Une interruption dans la succession des dimanches ordinaires aujourd’hui et la lecture de l’Evangile selon saint Marc. La liturgie célèbre aujourd’hui la Présentation du Seigneur au Temple de Jérusalem. Dans les évangiles c’est saint Luc qui a raconté la présentation, le « huitième jour » après sa naissance, de Jean Baptiste au Temple pour la circoncision, qui donne lieu à la bénédiction de Zacharie son père. Jean sera pour Luc le messager chargé de préparer la venue du Seigneur. Plus tard c’est Jésus qui lui aussi sera présenté au Temple par ses parents pour être circoncis. Et ce sont deux prophètes, Syméon et Anne, qui prendront le relai pour la bénédiction.
Le prophète Malachie au 5e s avait annoncé la venue et la manifestation du Messie dans le Temple.
Voici que j’envoie mon messager pour qu’il prépare le chemin devant moi ;
et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez.
Le messager de l’Alliance que vous désirez,
le voici qui vient, – dit le Seigneur de l’univers.
Qui pourra soutenir le jour de sa venue ?
Qui pourra rester debout lorsqu’il se montrera ?
Car il est pareil au feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs.
Il s’installera pour fondre et purifier : il purifiera les fils de Lévi,
il les affinera comme l’or et l’argent ;
ainsi pourront-ils, aux yeux du Seigneur,
présenter l’offrande en toute justice.
Alors, l’offrande de Juda et de Jérusalem sera bien accueillie du Seigneur,
comme il en fut aux jours anciens, dans les années d’autrefois.
Ml 3 1-4
Après le retour d’exil et la reconstruction du Temple, Malachie est désolé de voir s’y dégrader le culte chez les prêtres et les fidèles, ainsi que l’injustice toujours renaissante au sein du peuple. Comment Dieu pourrait-il accueillir les offrandes et les prières célébrées dans un tel contexte ? Le messager de l’Alliance viendra dans le Temple, dit le prophète, pour dénoncer les infidélités d’Israël. Il est facile d’établir un lien entre ce que dit Malachie et des épisodes dans les évangiles où il est question du rapport qu’entretenaient Jean-Baptiste et Jésus avec le culte du Temple. Comme Jean, Jésus dénoncera les dégradations formalistes et commerciales du culte qu’on y célèbre. Il viendra enseigner dans le Temple et chasser avec violence les animaux ainsi que les commerçants qui en ont fait une « maison de trafic », « une caverne de bandits » comme le racontent les quatre évangiles. Il y fera même des guérisons et y laissera s’exprimer la joie des enfants, au scandale des chefs des prêtres et des scribes. (Mt 21, 12-17)
Saint Luc raconte dans son style imagé les événements qui se sont déroulés au Temple : quarante jours après l’accouchement de Marie, les rites de purification, et après la naissance de Jésus son premier-né, sa présentation à Dieu par ses parents ainsi que sa consécration. Ils venaient présenter aussi en offrande pour le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes. C’était là l’offrande des pauvres (Lv 1,8).
Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification,
les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur,
selon ce qui est écrit dans la Loi :
Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur.
Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur :
un couple de tourterelles ou deux petites colombes.
Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon.
C’était un homme juste et religieux, qui attendait la Consolation d’Israël,
et l’Esprit Saint était sur lui.
Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort
avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur.
Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple.
Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus
pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait,
Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant :
« Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut
que tu préparais à la face des peuples :
lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »
Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui.
Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère :
« Voici que cet enfant provoquera la chute
et le relèvement de beaucoup en Israël.
Il sera un signe de contradiction
— et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – :
ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. »
Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser.
Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage,
demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Elle ne s’éloignait pas du Temple,
servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière.
Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu
et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la loi du Seigneur,
ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth.
L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse,
et la grâce de Dieu était sur lui.
Lc 2, 22-40
Il y a de nombreux détails symboliques dans le texte de Luc : les chiffres, les rites, les expressions de louange, les rencontres surtout auxquelles la démarche des parents a donné lieu. Une rencontre et un passage de relais entre le premier et le second Testament. Syméon et Anne, comme Marie et Joseph sont des pauvres, des humbles du premier Testament. Ils représentent le petit reste d’Israël annoncé par le prophète Sophonie : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. Ce reste d’Israël ne commettra plus d’injustice ; ils ne diront plus de mensonge ; dans leur bouche, plus de langage trompeur. Mais ils pourront paître et se reposer, nul ne viendra les effrayer. » (3, 12-13) Ils viennent présenter au cœur de Jérusalem, dans le Temple, celui qui vient comme Messie et Sauveur d’Israël, et qui sera signe de division : certains se réjouiront devant ses prises de position, son comportement, ses dénonciations, ses annonces de salut, d’autres le rejetteront et le feront mourir. Ils transperceront son corps crucifié ainsi que le cœur de sa mère.
L’extrait de la lettre aux Hébreux que nous lisons aujourd’hui est un résumé saisissant des deux grands mystères chrétiens : l’incarnation et la rédemption.
Puisque les enfants des hommes ont en commun le sang et la chair,
Jésus a partagé, lui aussi, pareille condition :
ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l’impuissance
celui qui possédait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable,
et il a rendu libres tous ceux qui, par crainte de la mort,
passaient toute leur vie dans une situation d’esclaves.
Car ceux qu’il prend en charge, ce ne sont pas les anges,
c’est la descendance d’Abraham.
Il lui fallait donc se rendre en tout semblable à ses frères,
pour devenir un grand prêtre miséricordieux et digne de foi
pour les relations avec Dieu, afin d’enlever les péchés du peuple.
Et parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion,
il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve.
Hé 2, 14-18
Comme ses parents, comme Syméon et Anne, Jésus est présenté comme un être humain tout comme les autres, avec une nature de chair, de sexe et de sang, en tout semblable à ses frères, semblable à Dieu, miséricordieux et fidèle. Unique grand-prêtre de l’Alliance nouvelle, il offrira en sacrifice son propre corps qui sera le temple nouveau (Jn 2, 21). Son offrande s’accomplira « en toute justice », car au lieu d’offrir pour les autres du sang de colombes et de tourterelles, il offrira le sang de sa propre mort, il offrira sa personne et sa pauvreté comme une colombe de paix aux ailes étendues et clouées sur une croix.
Et voilà qu’entre ses bras, Marie,
Syméon contemple son avenir dans le visage de ton enfant.
Jésus est notre avenir ; il est celui qui vient à nous, qui ne cesse de venir.
Il n’est pas seulement l’avenir d’Israël,
mais celui des nations, de tous les peuples, d’hier et d’aujourd’hui.
Et cela Syméon le voit et toi tu le vois dans ses yeux.
Et Joseph le voit dans les tiens.
Ainsi commence la longue chaîne des témoins
qui répètent le soir avant de se coucher les mots de Syméon :
« Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples :
lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. »
Le Père est là, le Fils est présenté au temple, et l’Esprit Saint est là aussi.
Je ne sais si tu le perçois, mais dans tes bras, Marie, toute l’humanité est présentée à Dieu,
consacrée dans la consécration de ton enfant.
Anne Lécu
Evangile selon saint Luc – Lc2, 22-40