Après la publication du Journal des missions du Père Julien Maunoir en 2020, le Père Hervé Queinnec continue sur les traces du Tad Mad et nous propose ici un inédit du Bienheureux missionnaire « La Vie de Monsieur de Trémaria ».
Plusieurs cahiers répartis dans deux collections, les Archives départementales du Finistère et les archives de la famille de Kerdanet, constituent le manuscrit à l’origine de ce livre. Ils sont cités ou rapportés à plusieurs reprises dans les biographies des Pères Boschet (1697) et Séjourné (1895) consacrées au Père Maunoir. Cette publication nous donne désormais accès à l’intégralité du texte avec une écriture modernisée qui facilite la lecture sans la dénaturer. Les nombreuses notes de bas de page permettent d’appréhender le style du XVIIe siècle et aident à contextualiser les différentes maisons religieuses et les protagonistes de second plan. Nous découvrons ainsi entre les lignes la mise en place des Mission étrangères à Paris et son étroite relation avec les Pères Jésuites à cette époque.
Le récit se situe chronologiquement après le Journal des missions (1631-1650) principalement sur la période 1655-1674. Le sieur de Trémaria, Nicolas de Saludem (1619-1674), est un riche héritier de la famille de Kerazan en Cléden-Cap-Sizun. Jeune homme, il jouit des plaisirs de la vie et la richesse familiale lui permet d’acheter une charge de conseiller au Parlement de Bretagne à l’âge de 25 ans. D’une famille pieuse, sa mère prie pour sa conversion et use de ses relations auprès de l’évêque de Quimper pour l’organisation de missions au Cap offrant de cette manière outre la Bonne Parole aux Capistes, la possibilité pour son fils d’entendre ces célèbres missionnaires dont le Père Maunoir, qu’elle héberge. En 1655, la conversion tant attendue se réalise et le sieur de Trémaria devient alors un ardent compagnon du Père Maunoir jusqu’à sa mort à Pleumeur-Bodou en 1674.
Confesseur de premier ordre selon son maître, il joue également un rôle financier essentiel car les missionnaires se déplacent sur l’invitation des évêques, mais qu’en est-il du gîte et du couvert de plusieurs dizaines de missionnaires ? Ce manuscrit nous indique qu’à l’occasion de missions en Léon en 1673, par exemple, Monsieur de Trémaria procure « ce qui était nécessaire pour nourrir et entretenir 30 missionnaires un mois durant ». Le nombre de missionnaires cité illustre également l’importance qu’accordait Nicolas de Saludem à la formation de successeurs.
La continuité avec Michel Le Nobletz est régulièrement mentionnée. Monsieur de Trémaria utilise dès ses premières missions dans le Cap Sizun une ancienne soutane de Dom Michel, qui est réservée, on l’apprend plus tard, pour les jours solennels. La prophétie de Dom Michel sur l’arrivée de confesseurs qui sauraient faire face à l’Iniquité de la Montagne est également rappelée quand il s’agit des méthodes utilisées pour identifier au confessionnal les personnes ayant pactisé avec le diable. Le sieur de Trémaria use d’ailleurs de son éloquence pour faire valider par les théologiens parisiens la méthode pratiquée par les missionnaires en Basse-Bretagne.
Le Père Maunoir reste très discret dans son récit. Quand il doit se nommer, il parle « du père Jésuite son premier directeur ». La réédition à la suite du manuscrit de l’ouvrage de l’abbé Parcheminou, précédemment publié en 1937, permet de redonner sa place au maître et peut-être de mieux appréhender les interactions entre les deux hommes. Elle apporte également quelques éléments complémentaires sur Monsieur de Trémaria apportées par d’autres sources.
Désireux de ne pas « laisser se perdre la moindre parcelle des dons de Dieu », le Père Maunoir avait rédigé plusieurs manuscrits dont la publication, d’après le Père Joseph Le Jollec (sj), lui avait été refusée par ses Supérieurs : les vies de deux mystiques, Marie-Amice Picard et Catherine Daniélou, qui n’ont jamais été intégralement publiées ; des notes sur le Père Bernard (1585-1654), aujourd’hui perdues, une vie de Michel Le Nobletz, publiée en 1934 par le chanoine Pérennès, et enfin la vie de Monsieur de Trémaria, éditée en cette fin d’année.
Kristell Loussouarn
Julien MAUNOIR, Vie de Monsieur de Trémaria, prêtre séculier et missionnaire. Édition établie, annotée et présentée par le père Hervé Queinnec. Suivie de En Mission avec le Père Maunoir, Monsieur de Trémaria, 1619-1674, par l’abbé Corentin Parcheminou. Éditions À l’ombre des mots, novembre 2022, 217 pages – 20 €. |
Publié dans Église en Finistère, 34 novembre 2022, n°362, p. 28-29.