1 Th 1, 2-10 ; Mt 13, 31-35
Frères et sœurs,
En cette période mouvementée de l’histoire de l’humanité et où la barque de l’Église elle-même est secouée, nous avons vraiment besoin de nous recentrer sur le Christ et sur ce qu’il a à nous dire pour notre bien et celui de toute la société. Sa Parole de Vie nous remet debout et nous invite à l’espérance. C’est ce que nous enseignent les textes de la Liturgie de ce dimanche.
L’Évangile de ce jour nous relate deux paraboles sur le Royaume des Cieux. Ce Royaume qui rassemble les croyants dans une même foi en Jésus le Sauveur du monde. Un Royaume qui n’a pas de frontière, il est universel. Et Jésus nous a bien dit que le Royaume des Cieux était déjà parmi nous, car, de fait, Jésus nous y introduit par le don de sa vie, mais ce royaume ne trouvera son plein accomplissement que lors de son Avènement glorieux à la fin de temps.
Ces deux paraboles expriment deux aspects complémentaires de ce Royaume. Par la graine de moutarde d’abord, Jésus nous fait comprendre que la petitesse, la fragilité apparente du Règne de Dieu en ce monde cache en réalité une abondance de biens qui ne cessera pas de se développer pour devenir une source de vie pour beaucoup de gens comme les oiseaux qui viennent faire leurs nids dans ses branches. C’est une invitation à ne pas désespérer face à l’apparente victoire des idéologies, de la violence et du mal sous toutes ses formes et à l’apparente petitesse de l’Église, en Europe du moins.
Le levain dans la pâte aborde un autre aspect. Le levain fait penser aussi à ce qui est petit et apparemment faible. C’est ce qui se passe en effet s’il reste seul et isolé, mais, répandu dans la pâte, il agit avec puissance pour faire lever toute la pâte. Là aussi, un texte plein d’espérance, car Jésus nous rappelle qu’il ne faut pas avoir peur d’annoncer l’Évangile au plus grand nombre, car l’Esprit Saint agit dans le cœur de beaucoup de gens de bonne volonté, de ceux qui cherchent un sens à leur vie, de ceux qui sont touchés par un événement joyeux ou malheureux dans leur vie. C’est le témoignage que nous donnent les adultes qui demandent le baptême, et ils sont de plus en plus nombreux.
Ces paraboles du Royaume des Cieux nous aident à méditer sur la place de l’Église au sein de la société. L’Église est dans le monde comme le levain dans la pâte pour permettre au plus grand nombre d’entrer dans ce Royaume. C’est la mission qu’elle a reçue du Seigneur Jésus comme nous le lisons dans la finale de l’évangile selon saint Matthieu (28, 20) : « Allez, de toutes les nations faites des disciples… » Autrement dit, faites-les entrer dans le Royaume des Cieux par l’annonce de l’Évangile et par les sacrements.
Il est clair que cette mission confiée par le Christ est devenue un vrai défi aujourd’hui en raison de la sécularisation de la société. Ce n’est pas nouveau et cela ne vient pas du Concile Vatican II comme on l’entend parfois. Mgr FAUVEL, un de mes prédécesseurs, annonçait déjà en 1948 ce « raz de marée de la déchristianisation ». Et il ajoutait : « Un jour peut venir où les fervents seuls nous resteront fidèles. »
Nous y sommes. Et c’est pourquoi nous devons raviver en nous l’esprit missionnaire pour annoncer la Bonne Nouvelle que le Seigneur nous a confiée et qui va faire l’objet des orientations diocésaines que je promulguerai lors de la prochaine fête de la Pentecôte.
Face à cette société « déchristianisée » ou sécularisée, deux tentations nous guettent. La tentation du repli et la tentation de la dissolution. Je m’explique. La tentation du repli serait de nous refermer sur nous-mêmes comme dans une tour assiégée par peur du monde et pour nous en protéger. Mais dans ce cas, le levain resterait seul et il ne serait plus dans la pâte pour la faire lever. À l’inverse, la tentation de la dissolution serait un levain dans la pâte, mais un levain inefficace parce que les fidèles qui la composent ne seraient plus habités par la Parole de Vie et nourris par les dons de Dieu.
Comment faire pour ne pas nous laisser entraîner dans l’une ou l’autre de ces tentations ?
La première lecture saint Paul nous donne un éclairage. Il s’adresse aux Thessaloniciens, qui étaient donc des païens et qui adoraient les idoles, c’est saint Paul qui le rappelle. Ils font penser à notre société actuelle où beaucoup de gens adorent des idoles. Pas les mêmes qu’à l’époque, mais ils sont de la même façon éloignée de la vérité. Un certain nombre de Thessaloniciens ont entendu la prédication de saint Paul et se sont convertis à la foi chrétienne. Ce n’étaient pas de grands nombres, mais ils forment déjà une communauté de croyants. Or qu’est-ce que saint Paul admire chez eux ? Il le dit dans sa lettre : « Nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. » Nous retrouvons là les trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour nous croyants, la colonne vertébrale de notre vie chrétienne, le signe que la Puissance de Dieu est à l’œuvre dans notre vie.
Une foi active, c’est une foi qui se nourrit de la prière, de la médiation de la Parole de Dieu et de l’accueil de la grâce des sacrements. C’est aussi une foi qui rayonne en témoignant de la Bonne Nouvelle du Salut. Une foi qui se transmet en famille, mais aussi auprès de ceux que l’on rencontre au cours de nos activités quotidiennes. Une foi active produit du fruit, car, grâce au don de l’Esprit Saint, elle peut changer beaucoup de choses dans la vie des autres, mais aussi dans notre vie. C’est une foi qui inspire toutes nos actions, nos choix de vie, nos engagements.
La charité qui se donne de la peine, c’est justement un amour engagé, qui a de la compassion pour les autres, qui prend soin de ceux qui souffrent, qui se met au service de son prochain, quel qu’il soit. En cette journée mondiale des pauvres, il est bon de nous rappeler l’importance de cette vertu théologale. Notre charité renonce à tout égoïsme et cherche toujours le bien commun aux dépens, si nécessaire, de notre propre vie.
Enfin l’espérance qui tient bon, c’est une espérance qui ne se laisse pas impressionner par les vents contraires, et ils sont nombreux. Une espérance qui voit loin en étant convaincu que le dessein de Dieu pour sauver l’humanité arrivera nécessairement à son aboutissement et que rien ne pourra l’entraver. L’espérance, ce n’est pas l’espoir. L’espoir, c’est espérer que ça pourrait mieux se passer, alors que l’espérance est une certitude, nourrie par le don de l’Esprit Saint, que la graine de moutarde deviendra un jour un grand arbre et que le levain fera lever toute la pâte.
En faisant grandir en nous ces trois vertus théologales, nous sommes sûrs de ne pas tomber dans la tentation de peur et de repli sur nous-mêmes ni celle de nous dissoudre dans la mentalité de la société. Sans être naïfs sur les dangers qui nous menacent, ces lectures nous invitent à être des disciples de Jésus, des disciples-missionnaires, en étant de beaux témoins de son amour miséricordieux. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon