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16 juin 2024 — 11e TO – Pardon du monde rural — Église Saint-Pierre — Briec-de-l’Odet (29)

Ez 17, 22-24 ; Ps 91 ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34

Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement

Frères et sœurs,

Vivre l’Église dans le monde rural est un défi : nous nous retrouvons avec des petits nombres (même si ce n’est pas ce que nous constatons aujourd’hui dans notre assemblée), les distances également, moins de jeunes dans le monde rural et par conséquent dans nos assemblées… cela peut entraîner une certaine déprime. Or, dans ce pardon du monde rural que nous allons vivre cet après-midi, les textes de ce jour nous invitent à l’espérance et à la confiance. Il y a de très belles choses à vivre dans l’Église du monde rural !

Les textes que nous venons d’entendre, qui s’appuient sur des images agricoles, sont parlants pour nous. Lorsque je traverse en long, en large et en travers le Finistère, comme je le fais toutes les semaines, je vois le maïs qui commence à sortir, l’herbe qui pousse pour le bétail, le blé qui porte de beaux épis, la nature qui se développe en cette période de Printemps… Je contemple tout cela. On comprend que les prophètes, et Jésus aussi, aient utilisé ces images pour nous faire comprendre ce que Dieu a à nous dire !

Il faut reconnaître l’évolution rapide du monde rural et de l’Église dans ce monde rural. En 60 ans, le nombre d’agriculteurs a fondu, et d’autres viennent habiter dans nos territoires ruraux avec diverses activités professionnelles, souvent à l’extérieur du bourg.
Dans l’Église aussi, il y a 60 ans, nous étions encore dans une société christianisée (régime de chrétienté) où l’on allait au catéchisme et à la messe parce que cela faisait partie de la vie sociale… aujourd’hui, c’est une Église de choix, avec des petits nombres, mais qui sont appelés à être de vrais disciples-missionnaires.
Évidemment, cela nécessite une foi plus courageuse, car les chrétiens d’aujourd’hui ne sont pas du tout soutenus par la société. Au contraire ! Les chrétiens que nous sommes doivent donc nourrir davantage leur foi pour savoir en témoigner auprès de leurs proches. Pour savoir aussi répondre aux questions des gens, y compris dans leurs propres familles. Pour pouvoir enraciner leur foi afin qu’elle soit plus solide pour résister aux vents contraires. Il y a des réalités de l’Église qui disparaissent : les patronages, les clubs sportifs, les mouvements d’action catholique, les écoles catholiques qui sont devenues des terres de mission (avec la baisse de la démographie, la baisse d’enseignants chrétiens et de parents d’élèves chrétiens…), mais, il y a aussi de jeunes pousses qui surgissent ! Pour reprendre l’image du prophète Ézéchiel : « Au sommet de sa ramure, je cueillerai une tige toute jeune, et je la planterai moi-même », dit le Seigneur.
Les jeunes pousses se sont notamment les adultes et les jeunes adolescents qui demandent le baptême. Ils sont de plus en plus nombreux  ; ou encore les adultes déjà baptisés et qui demandent la confirmation qu’ils n’ont pas reçue lorsqu’ils étaient jeunes. Ainsi, à Quimperlé, samedi dernier, pour la première fois de mon épiscopat, j’ai confirmé dans la même messe, trois générations d’une même famille ! Avis aux amateurs ! Si parmi vous certains ne sont pas confirmés, surtout n’hésitez pas ! C’est une très belle démarche qui donne l’occasion de réapprofondir sa foi !
Les jeunes pousses se sont aussi les jeunes étudiants et jeunes professionnels qui se sont présentés en grand nombre à la messe du Mercredi des Cendres. Dans notre diocèse et partout en France ! Par messages sur les réseaux sociaux, ils voulaient démarrer le Carême en venant à la messe, et se sont donné le mot.

Il est important de ne plus regarder le passé en se lamentant, en disant « Ce n’est plus comme avant ». Non, ce n’est plus comme avant ! Mais regardons ce que le Seigneur fait surgir, toutes ces jeunes pousses ! « C’est le Règne de Dieu qui grandit, dit Jésus en ajoutant que, le cultivateur dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. » Bien sûr, le cultivateur l’a plantée, il en prend soin, mais ce n’est pas lui qui la fait pousser. C’est le message même de l’Évangile : la croissance de l’Église suppose que nous soyons des témoins actifs, mais elle ne dépend pas de nous. L’Esprit Saint travaille au cœur des personnes, même de celles qui nous paraissent encore très éloignées de la foi chrétienne, et encore plus d’une vie chrétienne ! J’en suis témoin lorsque je lis les lettres des adultes qui demandent le baptême ou la confirmation. Ils viennent souvent de loin ! On se demande comment ils ont réussi à faire ce chemin de la foi. Comme quoi le Seigneur travaille dans le cœur des personnes.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de tout cela ?

Tout d’abord, qu’il ne faut pas nous décourager face à ce qui est petit ! La graine de moutarde, dans l’Évangile, « elle est la plus petite de toutes les semences », nous dit Jésus, mais grâce à la puissance de Dieu, « elle étend de longues branches ». Notre Église est petite maintenant, mais son rayonnement peut être très grand, car « ma puissance se déploie dans la faiblesse » dit le Seigneur à saint Paul.
Mais, ne nous contentons pas cependant de ce qui est petit, et comme le cultivateur, sachons aussi prendre les moyens de semer la Bonne Nouvelle du Salut et d’en prendre soin et de faire en sorte qu’elle se développe.

Comment ?

Par la prière en premier lieu, même si nous sommes deux ou trois, le Seigneur est là, au milieu de nous, c’est lui qui l’a dit.
Il est vrai qu’il n’y a pas la messe tous les dimanches dans nos églises du monde rural, parfois rarement pour certaines, mais il est toujours possible d’y organiser périodiquement des temps de prière (chapelet, adoration, louange). Souvenons-nous que le curé d’Ars, au lendemain de la Révolution lorsqu’on lui a confié sa paroisse, la campagne étant très déchristianisée (comme maintenant), était au début seul à prier dans l’église…

Il y a également les célébrations d’obsèques, où beaucoup de nos contemporains viennent. Il est important de bien les préparer et de bien les vivre pour que la Bonne Nouvelle du Salut y soit annoncée ! Merci à tous les guides et assistants d’obsèques qui permettent aux quelque 7000 célébrations d’obsèques célébrées en Finistère par an d’être 7000 occasions d’annoncer l’espérance chrétienne. Cela fait beaucoup de monde qui chaque année entend la Parole de Dieu et la Bonne Nouvelle du Salut ! J’ai rencontré un monsieur à la sortie d’une célébration d’obsèques qui m’a dit qu’il n’avait encore jamais mis les pieds dans une église lors d’une célébration et qu’il en était bouleversé.

N’oublions pas non plus l’importance de la prière personnelle, de la méditation de la Parole de Dieu. Si nous sommes nous-mêmes habités par la présence de Dieu, par son amour, cela portera nécessairement des fruits dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos relations de proximité. Par notre témoignage et par la parole et aussi par nos actes !

Il est important aussi de maintenir les pardons avec procession et temps de célébration soigné de la Parole de Dieu, même s’il est plus difficile aujourd’hui d’y célébrer la messe.

Enfin, nous sommes en train de relancer les petites fraternités entre les chrétiens d’un même bourg ou de bourgs proches afin de se retrouver une fois par mois pour prier et partager la Parole de Dieu, échanger sur nos vies, personnelles et professionnelles, briser la solitude. Des petites fraternités ouvertes à des personnes non pratiquantes et même en recherche.
À la rentrée prochaine, dans le diocèse un « mode d’emploi » sera publié pour être mis à disposition afin d’aider les personnes à mettre en route ces petites fraternités et à savoir comment faire partie d’une petite fraternité chrétienne. Tous les fidèles devraient faire partie d’une petite fraternité chrétienne pour partager la Parole de Dieu et grandir dans la foi… les mouvements proposent aussi cela (Chrétiens en Monde Rural, Équipes Notre-Dame…). Ces fraternités sont des petites pousses qui permettent au Seigneur de faire grandir toute son Église.

Frères et sœurs, comme nous y invite saint Paul dans la deuxième lecture, « gardons toujours confiance », « nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision ». Ce n’est pas toujours facile à vivre au quotidien, mais, « notre ambition, c’est de plaire au Seigneur », dit encore saint Paul. Amen.

† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon