Tb 12, 1.5-15.20 ; Ct Tb 13 ; Mc 12, 38-44
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
« Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Alors, comment va-t-elle faire pour vivre ? À l’époque, les veuves étaient prises en charge par la communauté. Mais pourquoi ce geste qui paraît presque désespéré ? C’est un récit qui peut paraître un peu caricatural, mais en fait, il est comme une parabole ! Cette femme en donnant tout ce qu’elle avait pour vivre à Dieu, puisqu’elle a donné au temple, offre toute sa personne à Dieu en lui faisant confiance pour son avenir.
De l’autre côté, nous voyons les scribes qui semblent rechercher la reconnaissance de leurs semblables, mais ont-ils vraiment « besoin de Dieu » ?
Et puis les riches qui mettent de fortes sommes, mais ils n’y engagent pas leur vie ! Certains se donnent peut-être ainsi bonne conscience… Mais ont-ils vraiment besoin de Dieu ? Attendent-ils de Dieu quelque chose pour leur vie ? Jésus montre cette veuve en exemple, car elle a donné à Dieu non seulement tout ce qu’elle a, mais ce qu’elle est ! Elle s’est donnée elle-même.
Comment interpréter ce message pour nous ? Nous aussi, nous sommes appelés à nous donner, à tout donner. Et là, je ne parle pas seulement des vocations particulières comme les religieux et religieuses ou les consacrés. Non, je parle de tous les baptisés : « celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. » La croix étant le signe de l’amour du Christ qui s’est donné totalement. Nous sommes invités à donner notre vie entière par amour, à la suite de Jésus. « Jésus a donné sa vie pour nous, nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères », dit saint Jean.
Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire « donner sa vie » ?
Et bien, il y a dans la lettre aux Romains de saint Paul, un chapitre qui est très concret. C’est le chapitre 12. Il développe cette idée du don de soi, et je vous lis déjà le premier verset : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps, votre personne tout entière, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. » Autrement dit, être disciple de Jésus, être chrétien, ne peut pas être une simple adhésion du cœur. C’est aussi une adhésion du corps, c’est-à-dire de toute notre existence !
Et à la suite de ce chapitre 12 de la lettre aux Romains, saint Paul développe. Par quoi commence-t-il ? Il commence par le discernement : nous devons discerner « quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » En effet, à partir du moment où nous discernons la volonté de Dieu, nous savons ce que nous devons faire, nous savons comment nous engager en ce monde. C’est la base de tout ! Et pour discerner, bien sûr, nous devons prendre les moyens : la prière, la méditation de la parole de Dieu, les sacrements (cette vie qui nous nourrit), mais aussi d’accueillir le discernement de l’Église et en particulier les textes officiels de l’Église et je pense ici à l’Exhortation apostolique GAUDETE ET EXULTATE du pape François de 2018, qui est « un appel à la sainteté dans le monde actuel ». C’est vraiment un document qui est à lire ou à relire ! Il donne ainsi comme exemple de sainteté quotidienne, les aidants, ceux qui s’occupent des malades, des personnes âgées ou bien la maman qui se lève à trois heures du matin pour son enfant. Saint Paul dans sa lettre aux Romains développe évidemment l’amour du prochain, l’hospitalité, la générosité, le respect mutuel, l’humilité. Au fond, un don de soi dans toutes les relations que nous pouvons avoir.
Il ne parle pas spécifiquement du pardon, mais je voudrais néanmoins en dire un mot, car le pardon, justement, est une manière d’offrir sa vie. C’est le don supérieur : donner sa vie, dans l’humilité de demander pardon aux autres et aussi avec la force de pardonner. Autrement dit, savoir se pardonner mutuellement au quotidien pour les petites choses, car c’est ainsi que nous serons capables de pardonner pour les plus grandes ! Et au fond, peut-être qu’actuellement dans nos couples, dans nos familles, dans la société, nous avons perdu justement cette habitude de pardonner, de nous demander pardon. Bien entendu, il peut y avoir des blessures très profondes qui demandent plus de temps, qui demandent beaucoup de prière et nous ne pardonnons pas forcément du jour au lendemain, mais avec l’aide du Seigneur, nous pouvons y arriver !
Quoiqu’il en soit, dans ce pèlerinage, le sacrement du pardon est une grâce accordée par le Seigneur dont nous n’imaginons pas les fruits, parce qu’ils vont au-delà de ce que nous pensons, et par là le Seigneur nous fait grandir dans l’offrande de nos vies.
Il y a aussi un autre aspect que saint Paul développe dans sa lettre sur le don de soi, c’est de mettre les dons que nous avons reçus au service des autres. C’est aussi donner sa vie ! Que nous soyons mariés, célibataires, consacrés, chacun donnant sa vie de façon différente. On voit bien que ce sera aussi dans le temps de notre existence : une jeune maman ne donnera pas sa vie de la même manière que lorsqu’elle sera ensuite grand-mère ! Elle ne donnera pas sa vie de la même façon quand elle est en activité ou quand elle sera à la retraite ! Mais en tous les cas, tous ces dons que nous avons reçus et que nous mettons au service des autres, c’est cela qui forme ensemble le corps du Christ comme le dit saint Paul.
Avec cette phrase clef que donne saint Paul et qui peut être la conclusion pour nous : « Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur, ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière. » Au fond un petit résumé de l’attitude chrétienne qui nous dispose à remettre toute notre vie entre les mains du Seigneur, à tout donner, comme la veuve du temple, même si nos trois piécettes prennent des formes très différentes dans la vie de chacun, mais c’est toujours une dépossession de soi qui nous rend aussi disponibles à la grâce de Dieu et qui nous met vraiment au service des autres. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon