nos relations avec les autres, dans notre vie en société en général.
Mais que peuvent être les causes de cette folie, de cette étourderie ?
Peut-être, d’abord, un manque de discernement lorsque nous nous laissons trop guider par notre instinct personnel, nos désirs, sans en être capables d’en mesurer les conséquences ou de les maîtriser et surtout sans penser au bien commun.
Ce peut être également un manque d’esprit critique par rapport à une opinion publique véhiculée par les médias, les réseaux sociaux… Aujourd’hui, il est difficile de discerner le vrai du faux, de ce qui est bon ou mauvais. Il y a parfois de nombreuses manipulations dans ces communications tous azimuts et mondialisées. Au milieu de tout cela, si nous sommes un peu étourdis, un peu fous, c’est peut-être que nous manquons de silence, de réflexion dans nos activités quotidiennes. Parfois, nous courons toute la journée et nous manquons de respiration. Nous pouvons aussi manquer de nourritures intellectuelles, spirituelles, de formation pour avoir les repères qui nous aident à discerner et à savoir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.
Les lectures de ce jour vont plus loin en nous indiquant des remèdes salutaires. Lesquels ?
On peut en repérer au moins trois : discerner quelle est la volonté de Dieu ; nous laisser nourrir par le Christ lui-même dans l’eucharistie et enfin la charité qui doit en découler.
D’abord dans la Lettre de saint Paul, où il nous dit : « ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. » Pour saint Paul, la cohérence de notre vie, entre nos convictions, nos choix de vie, notre manière d’être, nous la trouvons dans l’obéissance parfaite à ce que le Seigneur attend de nous. Le Seigneur nous aime. Il nous connaît mieux que nous-mêmes : il connaît notre histoire et sait par où nous sommes passés et toutes les épreuves que nous avons vécues. Il sait ce qui est le meilleur pour nous et pour tous. Il veut nous aider à grandir en sainteté en nous prenant tels que nous sommes, là où nous sommes, avec nos blessures. Il veut nous délivrer de tout ce qui nous empêche d’être pleinement nous-mêmes et donc vraiment heureux. Quand saint Paul dit : « comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur », c’est évidemment un appel à la réflexion, un appel au discernement, à réfléchir à ce qui est bon pour nous et ce qui ne l’est pas, à réfléchir à ce qui nous conduit à la vie ou ce qui nous détruit. Saint Paul nous indique ce qui peut nous permettre de discerner : « soyez remplis de l’Esprit Saint ». Et l’Esprit Saint, il faut le demander dans la prière : « si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, nous dit Jésus, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ? » (Lc 11, 13). Et l’Esprit Saint est le seul qui au milieu de tout ce qui peut nous influencer dans la vie, en bien ou en mal, nous « guide vers la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Nous devons beaucoup prier pour que le Seigneur nous conduise toujours dans sa Vérité.
Ensuite, le deuxième remède qui nous est donné dans ces lectures, on le trouve dans le Livre des Proverbes : « à qui manque de bon sens, la sagesse dit : “venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé.” » Ainsi, nous laisser nourrir par le Seigneur « c’est le chemin de l’intelligence. » Cela rejoint le passage d’Évangile que nous avons entendu. À six reprises, Jésus nous dit que manger son corps et boire son sang nous donne la vie et la vie éternelle. C’est ce que nous célébrons dans l’Eucharistie, et cela est vital ! C’est une source de vie dans notre quotidien, mais aussi la promesse de vivre pour toujours avec le Seigneur. Et quand Jésus dit : « je suis la vraie nourriture, la vraie boisson », c’est ce qui nous nourrit vraiment, nous fait vivre ! Et il faut l’entendre autant pour la Parole de Dieu proclamée à la messe que par la communion à son Corps.
Je crois que la question de l’Eucharistie est vraiment un gros défi pour les paroisses, surtout en rural à cause des distances. C’est un peu moins vrai en ville, où il y a toujours des messes à proximité. Nous devons remettre l’Eucharistie au centre de notre vie personnelle, familiale, ecclésiale, paroissiale, même si cela nous demande plus d’efforts. Mais c’est vital !
Enfin, les conséquences de tout cela, c’est la charité, c’est-à-dire un amour engagé. Nous ne pouvons pas discerner le Corps du Christ dans l’Eucharistie sans discerner également le Christ dans son Corps qu’est l’Église. Attention donc aux divisions, aux discriminations dans la communauté paroissiale, qui, malheureusement, existent toujours beaucoup trop…
Communier au Corps du Christ, c’est vraiment s’engager à construire la Communion de l’Église. C’est le sens du geste de Paix que nous nous donnons juste avant la Communion. Ce n’est pas pour nous dire « bonjour », mais réellement, pour nous dire que malgré nos différences, voire nos différends, au nom du Christ, nous sommes unis les uns aux autres. La Communion Eucharistique construit l’union de la Communauté. Mais elle nous pousse aussi à reconnaître le Christ dans ceux qui sont dans le besoin, ou qui sont rejetés. Le pape François a écrit dans son exhortation AMORIS LAËTITIA : « il ne faut pas oublier que la “mystique” du sacrement a un caractère social. Lorsque ceux qui communient refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants, ou approuvent différentes formes de division, de mépris et d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne. » Il ajoute : « en revanche, les familles qui se nourrissent de l’Eucharistie dans une disposition appropriée, renforcent leur désir de fraternité, leur sens social et leur engagement en faveur des personnes dans le besoin. » (AL n° 186)
Frères et sœurs,
En ce pardon de Notre-Dame de Kergoat, voilà donc trois bonnes pistes pour retrouver « le chemin de l’intelligence » comme dit le proverbe, en nous mettant à l’écoute du Seigneur et en nous nourrissant du don que le Seigneur nous fait de sa propre vie. Et avec l’aide de la Vierge Marie, en développant en nous la charité, l’esprit de communion et de fraternité. C’est le chemin de la sainteté auquel nous sommes appelés en ce pardon de Notre-Dame de Kergoat. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon