Accueil  -  Les homélies de Mgr Laurent Dognin  -  13 octobre 2024 – 21e dimanche après la Pentecôte (Missel 1962) — Église Saint-Mathieu — (Quimper) (29)

13 octobre 2024 – 21e dimanche après la Pentecôte (Missel 1962) — Église Saint-Mathieu — (Quimper) (29)

Eph 6, 10-17 ; Mt 18, 23-35

Frères et sœurs,

En préparant cette homélie, je me suis demandé ce qu’il serait important de vous dire aujourd’hui à la suite des événements de l’année pastorale qui vient de s’achever.
Cependant, beaucoup de choses ont été dites de votre côté comme du mien, de différentes manières. Mais maintenant, je crois vraiment que nous avons besoin de nous recentrer sur le Christ et notamment sur ce qu’il a à nous dire pour notre bien et celui de l’Église. C’est pourquoi je vous propose une méditation sur les textes de la Liturgie de ce 21e dimanche après la Pentecôte.

Dans la première lecture, saint Paul évoque la réalité du combat spirituel que nous avons tous à mener si nous voulons suivre Jésus et devenir ses fidèles disciples. Ce combat, Jésus l’a vécu avant nous de façon emblématique dans les tentations au désert. Ce combat spirituel, nous avons à le vivre aussi si nous voulons être ses disciples. Saint Augustin le dit clairement : « Notre vie ne peut pas échapper à l’épreuve de la tentation, car notre progrès se réalise par notre épreuve.[1]» Autrement dit, il est bon que nous entrions dans ce combat, car c’est de cette manière que nous progressons dans notre sanctification.

Dans ce combat spirituel, il y a d’un côté un ennemi, le Satan, le Démon, c’est-à-dire le diviseur, et de l’autre le Seigneur qui nous donne les moyens de tenir bon pour rester fidèle. Comme saint Paul nous le dit : « nous ne luttons pas contre des êtres de chair et de sang, mais contre les Dominateurs de ce monde des ténèbres… »

Mais comment se manifeste cet ennemi ?

Trop facilement, nous voyons l’action du Démon en dehors de nous, chez les autres ou dans ses manifestations publiques. Mais le combat commence en nous-mêmes en luttant contre les tentations qui utilisent nos faiblesses humaines. Jésus dit bien à ses disciples : « priez pour ne pas entrer en tentation », car si nous y entrons, il est difficile de résister. Ces tentations qui se manifestent de mille manières chercheront à nous rendre infidèles pour nous détourner de l’amour du Christ et de son chemin de salut.

Le Démon, le diviseur, se transforme bien souvent en « ange de lumière » (2 Co 11, 14) pour nous tromper. Les réseaux sociaux, même ceux qui se donnent une image recommandable, peuvent être de redoutables diviseurs y compris à l’intérieur de l’Église. Notons aussi que le combat spirituel n’est pas uniquement à l’intérieur de nous-mêmes, il est aussi vécu au cœur de la collectivité à travers les idéologies qui traversent ce monde et qui influencent l’opinion publique.

Comment vivre ce combat spirituel sans désespérer et sans nous-mêmes devenir complices du mal, souvent sans nous en rendre compte ?

Pour vivre ce combat, le Seigneur ne nous laisse pas seuls. Saint Paul nous invite à prendre « l’équipement de combat donné par Dieu ». Ce combat n’utilise donc pas les moyens humains de la violence, il est spirituel, c’est-à-dire vécu avec le discernement et la force de l’Esprit Saint.

Saint Paul compare les moyens du combat spirituel avec l’équipement d’un combattant de l’époque, mais avec des armes qui n’ont rien de menaçantes pour les autres. Sa comparaison est une vraie catéchèse pour nous éclairer sur la manière de combattre le mal. Je me permets de les détailler :

« Ayez autour des reins le ceinturon de la vérité », dit saint Paul. La vérité, c’est le Christ et son message. Il s’agit donc de vivre en union profonde avec le Christ : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi », dit saint Paul. Le ceinturon représente le serviteur et plus profondément le don de soi comme on le voit dans l’appel de Jésus à saint Pierre (Jn 21) : « … un autre te mettra ta ceinture pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Quand, en étant en communion avec le Christ, on se met au service des autres pour leur bien, on s’écarte du mal.

Saint Paul parle ensuite de la « cuirasse de la justice ». C’est la justice au sens de ce qui est juste, ajusté à la volonté de Dieu comme dans la parabole du pharisien et du publicain. C’est ce dernier « qui était devenu juste » nous dit Jésus, car il s’est reconnu humblement pécheur. S’efforcer d’être ajustés à la volonté de Dieu, c’est cela que nous demandons dans la prière. C’est cette prière qui est juste et non pas de demander à Dieu que notre volonté soit faite, ce qui est un travers dans lequel nous tombons souvent.

Il continue avec « Les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix. » Les chaussures du missionnaire qui doit aller loin. L’ardeur à témoigner de notre foi et à annoncer la Bonne Nouvelle à ceux qui ne le connaissent pas nous rend plus fort contre le mal. C’est un grand défi aujourd’hui, car dans un monde sécularisé, notre témoignage de vie et de foi doit être comme le levain dans la pâte. Nous ne sommes pas dans une tour assiégée. Nous ne sommes pas en guerre contre des personnes, nous rappelle saint Paul, mais contre le mal qui peut se manifester en elles. D’où l’importance d’un regard lucide, mais bienveillant vis-à-vis de tous. Aujourd’hui, beaucoup sont réceptifs si on en juge par l’augmentation considérable de catéchumènes et de recommençants.

Saint Paul parle ensuite du « bouclier de la foi », c’est-à-dire de la confiance en Dieu quelles que soient les situations et les événements qui peuvent nous inquiéter et même nous angoisser. « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi », dit Jésus à ses disciples pris dans la tempête. Pour ne pas sombrer dans la peur et la violence, nous devons croire que son œuvre de salut ne pourra pas être détruite par le Mauvais.

« Pèlerins d’espérance », c’est le thème que le Pape a choisi pour l’année jubilaire de l’incarnation en 2025. Soyons toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en nous, comme saint Pierre nous le demande, mais il ajoute « faites-le avec douceur et respect ». La fin ne justifie donc pas les moyens. La foi nous rend fort contre l’esprit du mal et témoins de l’espérance dont notre monde a tant besoin.

Ensuite, saint Paul parle du « casque du salut » et du « glaive de l’Esprit », et il ajoute « c’est-à-dire de parole de Dieu ». Dans les tentations au désert, ce sont les armes que Jésus a utilisées en s’appuyant résolument sur des textes de l’Écriture. Lorsqu’avec d’autres, on se nourrit dans la prière de la Parole de Dieu, on est capable de discerner ce qui vient du Mauvais et ce qui vient de Dieu.

C’est pourquoi nous sommes en train de lancer dans le diocèse la constitution de Petites Fraternités Chrétiennes Locales en invitant tous les fidèles, quelle que soit leur sensibilité, à fonder ou intégrer une équipe de six ou sept personnes où l’on prend au moins une fois par mois le temps de prier, de méditer la Parole de Dieu et de se soutenir mutuellement. Nous avons publié un livret animateur et un livret « mode d’emploi » pour guider les fidèles.

Comme nous le constatons dans cette première lecture, saint Paul ne donne pas d’autres moyens pour lutter contre le Démon. C’est par la force du Saint Esprit et par notre témoignage de foi que nous pouvons être fort contre l’esprit du mal et que nous contribuons à la mission de l’Église dans ce monde en souffrance jusqu’à l’avènement glorieux du Christ à la fin des temps.

Cependant, personne n’est à l’abri d’une défaillance dans ce combat spirituel. Nous sommes tous pécheurs, car nous nous laissons prendre parfois par les pièges du Démon et nous ne résistons pas toujours aux tentations. C’est pourquoi Jésus nous rappelle dans l’Évangile de ce jour de l’importance du pardon pour nous remettre sur son chemin.

Si Jésus insiste tant sur le pardon, c’est qu’il s’agit d’une démarche difficile. En effet, le pardon nous apparaît souvent comme une injustice par rapport au mal que nous avons subi. C’est pourquoi dans la parabole de ce jour, Jésus nous rappelle la miséricorde infinie qu’il a accordée à chacun de nous par le baptême et la vie éternelle dans laquelle il nous fait entrer. Il n’y a pas de commune mesure entre le pardon que nous avons reçu de la part du Seigneur et celui qu’il nous demande d’exercer vis-à-vis de nos semblables.

Frères et Sœurs, accueillons ces paroles pleines de réconfort. Que le Seigneur nous maintienne dans la joie, l’espérance et la confiance en Lui. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon


[1] Liturgie des Heures – Tome II page 53.