Is 40, 25-31 ; Ps 102 (103) ; Mt 11, 28-30
Chers amis,
Les textes que nous venons d’entendre n’ont pas été choisis spécialement pour l’occasion de cette fête de sainte Geneviève de la Gendarmerie, mais ils abordent un aspect important de votre métier de gendarme, c’est la force morale face aux situations difficiles, voire éprouvantes, que vous pouvez rencontrer lors de vos interventions.
Évidemment, vous avez une bonne formation pour ça, mais je dirais que nous restons humains. Nous avons tous nos fragilités. Et par votre métier vous êtes confrontés fréquemment, au moins certains d’entre vous, aux violences familiales, à des délits de toutes sortes et sans doute de plus en plus à la violence des réactions lorsque vous devez verbaliser. Il faut tenir le coup humainement.
Et si, en plus de cela, vous avez vous-même des épreuves personnelles ou familiales à porter, c’est sans doute beaucoup plus difficile à vivre. Donc la force morale est essentielle. Il est évident que vous êtes formés pour cela comme je le disais et votre force morale se renforce aussi avec l’expérience au fil des années.
Mais ces textes de la Bible évoquent une autre force qui, elle, est donnée par Dieu en réponse à notre foi et notre confiance en Lui. Dans la première lecture, le prophète Isaïe évoque la réaction d’une personne qui n’est pas croyante et qui affirme que Dieu n’intervient pas dans sa vie. Je cite « Mon chemin est caché au seigneur. Mon droit échappe à mon Dieu ».
Pour répondre à cet argument, le prophète rappelle que Dieu a créé tout ce qui existe et que rien ne lui échappe sur cette terre. Mais il affirme en plus que Dieu n’est pas indifférent à ce que nous vivons et qu’il manifeste son amour pour chacun de nous quand il dit : « Il rend des forces à l’homme fatigué. Il augmente la vigueur de celui qui est faible. » Cela veut dire que Dieu prend soin de nous. Évidemment, il ne s’impose pas à nous. Cela suppose de notre part un acte de foi, un acte de confiance. Il le dit plus loin « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles ».
On remarque dans ce passage d’Isaïe que Dieu ne supprime pas les difficultés et les épreuves qui sont liées à notre condition humaine, et malheureusement aussi à notre péché, qui lui dépend donc de notre responsabilité. Mais il nous donne la force de les supporter si nous mettons en lui notre foi.
Sainte Geneviève nous laisse un beau témoignage de cette force divine que donne le Seigneur puisque devant le grand danger qui menaçait les Parisiens, elle n’a pas seulement eu la force morale pour les encourager, et qui était due à sa personnalité et à sa situation sociale. Elle les a surtout fait prier et a ainsi obtenu par cette force divine que ces derniers ne quittent pas la ville face aux troupes d’Attila. Comme elle le dit elle-même : « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications. » Et c’est ce qui a permis de préserver la ville.
Plus tard en 465, elle a réussi à contourner le blocus de Childéric 1er en permettant de ravitailler Paris avec du blé venant de Brie et de Champagne par des bateaux sur la Seine et c’est encore par la prière et par sa foi profonde qu’elle y est parvenue, malgré les nombreux problèmes qu’elle a rencontrés en cette période de conflits. Certains bateaux ayant failli couler.
La force divine ce n’est pas une fiction, car, dans la situation du monde actuel plutôt anxiogène, beaucoup en font l’expérience. Je pense en ce moment aux chrétiens du Moyen-Orient ou aux chrétiens de certains pays d’Afrique où ils sont persécutés. Mais ils tiennent le coup en continuant à prier et à aider les autres. Comme le dit Tertullien « la prière n’écarte pas la souffrance, mais elle forme par la patience. »
Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus incarne justement l’amour de Dieu qui prend soin de nous lorsqu’il nous dit : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous procurerai le repos » et ce n’est pas n’importe quel repos bien sûr puisqu’il précise un peu plus loin « vous trouverez le repos… de votre âme ».
Qu’est-ce qu’il entend par là ?
Eh bien, c’est cette paix intérieure, cette sérénité qui permet justement de surmonter nos peurs et de tenir la tête haute.
Je suis frappé de constater que depuis deux ans nous accueillons de plus en plus d’adultes qui demandent le baptême, et aussi d’adultes déjà baptisés enfants, mais qui avaient pris de la distance avec l’Église et qui reviennent pour recevoir le sacrement de confirmation. Et en lisant les lettres dans lesquelles ils me demandent ce sacrement, ils expriment souvent cette paix intérieure, cette sérénité, cette joie qu’ils ont trouvée dans la foi face aux difficultés qu’ils rencontrent. C’est cela que nous pouvons appeler cette force divine qu’ils éprouvent dans leurs expériences personnelles pourtant très diverses.
En cette fête de sainte Geneviève de la Gendarmerie nous pouvons retenir cet appel de Jésus à venir à Lui, car nous avons beaucoup à gagner à nous laisser toucher par l’amour de Dieu. Cet amour qu’il nous manifeste lorsque nous mettons en lui notre foi. Encore une fois, « Ceux qui mettent leur espérance dans le Seigneur trouvent des forces nouvelles. »
Et c’est si important d’expérimenter ces forces nouvelles que nous donne le Seigneur dans ce monde qui a perdu la boussole de l’espérance. Et vous les gendarmes, vous êtes cette référence morale et vous avez l’autorité qui permet à la population de tenir bon. Vous avez donc aussi besoin de tenir bon vous-même. C’est pourquoi en ce jour de fête nous prions pour que Dieu, qui prend de soin de nous, vous donne sa force en toute circonstance. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon