Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  19 janvier 2025 — 2° TO — Année C — Église Saint-Houardon — (Landerneau) (29)

19 janvier 2025 — 2° TO — Année C — Église Saint-Houardon — (Landerneau) (29)

Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

Comme je l’avais exprimé au début de cette messe, nous sommes entrés dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, afin que tous les chrétiens du monde, quelle que soit leur confession, puissent être unis autour du Christ. Mais nous voyons bien que, dans notre propre Église, nous avons aussi à relever ce défi de la communion.

Avec les trois textes que nous avons entendus, je voudrais méditer avec vous sur le mystère de l’Église qui n’est pas seulement une institution humaine, comme nous le savons, même si elle est formée d’êtres humains avec leurs faiblesses, elle est vraiment divine. Ces textes nous révèlent trois aspects essentiels : tout d’abord la source de l’unité de l’Église, ensuite, la manière dont cette source irrigue tout le corps de l’Église — donc chacun de nous —, et enfin l’appel à la conversion et à nous engager à la suite du Christ pour construire cette unité avec Lui.

La source de l’unité de l’Église, c’est évidemment, le Seigneur lui-même. C’est Dieu qui est à l’origine et c’est le Christ qui a fondé l’Église. J’aime particulièrement cette expression tirée du livre d’Isaïe : « Ton bâtisseur t’épousera. ». Magnifique expression qui exprime justement la source de toute notre vie d’Église et qui se manifeste par l’amour divin.

Le terme « bâtisseur » me rappelle une parole de Jésus : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15, 5) Et il est vrai que réaliser l’unité de l’Église est un défi humainement impossible, car nous ne nous choisissons pas dans l’Église. Nos fragilités humaines, nos différences d’opinions politiques, de sensibilités religieuses ou liturgiques, nos choix pastoraux sont autant de paramètres complexes, souvent sources de divisions. Nous le constatons déjà au niveau de la société, dont la gouvernance est aujourd’hui compliquée, et à la seule échelle humaine, cette unité semble inatteignable.

C’est Dieu seul qui a la puissance (osons utiliser ce mot) de rassembler des personnes différentes dans un projet commun pour le bien de tous, qui est l’histoire du Salut, c’est ce que le Seigneur appelle son Royaume. Donc le Seigneur est bâtisseur. Il bâtit son Église, mais pas seulement, « il t’épousera » affirme le prophète. Ces épousailles ont été réalisées évidemment par l’incarnation : Dieu s’est fait homme au milieu de nous. Saint Paul, dans sa lettre aux Éphésiens, dit que l’Église est l’épouse du Christ. (Ep 5, 25-27) Christ en est évidemment la tête. Ce n’est donc pas une puissance qui s’impose aux hommes, mais une œuvre d’amour, qui suppose une adhésion personnelle de chacun. Cette adhésion, nous la manifestons par notre foi et par notre fidélité dans notre vie d’Église.

La foi n’est pas seulement individuelle. Le Christ est venu « rassembler dans l’unité, les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52), comme le dit saint Jean. Cela nous amène au deuxième point que développe saint Paul dans la deuxième lecture : la manière dont cette source irrigue le corps de l’Église et favorise cette communion, cette unité.

« À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. » Il développe la notion de charisme et la manière dont Dieu permet à chacun de développer ce don de Dieu en les mettant en œuvre au service des autres. Mais pas n’importe comment. Comme le Christ est la tête de l’Église, garant de son unité, de sa cohésion, de sa communion, le prêtre est bien là aussi au nom du Christ, pour permettre à chacun de trouver sa place dans la communauté chrétienne et de mettre les dons reçus de l’Esprit Saint au service de tous dans une certaine harmonie.

Le Synode romain, qui s’est terminé récemment, dit dans son document final : « C’est la présence de Celui [Celui avec un C majuscule, donc le Christ], qui, en donnant l’Esprit Saint, continue à susciter en son peuple une unité qui est l’harmonie des différences. » Cette harmonie des différences ne peut venir que de Dieu et concerne tout le monde. Comme le dit encore saint Paul dans un autre passage de sa lettre aux Corinthiens, onne peut jamais dire à quelqu’un : « je n’ai pas besoin de toi. » (1Co 12, 21) Dans l’Église, chacun a un rôle à jouer.

Il est indéniable qu’aujourd’hui, la tâche des prêtres est rendue beaucoup plus difficile, car notre société est divisée, et même fracturée pour reprendre l’expression des sociologues. Et cette réalité se répercute évidemment dans l’Église aussi, puisque nous sommes dans cette société et que nous n’échappons pas toujours à ces dérives, et aux idéologies qui la traversent. Les trois missions du prêtre — annoncer l’Évangile, célébrer les sacrements, rassembler et conduire le peuple qui lui est confié par le Seigneur — sont devenues beaucoup plus difficiles dans notre société sécularisée. Il est donc plus que jamais nécessaire pour chacun de nous de mettre ses charismes au service de la mission de l’Église et de soutenir vos prêtres en les aidant à être des rassembleurs, à construire l’unité et la cohésion de l’Église et évidemment déjà à prier pour eux. C’est également dans cette perspective que je publierai bientôt des orientations diocésaines pour nous permettre de marcher ensemble dans une même direction.

Et cela m’amène au troisième point que m’inspire ce passage de l’Évangile des Noces de Cana. Ce passage de l’Évangile nous lance un appel à la conversion et à nous engager à la suite du Christ. Cet épisode est une grande source d’espérance pour l’Église. C’est le premier signe que Jésus a donné, et il l’a donné au cours d’une fête, et pas n’importe quelle fête : un mariage. Jésus prend la place de l’époux en offrant le vin de la fête, symbole de joie, alors que le vin de la joie apporté par l’époux humain a été vite épuisé. Mais, avec Jésus, tout est possible ! Cela rejoint la parole d’Isaïe : « Ton bâtisseur t’épousera. Tu seras la joie de ton Dieu. » Cette joie, cette fécondité ont été permises par deux interventions. D’abord, celle de la Vierge Marie qui dit aux serviteurs « Faites tout ce qu’il vous dira. ». Mais, aussi (et nous l’oublions quelquefois) celle des serviteurs eux-mêmes qui ont mis leur foi dans la parole de Jésus et, qui ont servi cette boisson, malgré l’absurdité apparente de la demande, remplissent les cuves destinées aux ablutions rituelles pour donner à boire aux invités ! Nous ne l’aurions jamais fait nous-mêmes !

Nous voyons déjà cet appel à la conversion sur différents aspects. D’abord de grandir dans la foi en Jésus, bien sûr car croire dans la parole du Christ est essentiel. C’est lui qui est la tête de l’Église. C’est lui qui rassemble. C’est lui qui unit. C’est lui qui fait la communion, en particulier par le don de son Esprit, mais aussi par les sacrements, en particulier l’Eucharistie. D’ailleurs, dans les orientations que je donnerai cette année, la question de la formation sera centrale pour enraciner notre foi dans le Christ et être capables d’en témoigner.

La parole de la Vierge Marie  « Faites tout ce qu’il vous dira. » nous invite à nous laisser habiter, nourrir par la Parole du Christ et nous y engager en nous mettant au service des autres. Sans cela, il n’y a pas d’unité possible, que ce soit dans nos paroisses ou avec les chrétiens d’autres confessions. Le Christ seul peut nous unir, à condition bien sûr, de nous mettre à son service et de grandir dans cette foi.

En conclusion, je dirais que pendant que votre curé est en temps sabbatique pour quelques semaines, il me semble important que toute la communauté chrétienne de Notre-Dame de Tout Remède en Pays de Landerneau saisisse cette opportunité pour mettre le Christ et sa Parole au cœur de notre vie, pour accueillir davantage l’appel du Seigneur à mettre nos dons, reçus de l’Esprit Saint, au service du bien, au service des autres. Un temps aussi pour soutenir les prêtres dans leur mission. Prions avec ferveur afin d’accueillir de façon renouvelée la grâce de l’unité. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon