Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  28 mars 2025 — 3e vendredi de Carême — Prière pour les victimes d’abus au sein de l’Église — Cathédrale Saint-Corentin (Quimper) (29)

28 mars 2025 — 3e vendredi de Carême — Prière pour les victimes d’abus au sein de l’Église — Cathédrale Saint-Corentin (Quimper) (29)

Os 14, 2-10 ; Ps 80 (81) ; Mc 12, 28b-34

Frères et sœurs,

En ce jour où nous prions pour toutes les personnes victimes de violences sexuelles et d’abus de pouvoir et de conscience au sein de l’Église, il nous est bon d’entendre ce passage d’Évangile où Jésus nous rappelle comment nous devons nous comporter en ce monde pour être pleinement en communion avec lui et entrer dans la vie. Il résume tout cela en deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force (…) et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Jésus ajoute qu’« il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Le premier commandement concerne donc l’amour de Dieu. Le fait de préciser « de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » a pour but de montrer que c’est notre personne dans sa globalité qui est appelée à aimer Dieu. On ne peut pas aimer Dieu avec notre cœur, c’est-à-dire par notre foi, et ne pas l’aimer par notre force, c’est-à-dire par la manière de nous comporter dans nos activités, dans nos engagements, dans l’ensemble de nos relations.

Saint Jean dit bien : « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4, 20) C’est pour avoir transgressé ce commandement par leur comportement que certains ont commis des actes criminels.

Mais il ne faut pas nous croire trop solides en jugeant les autres, car la tentation existe pour tous. Saint Paul ne dit-il pas : « En effet, ma façon d’agir, je ne la comprends pas, car ce que je voudrais, cela, je ne le réalise pas ; mais ce que je déteste, c’est cela que je fais. » (Rm 7, 15) Et dans une autre lettre, il nous met en garde : « Celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber. » (1 Co 10, 12) Nous avons besoin de l’aide du Seigneur pour ne pas tomber et c’est précisément ce que nous demande Jésus : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation. » (Mt 26, 51)

Sans nous en rendre compte, l’importance et la cohérence de notre manière de vivre ce premier commandement de l’amour de Dieu risqueraient facilement de disparaître dans le quotidien de nos vies, car notre « chair est faible »… D’où l’importance pendant le Carême du jeûne et de la prière pour rendre toute sa place au Seigneur. Ainsi nous pouvons l’aimer vraiment par toute notre vie et nous sommes plus forts pour faire de l’Église une maison sûre et un lieu de salut pour tous, ce qu’elle n’a pas toujours été, bien au contraire, vis-à-vis d’un certain nombre de victimes.

Le deuxième commandement que Jésus cite : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est donc centré sur l’amour du prochain, le respect de la vie d’autrui et de ses biens, car tout cela est sacré pour Dieu.

J’ai évoqué des auteurs de violence qui étaient membres de l’Église, mais il faut aussi prier ce soir pour tous ceux qui ont pu subir des violences, dans leur famille, dans les établissements scolaires publics et privés.

Les études des diverses Commissions nationales ont bien montré que ces faits concernaient toute la société, mais il faut bien reconnaître que les conséquences sont pires encore lorsque ce sont des membres de l’Église qui agissent ainsi… autrement dit les laïcs, religieux, ou prêtres qui ont été appelés et envoyés pour donner la vie au nom du Christ. Ils étaient reconnus comme tels et ils ont fait exactement l’inverse vis-à-vis de personnes fragiles dont ces faits continuent de les faire souffrir depuis des décennies.

Évêques, prêtres et tous les chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes profondément affectés par ces crimes commis par des personnes en qui nous avons mis notre confiance et par le témoignage des victimes qui expriment leurs souffrances. La plupart de ces crimes ont eu lieu dans la deuxième moitié du 20e siècle, mais nous nous sentons toujours concernés même si les faits sont prescrits par la justice civile, car les victimes continuent de souffrir et nous devons les aider.

La plupart des auteurs de ces faits sont décédés, les évêques de l’époque aussi… mais en leur nom et au nom de l’Église, nous devons faire mémoire de ce qui s’est passé et reconnaître ces injustices. Cet acte de mémoire et de prière est une manière de leur manifester le pardon de l’Église. Demandons à Dieu de leur donner la Paix véritable qui seule peut apaiser leurs souffrances.

Bien sûr, le défi demeure de maintenir l’Église comme la Maison de Dieu, le Corps du Christ ! Car la fragilité humaine demeure comme je l’ai dit. Nous sommes tous concernés et responsables ne serait-ce que par notre vigilance de ce qui se passe en famille ou dans notre entourage… C’est aussi le témoignage que nous avons à donner de l’amour de Dieu.

Dans le diocèse, nous avons mis en place une Commission permanente chargée d’écouter et d’accompagner les victimes, de former les acteurs de la Pastorale pour la prévention.

Mais, l’appel vigoureux du Christ nous est adressé à tous comme un appel à la conversion pour que notre amour de Dieu et notre amour du prochain ne cessent pas de grandir. Nous en avons la responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes, de nos proches, des autres membres de l’Église, mais c’est aussi pour nous un devoir impérieux vis-à-vis de la Société, car le Christ nous a confié la responsabilité de faire connaître au monde la Bonne Nouvelle du Salut et de donner le témoignage concret de son amour miséricordieux.

Ne perdons pas courage, frères et sœurs, le Seigneur aide son Église à devenir toujours plus sainte. Si nous sommes fidèles à sa parole, Jésus peut nous dire comme au scribe de l’Évangile que nous ne sommes pas loin du Royaume de Dieu. Il nous aide à nous convertir par le don de sa vie sur la Croix, cette vie qu’Il continue de nous offrir dans l’Eucharistie que nous célébrons ce soir. Amen.

† Laurent DOGNIN 
Évêque de Quimper et Léon