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An Añjeluz amzer Fask

Il existe plusieurs mélodies de l’angélus breton de Pâques, traditionnellement chanté du dimanche de Pâques au dimanche de Pentecôte.
La première des mélodies, parfois qualifiée d’air léonard, est antérieure à la Révolution française.

En effet, d’après un recueil manuscrit sans date, mais certainement antérieur à la Révolution, le cantique breton pour accompagner la récitation du Regina caeli au temps de Pâques a été composé par un M. Coadic. Sur cet auteur, à l’exception du nom, il a été impossible, jusqu’à présent, de découvrir le moindre renseignement [1]. Celui-ci s’était lui-même inspiré d’un cantique français aujourd’hui bien oublié, composé par Julienne Cuquemelle, dont le titre était : « La joye de la Sainte Vierge voiant son Fils ressucité [2]. »
Le Cantique de l’angélus de Pâques, sous sa forme actuelle, a été remanié [3] à la fin des années 1930 par le Père Barnabé (Tad Barnabe), capucin à Roscoff [4], pour être publié dans le recueil Kantikou brezonek. Eskopti Kemper ha Leon de 1942 :

An_anjeluz_amzer_fask_Barnabe
ParolesTraduction
1. Bezit laouen evid atao,
Rouanez bro an neñvou !
Lavarit buan kenavo
D’an drubuill ha d’an daelou :
Jezuz, ho Mab n’eo mui maro,
Kanom e veuleudiou !

2. Allelouia ! Pebez joa
Deoc’h-c’hwi, Mamm a garantez ;
Deom-ni ivez, Allelouia !
Pebez laouenedigez
E weled goude or prena,
Adarre leun a vuez !

3. Ya, Gwerhez sakr, bezit joaiuz,
Rag Jezuz, ho mab karet
’Zo savet beo hag evuruz,
Evel m’e-noa lavaret.
Grit, ni ho péd, Mamm druezuz,
Ma vim gantañ selaouet.

4. O va Doue, dre ho Mab kêr,
Da viken beo ha skeduz,
Ho peus karget ar béd peher
A levenez dudiuz;
Grit, dre Vari, e vamm dener,
Ma zaim d’ar vuez paduz.
1. Soyez heureuse pour toujours,
Reine des cieux !
Dites vite adieu aux tourments
Et aux larmes :
Jésus, votre Fils n’est plus mort !
Chantons ses louanges !

2. Alleluia ! Quelle joie,
Pour vous, mère aimante !
Pour nous aussi, Alleluia!
Quel bonheur !
Le retrouver, Lui, notre Sauveur,
de nouveau plein de vie.

3. Oui, Vierge sainte, soyez heureuse :
Jésus votre Fils tant aimé
Est debout vivant, rayonnant,
Comme il l’avait dit.
Vierge toute bonne, priez-Le :
Qu’Il écoute notre demande.

4. Mon Dieu, par votre Fils bien-aimé,
A jamais vivant et glorieux,
Vous avez comblé ce monde pécheur
D’une joie merveilleuse :
Faites, par Marie sa sainte Mère,
Que nous connaissions la joie.

Sur les mêmes paroles, une autre mélodie, avec un alléluia développé, est dite cornouaillaise (ton Kerne) :

An_anjeluz_amzer_fask_ton_kerne
1. Bezit laouen evid atao,
Rouanez bro an neñvou !
Lavarit buan kenavo
D’an drubuill ha d’an daelou :
Jezuz, ho Mab n’eo mui maro,
Kanom e veuleudiou !
Allelouia, Allelouia, Allelouia, Allelouia !
2. Allelouia ! Pebez joa …
Allelouia, Allelouia, Allelouia, Allelouia !
3. Ya, Gwerhez sakr, bezit joaiuz…
Allelouia, Allelouia, Allelouia, Allelouia !
4. O va Doue, dre ho Mab kêr…
Allelouia, Allelouia, Allelouia, Allelouia !

Certaines paroisses réservent le ton kerne aux deux dimanches de Pâques et de Pentecôte, et chantent l’angélus les autres dimanches du temps pascal sur le premier air. D’autres paroisses du Sud-Finistère chantent l’air dit cornouaillais tous les dimanches du temps pascal.

En Trégor et Haute-Cornouaille, les paroles de l’angélus de Pâques étaient différentes, et se chantaient sur l’air O Filii et Filiae [5] :

Angelus amzer Bask
Mari, Rouanez an Neñvou,
Dizec’het bremañ ouz ho tareou,
Ha silaouit hon c’hantikou, Alleluia !
Alleluia, alleluia, alleluia !
Ar Mab hoc’h eus gwechall douget,
War ar maro en deus trec’het,
Evel m’en devoa hel lâret, Alleluia !
Alleluia, alleluia, alleluia !
Mamm Jezus, leun a drugare,
N’ankoueet ket ho pugale,
Hag evidomp pedit Doue, Alleluia !
Alleluia, alleluia, alleluia !  [6]
Marie, Reine des Cieux,
Séchez maintenant vos larmes
Et écoutez nos chants, Alleluia !
Alleluia

Le fils que vous avez porté autrefois
Est victorieux de la mort,
Comme il l’avait annoncé, Alleluia !
Alleluia

Mère de Jésus, pleine de miséricorde,
N’oubliez pas vos enfants
Et priez Dieu pour nous, Alleluia !
Alléluia

Dans le diocèse de Vannes, c’est un troisième cantique qui était chanté à Pâques : Rouanéz an néanv

Rouanéz an néanv
Rouanéz an néañv, keméret joé,
Alleluia, alleluia,
Rag ar freh ag ho tigosté, (Rag ar frouez euz ho tigostez)
Alleluia, alleluia,
A zo saùet biù ag ar bé, (A zo savet beo euz ar bez)
Alleluia, alleluia,
Pedet eidom an Aotrou Doué,
Alleluia, alleluia,
Deoh, Gwerhiéz, joé ha leùiné, (joa ha levenez)
Alleluia, alleluia,
Jézus zo saùet ag ar bé, (savet euz ar bez)
Alleluia, alleluia.
Reine du Ciel, soyez dans la joie,
Alleluia, alleluia,
Car le fruit de vos entrailles,
Alleluia, alleluia,


S’est levé vivant du tombeau,
Alleluia, alleluia,
Priez pour nous le Seigneur,
Alleluia, alleluia,

A vous, Vierge, joie et allégresse,
Alleluia, alleluia,
Jésus s’est levé du tombeau,
Alleluia, alleluia.

Voir la partition sur le site An overenn santél du diocèse de Vannes
(on remarquera que la mélodie est identique à celle du cantique Kinnigom oll ar zakrifis, sauf pour les 4 dernières mesures)

Dans le diocèse de Nantes, l’antienne du Regina cœli se chantait sur une mélodie différente du ton grégorien (le Regina cœli nantais a donné, transposé en français, l’Alléluia Nantais : « Chrétiens, chantons Jésus ressuscité… » [7]) :

Regina cœ – li, laetare, Alleluia, alleluia. Alleluia, alleluia, alleluia !
Quia quem me-ru-is-ti portare, alleluia…
Resurrexit, si-cut dixit, alleluia…
Ora pro no – bis De-um, alleluia…

Notes :
[1] Eur Missioner Breizad [RP. Jean Bourdoulous, sj, 1855-1915], « Etude historique sur les cantiques bretons », Feiz ha Breiz, 1906, p. 302.
[2] Dont voici la première strophe : « Consolés-vous, Reyne des cieux, Finissez vos allarmes ; Ne permettez plus à vos yeux De répandre des larmes. Votre cher Fils est glorieux ; Il a repris ses charmes. » (Cantiques nouveaux sur les principaux mystères de nostre Religion, Par Julienne Cuquemelle. Morlaix, chez P. de Ploësquellec, 1713. 2e partie, page 73).
[3] La version antérieure de ce cantique, truffée de mots français, commençait par les mots « En em gonsolit evit mad » [Consolez-vous pour de bon]. Elle figurait dans un recueil de 1784 : Canticou spirituel evit usaich ar Missionou ; puis dans les deux recueils diocésains de Jean-Guillaume Henry (Yann-Wilhou Herri) : Kantikou Kemper ha Leon, choazet ha renket dre ghemenn an Aotrou ’n Eskop Sergent (Quimperlé, 1865), et de Jean-Marie Guillou (Yann-Vari Gwilhou) : Kantikou brezounek Eskopti Kemper ha Leon renket a nevez dre urz ann Aotrou ’nn Eskop Nouvel, publié en 1880, puis réédité en 1901 et 1908.
[4] Sébastien Le Hénaff, en religion « Père Barnabé, Tad Barnabe », capucin au couvent de Roscoff. Né à Plogonnec en 1873, mort en 1951. Auteur de cantiques bretons, et des recueils Kantigou ar mision (Lorient, impr. Le Bayon – Roger, 1929?) et Eun dibab Kantigou (Roscoff, Ar Vuhez Kristen, 1931).
[5] La mélodie a été reprise par un cantique français bien connu : « Chrétiens, chantons le Dieu vainqueur » (I 36), ainsi que par le cantique breton « Galvet da bréd » écrit par Visant Seite et Job an Irien (Muzikou Kantikou Brezoneg, Minihi levenez, 2011, p. 79).
[6] Kantigou Brezonek Eskopti Sant-Brieg ha Landreger gant an toniou war gan, Sant-Brieg, éd. Prud’homme, 1934, n°28, p. 34 : « Anjeluz amzer Bask ».
[7] Cote SECLI : I22-78 (auteur : Henri Babonneau ; Compositeur : Pascal Daniel).

Dossier établi par Hervé Queinnec