2 S 7, 4-5a. 12-14a. 16 ; Ps 88 ; Rm 4, 13. 16-18. 22 ; Mt 1, 16. 18-21. 24a
(Lectures de la solennité de saint Joseph — 19 mars)
Chers amis,
On ne cesse de s’interroger sur le silence de Joseph. En effet, nulle part dans l’Évangile on ne trouve des paroles de Joseph. Cela ne veut pas dire qu’il était muet, mais les évangélistes n’ont pas jugé nécessaire d’en rapporter. Cela m’a fait réfléchir à la période que nous vivons actuellement. Une période où on parle beaucoup et peut-être trop. Il y a tellement de choses qui passent par les réseaux sociaux, les médias. Questions politiques, sociales, religieuses avec aussi des fakes news et je trouve que nous sommes un peu inondés d’information. Ah, qu’il est bon en ce pèlerinage des pères, de nous laisser instruire par le silence de Joseph. Ça fait du bien et c’est même peut-être salutaire.
Cela dit, Joseph est silencieux, mais il n’est pas inactif, au contraire ! Et je voudrais souligner trois choses qui transparaissent dans son silence. C’est d’abord sa foi qui apparaît clairement à travers les textes, son écoute de la Parole de Dieu et sa disponibilité et son engagement.
D’abord, Joseph est silencieux, mais il croit. « Espérant contre toute espérance, il a cru (…) et voilà pourquoi il lui fut accordé d’être juste. » Cette parole de saint Paul aux Romains (1re lecture) concerne Abraham, mais le texte a été choisi pour cette fête, car cette parole peut tout à fait concerner Joseph. Il exprime sa foi en prenant notamment les songes au sérieux en considérant que c’est vraiment Dieu qui s’adresse à lui.
Nous aussi avons la foi, et c’est pourquoi nous sommes là ! Pourtant, il peut nous arriver de manquer d’espérance comme je l’entends souvent. Manquer d’espérance par rapport à la vie de ce monde et à son avenir, manquer d’espérance par rapport à l’avenir de la société, manquer d’espérance par rapport à la vie de l’Église. Et nous avons besoin de renouveler cette « espérance contre toute espérance » que Joseph a dû vivre. C’est d’ailleurs une expression assez étonnante de saint Paul qui fait comprendre que, par la foi qui nourrit notre espérance, nous pouvons surmonter nos espérances déçues et voir plus loin, en étant toujours dans la confiance totale dans le Seigneur qui nous sauve.
Deuxièmement, Joseph est silencieux, mais il écoute ce que le Seigneur peut lui dire et ce qu’il attend de lui.
Et nous, quel temps réel prenons-nous dans notre vie quotidienne pour écouter la Parole de Dieu, la méditer dans le silence de nos cœurs ?
Comme pour saint Joseph, c’est cette capacité à l’écoute qui nous permet de discerner ce que le Seigneur attend de nous en ce monde, dans notre vie personnelle, familiale et professionnelle.
Et pour nous catholiques, il y a pour cela une double source : les Écritures et la Tradition. La Tradition dans le catéchisme c’est « la transmission vivante accomplie dans l’Esprit Saint par la succession apostolique. » (CEC 78) et nous lisons plus loin que « toutes deux jaillissent d’une source divine unique, ne formant pour ainsi dire qu’un tout et tendant à une même foi. » (CEC 80). C’est pourquoi il est important d’écouter et de méditer la Parole de Dieu, mais aussi de se nourrir des textes du Magistère, pour lesquels nous savons qu’il y a aussi des degrés d’importance, mais de lire ces textes et pas seulement se contenter des commentaires que nous trouvons dans les médias et les réseaux sociaux qui donnent souvent des interprétations erronées ou partielles.
Troisièmement, Joseph est silencieux, mais il est disponible à la volonté de Dieu et il s’engage.
Son écoute de la Parole de Dieu aboutit à un engagement concret qui va à l’encontre de ce qu’il avait prévu. Finalement, il prendra chez lui son épouse et il emmènera sa famille en Égypte pour la protéger de la furie d’Hérode. Il est disponible pour changer sa façon de voir.
Cela me fait penser à un texte de saint Paul : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12, 2.).
Pour nous, il y a toujours un défi à ne pas tomber dans le reproche que Jésus fait aux pharisiens : « Ils disent et ne font pas. » (Cf Mt 23, 3) Ce qu’ils disent, c’est la Loi divine qu’ils ont la charge d’enseigner, et pourtant leur comportement s’oppose à Jésus !
Nous nous nourrissons des Écritures et de la Tradition vivante de l’Église qui trouve une réalisation concrète dans nos vies par la Doctrine sociale de l’Église. Il est important de la faire connaître, de la proclamer, de la défendre, mais il nous faut aussi la vivre nous-mêmes dans son intégralité et pas seulement de façon partielle. C’est cela qui nous permet de témoigner de notre vie chrétienne comme le levain dans la pâte de notre société pour faire grandir le Règne de Dieu.
En conclusion, je dirai que saint Joseph, sans que ses paroles aient été retenues par les évangélistes, reste un maître pour nous guider dans notre vie chrétienne en nous encourageant à être fidèle à notre foi, à notre attachement, notre communion avec le Christ, à écouter ce que le Seigneur attend de nous dans sa Parole, à nous y engager et, en fin de compte, à espérer contre toute espérance. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon