Sg 6, 12-16 ; Ps 62 ; Th 4, 13-18 ; Mt 25, 1-13
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
J’estime que cette Parabole éclaire les aspects préoccupants de notre réalité actuelle, marquée par le changement climatique, les guerres et les violences qu’elles engendrent, comme la montée de l’antisémitisme, y compris dans notre propre pays. Je trouve qu’elle nous invite à l’espérance en dévoilant la direction à prendre, celle à laquelle nous sommes appelés. C’est également une invitation à la fidélité envers le Christ, sa Parole, et le témoignage qu’Il nous invite à donner au monde. Je souhaiterais approfondir quatre points relevés dans cette Parabole.
Premièrement, il est spécifié dès le début que le dessein de cette Parabole est de nous faire comprendre la nature du Royaume des Cieux. Alors, qu’est-ce que ce Royaume ? Jésus n’en donne pas une description explicite, mais plutôt dix paraboles dans les Évangiles, dix clés pour pénétrer le mystère du Royaume des Cieux. Par exemple, il parle d’un trésor dans un champ, d’une perle fine, du levain dans la pâte, de la graine de moutarde qui devient un grand arbre, etc. La Parabole de ce jour, située vers la fin de l’Évangile selon saint Matthieu, aborde les fins dernières. Le Royaume des Cieux, c’est Dieu régnant dans le cœur de ceux qui placent leur foi en Jésus. Ces personnes sont délivrées du mal, pardonnées et entrent dans une communion avec Dieu. Cette communion ne sera pas anéantie avec leur mort, puisque le Christ a vaincu la mort, comme l’a rappelé saint Paul dans la deuxième lecture.
Deuxièmement, soulignons l’arrivée de l’époux au milieu de la nuit. Un peu mystérieux, non ? Moi, la nuit, j’y vois la vie du monde aujourd’hui, et peut-être aussi nos épreuves personnelles et familiales. Au fond, comme nous le dit saint Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 8, 23-23) : « La création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissions. ». C’est précisément dans cette nuit que l’époux, représentant ici le Christ, fait son apparition. L’arrivée d’un époux annonce des noces, et son épouse, c’est son peuple, c’est nous ! En ces derniers dimanches de l’année liturgique, réaffirmons notre foi en l’avènement du Christ à la fin des temps, cette Parousie, qui est le but ultime de notre existence : l’accomplissement de l’histoire du Salut et de l’histoire de l’humanité. Ce qu’on appelle les fins dernières.
Comment nous positionner par rapport à ces fins dernières ? Jésus nous enseigne : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous, levez la tête, car votre rédemption approche. » (Lc 21, 28) L’accomplissement de l’histoire du Salut peut sembler abstrait, un peu lointain, mais pour le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour, nous rappelle saint Pierre (cf. 1P 3,8). Il est important donc d’avoir toujours dans notre cœur cette échéance, comme un cap à tenir dans la navigation de notre existence : nous allons vers ce Royaume qui sera parfaitement accompli lors de la Parousie. Nous devons avoir toujours dans le cœur cette attente qui va orienter nos choix de vie. « Veillez », nous exhorte Jésus !
Troisièmement, abordons le rôle des jeunes filles invitées aux noces, qui correspondent aux demoiselles d’honneur dans nos coutumes actuelles. Que représentent-elles dans la Parabole ? En fait, elles sont chargées d’accueillir l’époux et de le conduire, avec leur lumière, chez son épouse.
Au fond, n’est-ce pas ce que nous avons à vivre nous-mêmes comme baptisés et confirmés : accueillir le Christ dans nos vies (personnelle, familiale, d’Église…) et le faire connaître aux autres en éclairant le chemin pour que ceux qui sont dans la nuit de l’existence humaine soient touchés par la lumière du Christ ! Cette lumière, source de vie, qui pardonne et donne la vie, n’est évidemment pas la nôtre, mais celle de l’Esprit Saint. C’est le Seigneur qui l’a remise entre nos mains. Nous avons à la faire briller… Nous pouvons d’ailleurs voir dans cette petite lampe que portent les jeunes filles, les vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. Ces vertus qui sont des dons de Dieu et qui illuminent notre vie, et, par notre témoignage, celles des autres.
Enfin, quatrièmement, la Parabole met en avant la nécessité de la réserve d’huile pour maintenir la lumière dans la durée, pour que ces vertus d’espérance, de foi et de charité se répandent en ce monde marqué par les ténèbres ! Les insouciantes ont leurs lampes allumées au début, mais elles ne tiennent pas dans la durée, et après, il est trop tard ! L’huile représente donc ce qui nourrit notre foi, notre espérance et notre charité dans l’attente active de la venue du Christ à la fin des temps.
Et, nous devons donc veiller à alimenter constamment notre réserve d’huile. Cela se fait par la prière personnelle, en famille, avec d’autres chrétiens (en équipe, en fraternité, en paroisse), ainsi que par la formation, si nécessaire dans une société de plus en plus sécularisée où nous avons besoin d’approfondir notre foi, car, comment éclairer les autres si nous ne sommes pas nous-mêmes éclairés ? Mais aussi par la vie en Église, car la foi chrétienne ne peut pas se vivre de façon individuelle. Lorsque l’on dit : « Ma vie de foi, ma religion, ma messe ! », c’est très individualiste, alors que la vie chrétienne est au contraire communautaire ! Ma réserve d’huile, c’est aussi l’Église qui me la donne et c’est en elle que je vais constamment remplir ma lampe pour qu’elle continue de briller dans l’obscurité du monde ! Notamment par les sacrements et la méditation des Écritures !
En conclusion, cette Parabole nous montre où nous allons et nous rappelle que nous attendons l’avènement du Christ à la fin des temps. D’ailleurs, tout au long de la messe, nous ne cessons de rappeler ce retour dans la gloire comme lors de l’anamnèse après la consécration ou encore après le Notre Père lorsque le prêtre dit « … nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur. » Dans ce monde marqué par la guerre, les violences, les changements climatiques et sociétaux, nous aurions de nombreuses raisons de baisser les bras et de désespérer, mais le Christ nous rappelle que tout cela a un sens et aura un aboutissement : son retour dans la gloire et l’avènement de son Royaume de justice et de paix.
Le Christ nous appelle à ne pas être impressionnés par ces ténèbres, car nous avons une lumière qui éclaire notre chemin de vie. Il nous appelle à ne pas rester inactifs et à garder bien vive et brillante cette lampe que le Seigneur a déposée entre nos mains pour la faire rayonner au sein de notre Église, de nos familles, de nos bourgs, de notre société ! Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon