So 3, 14-18a ; Cantique Is 1 2 ; Ph 4, 4-7 ; Lc 3, 10-18
Frères et sœurs,
Le pardon de saint Corentin, qui est la fête patronale du diocèse, tombe cette année le jour du dimanche de Gaudete, c’est-à-dire dimanche de la joie. En ce temps de l’Avent, nous accueillons cet appel à la joie dans une période de l’histoire de notre pays et de notre humanité qui n’inspire pas spontanément la joie, entre les guerres et les catastrophes naturelles comme on vient de le voir à Mayotte.
Mais évidemment de quelle joie parle-t-on ?
Nous allons voir qu’il y a là, en fait, un message qui est à recevoir en cette période tourmentée de l’histoire, car il peut changer beaucoup de choses dans notre vie et dans le témoignage d’espérance qu’avec l’aide du Seigneur nous pouvons donner dans nos engagements pour mettre un peu de joie et d’espérance en ce monde.
Les mots sont forts : « Pousse des cris de joie… […] Éclate en ovations… […] Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie… » nous dit le prophète Sophonie. « Soyez toujours dans la joie… » nous dit saint Paul. Ces appels peuvent nous paraître même exagérés ou relever de la méthode Coué, qui consiste à se persuader que nous sommes dans la joie, à défaut d’y être vraiment. Dans le cas présent, il ne s’agit pas du tout de cela !
Alors de quoi s’agit-il ?
En fait, ces textes nous appellent à entrer dans une véritable démarche spirituelle qui engage toute notre personne et ils nous indiquent un bon chemin à suivre pour nous laisser habiter par la joie qui vient de Dieu et pour la répandre.
Dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, marqué par la violence sous toutes ses formes, personnelles et collectives, il me semble pertinent d’explorer ce chemin qui mène à la joie du Seigneur. Et j’ai repéré dans ces textes trois étapes que je vais développer : premièrement, un appel à la conversion et à accueillir le pardon de Dieu. Deuxièmement, un appel à raviver notre foi et l’accueil du Seigneur dans notre vie. Troisièmement, un appel à nous engager à être des témoins de l’amour de Dieu.
D’abord un appel à la conversion et à accueillir le pardon de Dieu.
Dans l’Évangile de ce jour, Jean-Baptiste intervient clairement dans cette première étape en proposant un baptême de conversion et en invitant les foules à trois choses : partager avec les plus démunis, agir avec justice vis-à-vis de ceux dont nous sommes responsables, et ne faire violence à personne. Violence qui peut être physique, mais pas uniquement, car on peut élargir aux violences que nous percevons aujourd’hui : violences verbales ou sur les réseaux sociaux qui, nous le constatons, peuvent conduire au pire.
Jean-Baptiste appelle à la conversion, car il est venu pour préparer le peuple à accueillir Jésus. Dieu qui vient nous sauver. Mais le Seigneur ne peut pas venir dans un cœur qui est égoïste, injuste et violent. Cette première étape est donc nécessaire et elle nous prépare à accueillir le pardon du Seigneur comme l’annonce le prophète Sophonie : « Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi. Il a écarté tes ennemis. » Ces ennemis que nous pouvons interpréter comme le mal qui peut habiter notre cœur et dont Dieu seul peut nous délivrer.
En cette première étape, nous pouvons donc retenir un appel non seulement à renoncer au mal, mais à accueillir le sacrement de pénitence et de réconciliation qui en délivre. Et cela nous prépare à l’étape suivante qui est l’accueil de la joie du Seigneur.
Saint Paul le dit bien pour cette deuxième étape : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur. » Ce n’est donc pas n’importe quelle joie et celle-là ne vient pas des circonstances de la vie, il s’agit d’un don de Dieu qui est à accueillir. Comme le dit Sophonie : « Le Seigneur est en toi, c’est lui le héros qui t’apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse. »
Ce don de Dieu, Jean-Baptiste l’annonce quand il dit en parlant de Jésus : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » Le feu donc qui nous purifie de tout ce qui nous entrave dans notre amour du prochain, comme nous l’avons vu dans l’étape précédente, et l’Esprit Saint qui est ce don de Dieu qui se manifeste de différentes manières comme saint Paul le décline dans sa lettre aux Galates : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23)
C’est ce que Sophonie annonce quand il dit, que le Seigneur ne nous « renouvellera pas son amour. »
Et ce renouvellement apporte de la joie. La joie qui vient du Seigneur et de ce qu’il accomplit en nous. À l’approche de Noël, nous préparons les fêtes afin qu’elles nous apportent de la joie personnelle et familiale. Mais il est bon d’accueillir ces appels du Seigneur qui nous montrent que la vraie joie ne vient pas de ce qui brille, des cadeaux et des bons repas, même si tout cela a aussi du bon. La vraie joie est cet amour indicible que le Seigneur nous donne pour que nous le fassions fructifier en nous et dans nos relations humaines.
Alors, comment vivre pleinement cette deuxième étape de l’accueil de la joie du Seigneur dans notre vie ?
Déjà en prenant davantage de temps pour la prière, notamment durant ce temps de l’Avent. Saint Paul nous le dit clairement : « … En toute circonstance, priez et suppliez, […]. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » La prière nous fait grandir dans la joie du Seigneur et dans l’amour du prochain et c’est en cela qu’elle ouvre à un engagement.
C’est la troisième étape. Car la joie du Seigneur nous entraîne à nous engager en mettant ces dons reçus au service des autres. « Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes » nous dit saint Paul. Au fond, le renouvellement de notre amour annoncé par Sophonie nous pousse à transformer nos relations humaines. Relations conjugales, relations familiales, relations avec tous ceux que nous côtoyons de près ou de loin.
Nous voyons bien que ces trois étapes par lesquelles le Seigneur nous fait cheminer vers la vraie joie sont à vivre comme un processus. Et nous devons croire que dans le contexte que j’ai évoqué au début d’un monde qui a perdu ses repères, il est urgent de prendre pour chacun de nous ces paroles du Seigneur au sérieux, car elles sont la clef du vivre ensemble avec tous dans la paix, le respect, l’attention aux autres et en particulier les plus fragiles et à ceux qui souffrent de tout cela.
Frères et sœurs,
Que ce temps de l’Avent en cette fête patronale du diocèse soit l’occasion pour chacun de nous de vivre ce chemin vers la joie et que la prière de saint Corentin nous soutienne et entraîne toute notre Église de Quimper et Léon dans ce renouvellement personnel et communautaire pour le bien de tous les habitants de ce département. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon