Les obsèques du père Job an Irien ont été célébrées en l’église Saint-Houardon de Landerneau dans l’après-midi du 5 février, en présence de 31 prêtres, de 2 diacres, et d’une foule de fidèles, parfois venus de loin. L’église de Tréflévenez étant trop petite pour accueillir autant de monde, la famille de Job an Irien avait choisi l’église de Landerneau pour la messe des funérailles, avant l’inhumation au cimetière de Tréflévénez.
En l’absence de Mgr Laurent Dognin, évêque de Quimper et Léon, c’est le chancelier de l’évêché, le chanoine Hervé Queinnec, qui a présidé la célébration, largement bilingue. Au début de celle-ci, après le chant d’entrée, Baradoz dudius, entonné avec ferveur, le chanoine Sébastien Guiziou, vicaire général, qui représentait l’Évêque du diocèse, a lu un message de Mgr Dognin, rappelant que Job an Irien « était une belle figure dans le diocèse [qui] nous a aidés à connaître et à aimer la langue et la culture bretonne et aussi à comprendre à quel point cette culture permettait d’enraciner notre foi dans les belles traditions chrétiennes de la Bretagne ».
Un autre évêque, Mgr Gérard Le Stang, originaire du Finistère, soulignait dans son message que le décès de Job an Irien « est une perte pour le diocèse de Quimper, et pour toute la Bretagne en fait. Par l’alliage entre sa vie de foi, sa spiritualité intense, son amour de la langue bretonne, et sa connaissance intime de la culture de notre pays, il a apporté comme aucun autre une contribution inestimable à l’évangélisation du Finistère. Il a aussi tissé des liens avec les autres nations celtiques, et permis beaucoup d’amitié avec des chrétiens nombreux, catholiques ou non. »
« C’était un homme bon et paisible, passionné, bien sûr. On n’était pas toujours d’accord avec lui, mais son esprit d’initiative, tout ce qu’il a fait pour les jeunes qu’il a formés et accompagnés, ses publications, ses pèlerinages, ses créations de cantiques, ses traductions liturgiques et tant d’autres apports, suscitent l’admiration. »
La nièce et la sœur de Job an Irien ont ensuite présenté son parcours, depuis sa naissance le 15 octobre 1937, dans la ferme de Koad Reun à Bodilis, dans une fratrie de cinq enfants, où tout le monde parle breton. Après une scolarité à l’école de Bodilis puis au collège Saint-Joseph de Landivisiau, il entre en 6e comme pensionnaire au Kreisker à Saint-Pol-de-Léon. Il prendra part aux fêtes du Bleun-Brug en 1954, et sera en lien avec les scouts Bleimor dont certains (notamment un certain Alan Cochevelou, futur Alan Stivell) séjourneront quelques jours chez les Irien, à Bodilis. À la fin de ses études, Joseph Irien s’oriente vers la prêtrise et entre au grand séminaire de Quimper. En juin 1962, il est ordonné prêtre et est nommé au petit séminaire de Pont-Croix, d’abord comme surveillant, puis comme professeur d’anglais. De 1966 à 1982, il est aumônier de l’enseignement public au lycée de l’Harteloire à Brest. Il sera également aumônier du Bleun-Brug. Entre 1982 et 1983, il séjourne plus d’un an à l’abbaye de Landévennec. C’est cette année-là qu’il compose la cantate Ar Marh dall (Le cheval aveugle).
En 1984, à la demande de Mgr Francis Barbu et du vicaire général Mathurin Gourvès, il créé le centre spirituel bretonnant du Minihi Levenez, à Tréflévenez. Il assure alors la catéchèse en breton aux collèges Diwan du Relecq-Kerhuon et de Guissény, ainsi qu’au lycée Diwan de Carhaix. Il publiera notamment le Leor an overenn hag ar zakakramanchou (missel avec rituel des sacrements, 1997), et An Testamant Nevez traduit du grec en breton par l’abbé Pierre Guichou (2002). Il organise des pèlerinages en Terre sainte, en Irlande, au Pays de Galles et en Cornwall. Il organise régulièrement un Tro Breiz et un Tro Sant-Paol, intergénérationnels. En 2007, pour son action en faveur de la langue et de la culture bretonne, il reçoit le collier de l’Hermine. En 2023, âgé de 86 ans et affaibli par la maladie, Job an Irien doit se retirer de Minihi Levenez, pour rejoindre la maison de retraite de Keraudren à Brest, où il décédera le dimanche 2 février 2025, en la fête de la présentation de Jésus au Temple.
Après cette présentation, la présidente de l’association Minihi Levenez Annaig Le Coz a évoqué Job an Irien et le Minihi. On trouvera par ailleurs le texte de son intervention.
La liturgie s’est alors poursuivie par le rite de la lumière, la déposition de l’aube et de l’étole sacerdotale sur le cercueil, ainsi que du Collier de l’Hermine, puis par un magnifique Kyrie malgacheg, en breton sur un air traditionnel malgache, entonné par la chorale Allah’s kana reconstituée pour l‘occasion.
Après la première lecture en français (1ère lettre de Saint Jean 3, 14.16-20), puis le cantique Klask a ran dremm an Aotrou, l’évangile (Luc 2, 22-32) fut proclamé en breton par le diacre Philippe Guillou, puis l’homélie donnée en breton et en français par le père Corentin Sanson.
Celui-ci a notamment rappelé que Job an Irien n’avait pas donné sa vie pour Dieu et la Bretagne, mais « pour Dieu et pour les gens ».
« J’ai lu ces jours-ci que Job avait donné sa vie pour Dieu et pour la Bretagne. Je sais que Job n’aimait pas ce genre d’expressions. Je ne crois pas que Job ait donné sa vie pour des idées, pour une cause, pour un idéal. Mais pour des personnes : il a donné sa vie pour Dieu et pour les gens. Dans les trente dernières années en tout cas (les années où je l’ai connu), je peux dire que je n’ai jamais vu Job porter un drapeau. Il a porté la parole, le Saint Sacrement, il a porté des personnes, il a porté la lumière de la foi qui le portait. Ar pez a gonte evid Job eo Jezuz hag an dud. Ar menoziou n’o deus ket ezomm da veza karet ; an dud o deus ezomm da veza karet, ha da c’houzoud ez int karet gand Doue. An dra-ze ya, a zo bet stourm Job : eur stourm speredel, denel, doueel.
Que les bretonnants puissent vivre leur foi dans leur langue. Pour les autres. Voilà son combat. Job a vécu l’interdiction du breton à l’école comme une sorte d’asphyxie. Il voulait que les bretonnants puissent simplement respirer et vivre, et surtout, qu’ils puissent entendre Dieu leur parler au cœur, et lui répondre avec le cœur : donc en breton. En ano ar garantez eo e-neus Job bevet, labouret ha strivet : dre garantez evid Doue hag e-neus karantez evid an dud.
A belec’h e teue da Job an doareou-ze ? Me gav din e teue justament euz e darempred tost ouz Doue. Rag eun den a bedenn a oa anezañ. Hag adarre, an dra-ze e neus rannet gand ar re all : desket e-neus deom pedi, daoulina dirag Doue : desket e neus deom, evel ma lâr sant Lukaz diwar benn Simeon, an « doujañs evid an Aotrou Doue ». Ha desket e neus deom pedi. »
Après la prière universelle en français, avec le refrain en breton, Selaouit Aotrou Doue pedenn ho pugale, la prière eucharistique alterna le breton et le français (pour faciliter la concélébration).
Lors le dernier adieu, le cantique Patronez dous ar Folgoad fut chanté avec ferveur par l’assemblée. Puis la chorale Allah’s kana accompagna de ses chants l’aspersion du cercueil de Job an Irien par les fidèles.
Après la messe des obsèques célébrée à Landerneau, une courte célébration en breton présidée par le père Corentin Sanson, accompagné du chanoine Queinnec, a rassemblé en l’église de Tréflévénez vers 17h15 les proches de Job an Irien, avant la bénédiction de la tombe puis l’inhumation du cercueil dans le cimetière, à quelques mètres du Minihi Levenez.