Is 52, 13-53 ; 12 ; Ps 30 ; He 4, 14-16.5, 7-9 ; Jn 18, 1-19, 42
Frères et Sœurs,
Le passage du livre du prophète Isaïe que nous avons lu en première lecture commence par ces mots : « Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! » Une note d’espérance magnifique qui nous fait déjà penser à la Résurrection de Jésus et sa victoire sur le mal et la mort ! Pourtant, en lisant la phrase suivante, rien ne laisse penser qu’il puisse y avoir de l’espoir pour ce serviteur humilié, torturé et tué en qui les premiers disciples ont reconnu la figure de Jésus sur le chemin de la Croix ! « La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme… »
Il y a des moments où on se demande quel espoir nous pouvons encore avoir face aux épreuves que traverse notre humanité, notamment dans certains pays. Ce sont les sentiments que nous pouvons ressentir face aux souffrances que provoque la guerre en Ukraine, mais aussi d’autres guerres dans le monde ou d’autres périls comme la pandémie. Mais je pense aussi aux défis climatiques et environnementaux qui désespèrent beaucoup de gens au point de faire renoncer certains jeunes à fonder une famille par peur de l’avenir !
Pourtant, dans la Passion de Jésus, il y a un message d’espérance qui transparaît et qui nous fait mieux comprendre pourquoi ce serviteur de Dieu « réussira » comme l’affirme le prophète Isaïe. Un message qui révèle que sa souffrance et sa mort sont en fait, malgré les apparences, source de vie pour l’humanité : « En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. »
Cette affirmation n’aurait pas de sens s’il s’agissait d’un homme comme les autres. Qui sur la terre peut prétendre porter les souffrances des autres ? Nous pouvons bien sûr avoir de la compassion pour ceux qui souffrent, nous pouvons, par notre amitié ou par nos soins, les soulager dans leur souffrance, mais ce que Jésus a fait pour nous est d’un autre ordre, car en Jésus, c’est Dieu lui-même qui vient souffrir dans notre humanité et même en chacun de nous.
En aucun cas, Jésus n’a considéré la souffrance comme un bien. Il ne l’a pas désirée ni justifiée, mais il l’a acceptée en silence comme un passage nécessaire : « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche. » Mais le fait que le Fils de Dieu soit passé par là avant d’entrer dans sa gloire, cela change tout. « Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures nous sommes guéris ».
Nous ne pouvons que rester muets devant la souffrance des autres, mais lorsque ces personnes souffrantes témoignent elles-mêmes que le Christ leur donne la paix et l’espérance, nous ne pouvons que constater à quel point cette parole se réalise : « par ses blessures nous sommes guéris. »
Non seulement la Passion de Jésus nous aide à porter la nôtre, mais plus encore il nous délivre du mal absolu qu’est le péché, le manque d’amour, la souffrance que nous infligeons aux autres. « Le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. (…) Le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs fautes. », nous dit encore Isaïe.
C’est bien parce que Jésus a pris nos souffrances, et nos péchés, sur ses épaules que les catéchumènes vont avoir le bonheur d’être baptisés demain soir. Ils seront lavés de leurs péchés et nous, les baptisés, continuons à recevoir le pardon du Seigneur dans le sacrement de pénitence et dans l’eucharistie. Comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux : « Il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. » Et cela nous donne une espérance infaillible dans la victoire du Christ et son œuvre de salut, malgré le visage défiguré de notre humanité.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon