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1 novembre 2024 — Solennité – Fête de tous les saints — Église Saint-Thurien — (Plogonnec) (29)

Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 (24), 1-2, 3-4, … ; 1Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

Pourquoi célébrons-nous cette fête de la Toussaint, alors que tout au long de l’année, nous honorons déjà de nombreux saints ? Alors, pourquoi leur rendre hommage à nouveau lors de la fête de la Toussaint ?
Tout d’abord, en les fêtant ensemble, nous soulignons leur unité. Ils ne sont pas des figures isolées ; ils sont unis les uns aux autres, en communion les uns avec les autres et avec le Christ. Ils sont également en communion avec nous. C’est ce que nous appelons la communion des saints. Ainsi, tous ensemble, nous sommes en communion avec le Seigneur.
Il y a aussi une autre raison : la plupart des saints, une immense majorité d’entre eux même, sont en fait inconnus. Ce sont, pour reprendre l’expression du pape François, des « saints de la porte d’à côté » . Ces saints peuvent être un voisin remarquable, un parent, un ami, quelqu’un qui nous a profondément marqués et dont la foi reste pour nous un repère dans notre vie chrétienne. Tous ces saints sont connus de nous seuls, et le Seigneur les connaît mieux que nous. Ainsi, l’Église les honore. Ils sont pour nous des modèles, des exemples de sainteté à imiter.

Et n’oublions pas que nous invoquons tous les saints, car ils intercèdent pour nous. Lorsque nous parlons de la communion des saints, nous croyons que les saints prient pour nous, pour nos familles, nous qui sommes encore sur terre. Dans le passage du livre de l’Apocalypse, que nous avons entendu en première lecture, il est question d’une foule immense, innombrable, qui acclame le Seigneur. Ces personnes n’étaient pas parfaites ; elles étaient comme nous, des hommes et des femmes marqués par le péché, mais dont les robes ont été blanchies dans le Sang de l’Agneau, comme nous le dit ce livre de l’Apocalypse. Autrement dit, elles ont été pardonnées par le Christ, qui a donné sa vie pour elles comme il l’a donnée pour nous.

Pourquoi alors cette distinction entre la fête de la Toussaint aujourd’hui et la journée de prière pour les défunts, demain, le 2 novembre ? Certes, nous penserons à nos défunts tout à l’heure à la fin de cette messe, et la Toussaint est souvent un moment où nous visitons les tombes de ceux qui nous ont précédés, mais la Toussaint rappelle que l’entrée dans la gloire de Dieu après la mort n’est pas automatique : nous serons jugés sur l’amour, comme le dit saint Jean de la Croix. Nous devrons rendre compte à Dieu de ce que nous avons fait durant notre vie. Bien sûr, seul Dieu juge, et non pas nous, car nous ne pouvons pas connaître les profondeurs des cœurs. Nous croyons cependant qu’au moins certains d’entre eux sont déjà dans la béatitude céleste. Quant à d’autres, qui ont eu une vie plus contestable, ils bénéficient de nos prières pour entrer dans cette gloire. C’est pour cela que nous prions pour les défunts, dans l’espérance que Dieu leur fera miséricorde. Quant à nos proches, ceux que nous considérons parfois comme des saints, nous ne savons pas s’ils sont déjà dans la béatitude ou s’ils sont encore en attente d’entrer dans cette béatitude. Certains ont conscience d’y entrer comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui, au moment de sa mort, disait avec foi : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie. » Cette phrase nous marque profondément. Elle ajoutait : « Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses. » Et nous savons qu’elle continue d’accomplir cette promesse, par de nombreuses conversions et miracles en France et dans le monde entier, touchant ainsi bien des cœurs. On oublie parfois que même le président François MITTERRAND, qui était en recherche, avait fait venir les reliques de sainte Thérèse devant sa maison pour l’honorer.

En fêtant tous les saints, nous nourrissons aussi notre propre désir de les rejoindre un jour. Nous aspirons, nous aussi, à entrer dans la vie éternelle. C’est bien sûr notre souhait le plus cher ! Dans l’Évangile des Béatitudes, que nous venons d’entendre, Jésus nous donne la clé pour y entrer. Ce texte reflète la vie même de Jésus : pauvre de cœur, doux, assoiffé de justice, miséricordieux, artisan de paix, et… persécuté. Il nous invite à le suivre sur ce chemin de vie. Nous sommes invités à devenir, nous aussi, pauvres de cœur, doux, assoiffés de justice, miséricordieux… Un chemin difficile et exigeant !
Le pape François a d’ailleurs qualifié les Béatitudes de « carte d’identité du chrétien », car elles expriment en quelque sorte ce qui nous caractérise. Ceux qui vivent ainsi, à la suite de Jésus, le Royaume des cieux est à eux. Il est intéressant de noter que dans ce passage d’Évangile, Jésus alterne entre le présent et le futur : « le Royaume des cieux est à eux », mais aussi « ils recevront la terre en héritage, ils verront Dieu. » Cela signifie qu’en suivant Jésus, nous avons déjà un pied dans la vie éternelle, anticipée par les sacrements que nous recevons. Nous sommes déjà dans son Royaume, car vivant en communion avec Lui, mais nous vivrons la plénitude de cette vie seulement après notre mort, si nous en sommes jugés dignes.
Recevons cet Évangile comme un appel à grandir en sainteté. C’est notre vocation à tous, et il n’est pas trop tard pour y répondre, c’est maintenant ou jamais, car après notre mort, il sera trop tard.

Comment répondre à cet appel ? En accueillant d’abord la Parole de Vie que nous venons d’entendre, en l’inscrivant profondément dans notre cœur, en mettant notre foi en la miséricorde infinie de Dieu, en recevant les sacrements qu’il nous offre et par lesquels il nous communique sa vie. Le sacrement de la réconciliation est particulièrement important, tout comme le sacrement de l’Eucharistie, que nous célébrons aujourd’hui. À la messe, en communiant au Corps de Jésus ressuscité, nous recevons sa vie divine en nous.
Mais évidemment, cette communion n’est pas une simple formalité. Elle nous engage à conformer notre vie aux Béatitudes, ce qui demande courage, persévérance, et prière pour obtenir la force de suivre ce chemin de vie chrétienne.

Saint Jean, dans la deuxième lecture, nous dit : « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. » Cette question du corps ressuscité nous interroge : comment serons-nous ? Avec quel corps ressusciterons-nous ? Saint Jean répond sobrement : « Nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est. » Nous croyons à la résurrection de la chair, comme nous le proclamons dans le Credo. Mais attention, la chair ici, ce n’est pas la peau et les os. C’est plus que cela. Parce que la peau et les os retournent à la terre ! Cela signifie donc que ce n’est pas notre corps physique qui ressuscite, mais notre corps spirituel comme dit saint Paul (cf. 1 Co 15, 44), c’est-à-dire toute notre personne, avec la richesse de notre personnalité façonnée par notre histoire, nos joies, nos épreuves, et nos échecs, la richesse de notre existence. Et c’est cela qui est appelé à ressusciter par la puissance d’amour de Dieu Créateur !
Lorsque les apôtres voient Jésus ressuscité, ils ne voient pas un simple cadavre réanimé, mais un corps transfiguré, rendu incorruptible par la puissance de Dieu même s’il a bien les marques de ses plaies, symbole de la souffrance qu’il a traversée pour nous sauver. De même, nous ressusciterons sans les marques de l’âge, de la maladie ou du handicap, mais avec celles de notre don d’amour pour les autres ; nous serons semblables à Dieu, car nous le verrons tel qu’il est. Saint Jean ajoute : « Quiconque met en Dieu une telle espérance se rend pur comme Lui-même est pur. » Ainsi, notre foi nous fait grandir dans cette vie avec le Seigneur.

Frères et sœurs, que cette espérance grandisse en nous pour exciter notre désir de vivre pour toujours avec le Seigneur, mais aussi pour tous ceux qui nous ont précédés et dont nous faisons mémoire en ce jour et demain. Que ce soient de grands pécheurs ou « des saints de la porte d’à côté », le Seigneur les aime et veut les sauver. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon