Signe du Christ serviteur dans l’Église et dans le monde. Voilà la description qui peut être faite du diacre. « Le diacre déploie son ministère, à côté du Christ pasteur, représenté par les prêtres et l’évêque, explique Pierre Blanc, diacre et délégué diocésain au diaconat. Pendant longtemps, nous avons cherché des représentations de la figure du diacre et souvent, on faisait le parallèle avec le lavement des pieds. Pourtant, je crois que le service du diacre consiste à agir sur la volonté d’un autre. Le Christ est serviteur à Gethsémani : ‘Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne.’ (Lc 22, 43). Dans le chapitre 6 du livre des Actes des apôtres, on peut lire qu’ils répondent à un besoin qui ne vient pas d’eux. »
Aujourd’hui, le diocèse compte 46 diacres, parmi lesquels neuf viennent d’autres diocèses en France mais aussi ailleurs dans le monde. « Lorsque j’ai été ordonné en 2007, nous étions 19 », confie Pierre Blanc. Dans les années 80, les mouvements d’Église étaient de ceux qui interpellaient des hommes pour réfléchir au diaconat. Aujourd’hui, ce sont les curés, les équipes pastorales principalement. « On repère des hommes dans la vie paroissiale qui ont une pratique régulière. Leurs noms sont transmis à l’équipe diocésaine du diaconat permanent et nous leur proposons de rentrer dans un chemin de discernement, en couple pour les hommes mariés, seul pour les hommes célibataires. L’objectif de cette année de discernement est de vérifier si l’interpellation arrive au bon moment ou si l’homme est vraiment appelé au diaconat permanent. » Une interpellation dont se souvient encore Michel Sinquin, ordonné diacre en 1991. « J’ai perçu cette demande d’une manière heureuse. Je me suis dit que le Christ m’appelait, moi petit bonhomme. J’ai découvert le bonheur d’être serviteur. »
Devenir diacre engage toute la personne de l’homme ordonné. S’il est marié, cela engage également l’épouse, les enfants. « Pour que cet engagement soit bien vécu, il est nécessaire que l’épouse en ait perçu tous les aspects et qu’elle trouve sa place pour être un soutien et une lanceuse d’alerte lorsque c’est nécessaire. C’est pour cela que les épouses suivent, autant que possible, le parcours de formation », ajoute Pierre Blanc. Parfois, l’épouse est même la première interpellée, comme pour Maryse Jourdain. « Lorsqu’on est venu me voir pour me proposer de cheminer vers le diaconat, j’ai su que mon épouse était déjà au courant, raconte Jean-Louis Jourdain. Maryse n’était pas du tout dans l’Église et l’équipe d’accompagnement avait eu la délicatesse de lui demander avant si elle acceptait que l’on m’interpelle. Au bout d’un an, elle a vécu quelque chose de personnel dans sa foi. À partir de là, nous étions sûrs d’aller au bout du cheminement. »
« Nous nous sommes rappelés que le Seigneur nous avait d’abord appelés au sacrement du mariage. Ce nouvel appel ne pouvait pas être en contradiction avec le premier. »
Une année de discernement, puis trois années de formation qui permettent également au couple de trouver un nouvel équilibre par rapport à cet engagement. « Il est important de savoir également que l’ordination exige que l’on reste dans l’état de vie qui est le sien, marié ou célibataire, ajoute le délégué diocésain. Par souci de prudence pastorale, un homme ne peut pas être ordonné avant l’âge de 35 ans, voire plus tard s’il est célibataire. S’il est marié, il doit l’être depuis dix ans. » Pour Christophe Jamin, ce cheminement à deux était important. « Nous avions entendu des témoignages de diacres plus âgés, qui parlaient des tensions que pouvait engendrer le ministère diaconal avec leur épouse, du manque de temps. Nous en avons parlé avec Hélène et nous nous sommes rappelés que le Seigneur nous avait d’abord appelés au sacrement du mariage. Ce nouvel appel ne pouvait pas être en contradiction avec le premier. Pour nous, il s’agissait de deux appels complémentaires, l’un enrichissant l’autre et inversement. »
L’année de discernement permet de faire connaissance avec les personnes interpellées, approchées. « D’ailleurs, on ne parle jamais d’appel avant l’ordination », prévient Pierre Blanc. Trois week-ends sont vécus pour vérifier l’appétence pour la formation humaine, intellectuelle et spirituelle. « Ai-je le goût pour cela ? Ai-je faim et soif d’aller plus loin dans la foi ? » Des questions que se posent les hommes en chemin. « S’il y a des doutes, nous mettons une réserve. Parfois, c’est trop tôt, parfois, ce n’est pas leur vocation. Je leur rappelle toujours que par le baptême, il ne leur manque rien. » S’en suivent trois années de formation, aujourd’hui en commun avec les diocèses de Vannes et Saint-Brieuc. « C’est une formation exigeante et, pour autant, c’est une belle expérience de vie d’Église avec de nombreuses rencontres. Pendant ces années, il y a un contenu et un vécu fraternel. Chaque année, on discerne pour savoir si les hommes interpellés poursuivent leur chemin, font une pause… Le jour de l’ordination, c’est un homme préparé, heureux, libre et confiant qui se présente devant Dieu. »
Ce jour-là, il reçoit une mission. Celle-ci a été réfléchie dans les derniers mois de formation par l’équipe d’accompagnement choisie par le candidat. « L’idée est qu’elle soit composée par des personnes qui connaissent le futur diacre dans différents aspects de sa vie. Famille, vie professionnelle, vie associative, paroisse… », détaille Pierre Blanc. Cette mission, paroissiale ou diocésaine, porte le souci de répondre à un besoin de l’Église diocésaine, « tout en maintenant une présence d’Église dans le monde professionnel ». « C’est au moment d’appeler cette équipe que j’ai davantage parlé de mon cheminement, confie Jean-Louis Jourdain. J’ai informé mes collègues de travail, mes amis, ma famille, les membres de l’association dont je faisais partie. J’ai demandé à mon frère et ma belle-sœur, à la standardiste de mon travail, à un couple d’amis, à un étudiant chinois de m’accompagner sur la fin de ma formation pour confirmer mon choix et déterminer ma mission. »
Devenir un ministre ordonné change la perception des collègues. « Le diacre a une visibilité et il est le signe fort d’attachement à l’Église. Cela peut libérer une parole, faire évoluer le regard des périphéries sur l’Église. Le diacre est un homme parmi eux, collègues, amis, bénévoles de la même association. L’Église l’envoie parmi eux », ajoute le délégué diocésain au diaconat. « J’ai longtemps pensé que mes collègues étaient totalement indifférents au fait que je sois diacre, confie Jean-Dominique Monnoyeur. Pourtant, lorsque je suis parti en retraite le 1er août, j’ai échangé avec eux et je me suis rendu compte que ça les interpellait. »
Pour d’autres diacres, l’ordination a changé les liens avec les collègues. « Dans mon entourage professionnel, les gens savent que je suis diacre. Pour un certain nombre qui ne sont pas croyants, ils ne savent pas du tout ce que cela veut dire. Souvent, ce qui les surprend le plus, c’est l’engagement à vie, partage Christophe Jamin, enseignant-chercheur à l’Université de Bretagne Occidentale. Pourtant, le fait que je sois diacre leur donne la possibilité de venir discuter en confiance, de dire et de partager des choses qu’ils n’oseraient pas si je n’étais pas ordonné. Il arrive régulièrement qu’à table, des sujets plus profonds émergent. Pour certains collègues, nous sommes une porte d’entrée vers l’Église. Le premier mariage que j’ai célébré était celui de la fille d’une collègue. Parfois, je leur propose d’oser aller frapper à la porte de la maison paroissiale, pour rencontrer leur curé. » Avant de donner un cours, Christophe prie pour les étudiants qu’il va avoir en face de lui dans l’amphi. « Être diacre m’invite à poser un regard particulier sur la manière dont je vais interagir avec les étudiants ou mes collègues. »
L’oreille attentive, la porte d’entrée dans l’Église… Chacun a sa manière est signe de l’Église dans le monde. « Je me souviens avoir eu la trouille d’annoncer mon ordination au travail. La foi est quelque chose de la sphère privée, confie Jean-Louis Jourdain. J’étais comptable dans une entreprise de BTP. Ils m’ont alors vu comme un chrétien engagé et cela a ouvert le dialogue. J’ai eu beaucoup de questions sur l’Église, notamment lorsqu’elle était très présente dans les médias. J’ai souvent été bousculé par leurs questions. » Aujourd’hui à la retraite, Jean-Louis se souvient d’un moment marquant de son ministère diaconal au travail. « Un jour, mon patron m’a mis au défi d’inviter l’évêque, Mgr Le Vert à l’époque pour venir à l’entreprise. Nous venions de démarrer le chantier du tram à Brest. Il est venu, il a été sur le chantier pour discuter avec les ouvriers. Je crois que cette rencontre résume assez bien mon diaconat : mettre un peu d’Église dans la vie ordinaire et mettre un peu de vie ordinaire dans la vie de l’Église. »
Jean-Marc Fouéré se souvient encore du jour où il a annoncé qu’il avait été ordonné diacre. « J’ai envoyé une sorte de faire-part d’ordination à mes collègues. Lorsque je l’avais fait, j’étais persuadé de savoir quel collègue viendrait m’interpeller, et lequel resterait indifférent. Et bien, cela a été tout le contraire, raconte le diacre, ordonné en 2016. J’ai reçu un très bon accueil mais il n’y a pas eu beaucoup de changements dans mes relations professionnelles. Il m’arrive de porter ma croix diaconale au travail et je me souviens d’une réunion avec des directeurs et chefs de service d’autres sites où l’un d’entre eux, ancien marin, était venu me voir pour me demander si j’étais l’aumônier du site. » Pour autant, Jean-Marc essaie de vivre son ministère diaconal au travail, en étant « exemplaire » dans sa façon d’être, d’exercer son management. « Je suis toujours respectueux, je fais attention à ne jamais regarder une personne sous l’angle de la performance et à l’encourager à faire ce qu’elle peut selon ses capacités. »
Dans l’Église, leur place change. « Les diacres sont une autre présence pour les communautés chrétiennes locales. Les prêtres sont moins nombreux et ils ne peuvent plus tout faire, reconnaît Pierre Blanc. Nous, diacres, portons avec eux la célébration des sacrements. » Une mission qui rend heureux Jean-Dominique. « Les rencontres que l’on fait pour préparer un baptême ou un mariage sont des moments riches et de belles découvertes. Parfois, lorsqu’on célèbre un mariage d’un couple où l’un est baptisé et l’autre, non, c’est une grâce de voir que cette personne entame un parcours de catéchuménat. »
Etre témoin de l’Évangile. Voilà ce qui rend heureux Jean-Marc Fouéré dans son ministère. « Je le vis à travers la proclamation de l’Évangile ou lorsque je prononce une homélie. Être diacre nous donne également l’occasion d’exprimer notre foi de façon plus visible. J’ose davantage être témoin lorsque j’accompagne des familles dans la préparation au baptême de leur enfant. C’est une occasion d’accueillir des gens loin de la foi. »
La tempête traversée par l’Église concernant les abus sexuels peine plusieurs d’entre eux. « C’est difficile de porter les souffrances de l’Église. On a l’impression que cela n’en finit pas, reconnaît Jean-Dominique. Il faut malgré tout continuer d’avancer, en sachant qu’il y a un grand désespoir dans la communauté ecclésiale. Avec le temps, je me rends compte qu’il faut parfois simplement accepter d’écouter la colère, l’incompréhension des personnes, sans toujours chercher à argumenter. Et puis même, que dire ? Certains pensent que l’Église tout entière doit être dissoute. Pourtant, je suis admiratif de tous ces adultes qui demandent le baptême. Ils sont des petites lumières qui nous éclairent et qui nous font dire que ce n’est pas fini. »
Lorsqu’on interroge les diacres sur ce qui les rend heureux, tous répondent que leur joie vient de la rencontre avec l’autre. Qu’il soit membre de l’Église ou non. « Par ma mission, cela me rend heureux de rejoindre les personnes sourdes et malentendantes dans leur handicap et leurs blessures. Je m’adapte en permanence pour me mettre à leur écoute et c’est une joie profonde. Et lorsqu’à la fin d’une célébration que j’ai traduite en langue des signes, je vois un sourire sur le visage, je me dis que je suis pleinement dans ma mission », confie Christophe Jamin. Et Michel Sinquin de poursuivre : « Je suis heureux d’aller à la rencontre des plus pauvres, de partager leur souffrance. À travers mon diaconat, je montre que l’Église est ouverte et qu’elle va vers eux ».
Marine Jouannic
Rencontre avec David Liebenguth qui sera ordonné diacre permanant le dimanche 1er décembre 2024 à 15h30 en la Basilique Saint Paul Aurélien à Saint Pol de Léon.