Jr 17, 5-8 ; Ps 1 ; 1 Co 15, 12.16-20 ; Lc 6, 17.20-26
Chers amis,
En méditant ces trois textes, je pensais évidemment à vous les confirmands qui allez recevoir l’Esprit-Saint en plénitude dans quelques instants. Il y a dans ces textes quelques appels que nous pouvons recevoir en ce jour si particulier pour vous. Et qui rejoignent aussi, évidemment, tout ce que vous m’avez écrit dans vos lettres.
Dans ces textes, Jésus nous fait découvrir le vrai sens du bonheur. On aspire tous au bonheur, évidemment. Mais c’est une notion qui est trompeuse. Car il y a des bonheurs qui conduisent en fait plutôt à être malheureux ! L’Évangile des Béatitudes que nous venons d’entendre est vraiment très surprenant. Parce que, ce que nous appellerions « bonheur » : être riche, comblés, repus, dans le rire ; Jésus dit que cela conduit au malheur, et ce qu’il appelle « bonheur », en fait, ne le serait pas pour nous : être pauvre, avoir faim, méprisés, persécutés. On ne voit pas là où est le bonheur !
En fait, vous voyez que Jésus inverse les valeurs ! Et comme chrétiens, nous avons nous-mêmes à inverser les valeurs si nous voulons suivre le Christ. Le pape François dit à propos des Béatitudes que c’est la carte d’identité du chrétien. Et il est vrai que le chrétien a d’autres valeurs que celles du monde, c’est certain. En tous les cas, le vrai bonheur est pour ceux qui ne sont pas comblés, repus. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas besoin des autres, ils n’ont pas besoin de Dieu. Le vrai bonheur est pour ceux qui ne sont pas repliés sur eux-mêmes, leur confort, leur bien-être.
Le vrai bonheur, quel est-il alors ? Le prophète Jérémie nous en parle dans la première lecture : « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance ». Et il nous dit que celui-là « ne manque pas de porter du fruit ». On pourrait dire que le don de l’Esprit-Saint, justement, va se manifester pleinement dans leur existence. Ils vont se tourner vers les autres et non pas être enfermés sur eux-mêmes et ils vont vouloir le bien de tous. Et dans ce texte de Jérémie, nous pouvons comprendre que l’Esprit-Saint apporte la fécondité dans toutes les relations humaines que nous pouvons avoir.
Cela ne nous met pas à l’abri des épreuves de la vie, évidemment, ni d’être persécuté au nom du Christ, au nom de notre foi. Mais, dit Jésus, « alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi en effet que leur père traitait les prophètes ». Donc en étant confirmé, vous devenez, avec nous les baptisés, des prophètes, dans le sens où vous mettez votre foi dans le Seigneur et que votre vie en est transformée. L’Esprit-Saint vous est donné pour témoigner de votre foi et vous mettre au service des autres. Pour témoigner aussi par votre manière de vivre.
J’aime beaucoup ce le passage de saint Paul dans la lettre aux Galates, où il le dit comment se manifestent en nous les dons de l’Esprit-Saint. Il cite « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, — bienveillance qui manque tellement aujourd’hui —, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi. » (Ga 5, 22-23) Bien sûr, nous voulons vivre tout cela, mais nous savons que ce n’est pas si facile ! Nous sommes des prophètes lorsque nous vivons cela grâce au don de l’Esprit-Saint, même lorsque nous vivons au milieu d’oppositions, de contradictions, voire de violences verbales ou même physiques.
En fait, le vrai bonheur, c’est d’être en communion profonde avec le Seigneur, en fidélité à sa parole. Nous sommes alors « comme un arbre planté près des eaux qui pousse vers le courant ses racines », comme nous le dit Jérémie. Et cela nous permet de tenir bon dans la vie, sans craindre d’être desséchés par manque de nourriture spirituelle ou même touchés, voire détruits par le Mal avec un grand M.
Je vois donc quelques appels pour les confirmands. Mais également pour chacun de nous !
L’Esprit-Saint nous permet de tenir bon dans la foi au Christ, d’être fidèles et témoins de sa bonté au milieu des épreuves et des conflits.
L’Esprit-Saint nous tourne vers les autres pour nous mettre à leur service pour le bien de tous.
L’Esprit-Saint nous fait entrer dans le vrai bonheur, celui d’être en communion profonde avec Jésus et de devenir son ami. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (cf. Jn 15, 5), dit Jésus.
L’Esprit-Saint nous permet d’accueillir sa parole comme une parole de vie qui change profondément nos relations humaines. Qu’elles soient amicales, conjugales, familiales, professionnelles. En fait, on peut dire que le vrai bonheur, c’est lorsque nos relations quotidiennes sont habitées par l’amour de Dieu, sont transformés par le don de l’Esprit-Saint, dans la mesure bien sûr, où nous nous laissons conduire par l’Esprit-Saint.
Tout n’est pas rose pour autant, car Jésus évoque bien les persécutions en son Nom et lui-même a été crucifié, et il est vrai qu’on ne peut pas enlever la Croix de notre chemin. En effet, il n’est pas facile d’être chrétien dans une société qui ne l’est pas, ou qui ne l’est plus. Une société qui n’a donc pas les mêmes manières de voir les choses. Je prends un exemple, c’est sur le plan éthique, sur le plan moral, on voit bien qu’il y a des différences, voire des divergences. Je sais qu’il y en a plusieurs d’entre vous qui êtes en école d’infirmière. Elles doivent se rendre compte que les questions, par exemple sur la loi de la fin de vie, sont des questions qui interrogent énormément. Et beaucoup de soignants sont très troublés par ce projet de loi. Eh bien, l’Esprit-Saint est aussi cette force qui nous permet de tenir bon dans notre fidélité à l’Évangile. Tout en respectant bien sûr les personnes qui ne pensent pas comme nous. On peut s’opposer aux idées, on ne rejette pas les personnes, mais sans cacher nos convictions. Nous pouvons élargir d’ailleurs à tout ce qui touche à la dignité humaine. Et le Vatican, a publié l’an dernier un très beau texte, Dignitas Infinitas sur la manière dont l’Église comprend la dignité humaine. Un texte que tous les baptisés devraient lire et qui touche à la dignité humaine dans tous ses aspects individuels et collectifs.
Et je voudrais terminer par un dernier message que nous adresse le Seigneur, un vrai trésor, que saint Paul exprime dans la 2e lecture de ce jour, c’est notre espérance dans la résurrection. Si nous croyons que Jésus est vrai homme et vrai Dieu, comme les confirmands vont le redire en proclamant leur foi tout à l’heure. Si nous croyons que Jésus est mort sur la croix et qu’il est vraiment ressuscité le 3e jour, qu’il est vivant au milieu de nous, même si on ne le voit pas avec les yeux. Si nous croyons qu’il nous pardonne nos péchés, qu’Il nous délivre du Mal. Si nous mettons notre foi en lui, alors nous entrons dans sa vie, une vie qui est plus forte que la mort, car si nous sommes déjà amis avec le Christ, ici-bas, nous le serons avec Lui pour toujours au-delà de notre mort, et cette espérance change complètement notre manière de concevoir notre existence humaine.
En cette année 2025, l’année jubilaire de la naissance du Christ, le Pape nous appelle à être pèlerins d’Espérance en cette période de l’histoire humaine marquée par les guerres, les violences. L’Esprit-Saint nous permet justement de garder l’Espérance pour tenir debout et pour rester actifs dans la société au service de la paix et du bien de tous.
Alors, frères et sœurs et chers confirmands, invoquons l’Esprit-Saint que les confirmands vont recevoir en plénitude. Qu’il fasse d’eux et de nous des chrétiens heureux de vivre selon les béatitudes et des pèlerins d’espérance dans notre monde qui en a tant besoin. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon