Is 40, 1-5.9.11 ; Ps 84 ; 2P 3, 8-14 ; Mc 1, 1-8
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Dans cette période de l’histoire de l’humanité marquée par les guerres, le terrorisme, les phénomènes météorologiques extrêmes, la deuxième lecture de saint Pierre que nous venons d’entendre n’est pas faite pour nous rassurer…
En effet, saint Pierre dit que lorsque le Seigneur viendra, à la fin des temps : « les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. (…) tout cela est en voie de dissolution. » C’est inquiétant, en effet… De nombreuses personnes voient déjà dans les conséquences du réchauffement climatique, le réarmement généralisé et l’évolution de nos sociétés, les prémices de cette annonce du retour du Christ. « Cependant, ajoute saint Pierre, le jour du Seigneur viendra comme un voleur », on ne sait ni le jour ni l’heure. Saint Ephrem (4e siècle) a écrit : « Bien que le Seigneur ait fait connaître les signes de son avènement, on ne voit pas clairement leur terme ; car ces signes, dans un changement constant, sont venus et sont passés, et ils durent toujours. » De fait, des guerres, des cataclysmes, il y en a toujours eu. Mais, si le Seigneur nous a donné des signes qui peuvent, à toutes les époques, être interprétés comme la proximité de son Avènement, c’est pour nous inviter à la vigilance et à la conversion, et cela à toutes les époques jusqu’à son Avènement glorieux à la fin des temps. En fin de compte, ce texte de saint Pierre n’est pas rassurant à première lecture, mais en fait c’est un encouragement, car il ouvre à l’espérance et à la conversion aussi.
Deux points m’ont particulièrement interpellé et que je souhaite partager avec vous.
Tout d’abord, saint Pierre annonce l’Avènement du Christ à la fin des temps en disant : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse. » Quelle promesse ? Il le dit à la fin : « Ce que nous attendons selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. » Même si nous ne savons pas concrètement comment cela se passera, nous comprenons que le Seigneur viendra établir son Règne de justice et de paix, son Règne d’amour pour toujours. Garder cette perspective en tête nourrit notre espérance, notre vigilance, notre conversion.
Cette attente nous paraît interminable puisque ces annonces faites par le Christ de son retour ont été écrites il y a plus de 2000 ans ! Saint Pierre nous rappelle à ce propos que : « pour le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans sont comme un seul jour. », car, pour Dieu, la notion de temps n’existe pas.
En revanche, le temps de la conversion, lui, existe et est nécessaire pour nous. Le Seigneur prend patience « car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. » Cette patience de Dieu exprime sa grande miséricorde à notre égard. C’est ce qui fait dire à saint Pierre que par notre conversion, nous hâtons la venue de son Règne ! Cela rejoint la prophétie d’Isaïe entendue en première lecture qui nous appelle à tracer une route pour notre Dieu. Nous pouvons reconnaître dans ces images d’obstacles à surmonter (terres arides, ravins, montagnes, collines, escarpements…) les épreuves et les défis de l’existence humaine. Dieu sait si dans notre vie personnelle, notre vie familiale, notre vie professionnelle, notre vie dans la société et entre les nations, il y en a des obstacles à surmonter !
On peut remarquer qu’il ne s’agit pas d’aplanir ces obstacles pour rejoindre Dieu, mais, à l’inverse pour que Lui puisse venir nous sauver, car Il ne peut pas venir dans les cœurs qui ne se sont pas préparés à la conversion !
L’appel à la conversion est donc le message qui nous est donné en ce deuxième dimanche de l’Avent, et en ce pardon de saint Corentin. Mais, de quelle conversion s’agit-il ?
Pour saint Pierre, c’est un appel à vivre « dans la sainteté et la piété », à tout faire « pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix. » Il ne s’agit pas de changer la face du monde, ce dont nous sommes incapables, mais plutôt notre comportement, notre état d’esprit, notre relation à Dieu et aux autres. Le pape François, dans son exhortation apostolique Gaudete et Exultate sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel, développe cette idée, et considère les textes des Béatitudes comme la carte d’identité du chrétien. Cela peut nous donner quelques pistes plus concrètes pour nous aider à discerner ce que nous devons convertir dans notre vie et plus particulièrement en ce temps de l’Avent :
Un appel à avoir un cœur pur. Je vois derrière l’importance de raviver notre désir de voir Dieu, d’être dans l’attente de sa venue par une prière plus intense, plus régulière, par le jeûne sous toutes ses formes qui nous rapproche du Seigneur,
Un appel à pleurer avec ceux qui pleurent c’est-à-dire une attention aux autres, une compassion, à l’encontre de l’individualisme ambiant qui se développe depuis des décennies dans notre société et dont nous ne sommes pas indemnes les uns et les autres,
Un appel à la douceur, à être artisans de paix. Nous pouvons, je pense, retenir cet appel à changer notre attitude face aux violences dont nous pouvons être auteurs ou victimes : violences conjugales, familiales, à l’école, entre élèves, envers les enseignants, sur les réseaux sociaux aussi, car par écran interposé, on peut être très violent, car il n’y a pas de filtre humain. On ne dirait pas la même chose si on était en face de l’autre !,
Un appel à avoir faim et soif de justice, dans le souci du bien commun, nous avons des droits à faire valoir, mais aussi des devoirs (de citoyens, d’État, familiaux, professionnels, religieux…) et par-dessus tout notre volonté d’étendre le Règne du Christ en ce monde.
Derrière l’appel à la conversion que nous adresse le Seigneur aujourd’hui, il y a un peu tout cela. Le temps de l’Avent est un moment favorable pour tracer la route qui permet au Seigneur de venir nous sauver.
En ces deux semaines qui nous préparent à la célébration de la Nativité du Seigneur, faisons tout notre possible pour poser des gestes qui marqueront notre désir de l’accueillir, notamment en recevant le pardon du Seigneur dans le sacrement de pénitence et de réconciliation.
Frères et sœurs, demandons à saint Corentin de nous soutenir par sa prière pour que notre Église de Quimper et Léon soit toujours active pour annoncer la Bonne Nouvelle du Christ dans l’attente de sa venue dans la gloire. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon