Gn 3, 9-15 ; Ps 129 ; 2 Co 4,13-5,1 ; Mc 3, 20-35
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Nous arrivons au terme de votre pèlerinage des femmes. Un pèlerinage, c’est toujours l’occasion de prendre du recul, de faire la lumière aussi sur sa vie, passée, présente et de recentrer sa vie sur le Christ.
Je trouve que les textes de ce dixième dimanche du temps ordinaire sont intéressants pour nous aider dans ce chemin puisqu’ils nous font méditer sur ce qui peut nous en écarter justement ou plutôt sur celui qui cherche à nous en écarter… le serpent trompeur, Belzébul, le démon, Satan. Autant de noms qui désignent le Mal dans les lectures que nous venons d’entendre.
Dans cette homélie, je vous propose d’aborder trois points : tout d’abord, la tentation comme une tromperie, ensuite, le pardon de tout sauf des péchés contre l’Esprit Saint et pourquoi cela, et enfin, comment tenir bon en étant fidèles au Christ ?
Commençons donc par évoquer la tentation qui est une tromperie. Nous le voyons dans le livre de la Genèse où Ève dit « le serpent m’a trompé, et j’ai mangé. » Dans la Genèse, la tromperie est matérialisée par un fruit, un beau fruit, magnifique et très attirant, désirable, mais qui, en réalité, entraînait l’infidélité à Dieu et par cette tromperie, Ève et Adam deviennent des mortels. C’est une tromperie, car le bien est présenté comme le mauvais, et le mal comme un bien. Nous avons donc une inversion des valeurs. Nous continuons à voir cela, malheureusement, autour de nous dans la société, avec des idéologies sociétales qui prennent le mal pour le bien et le bien pour le mal. En ce moment, d’ailleurs, on nous parle de « l’aide à mourir », deux mots antinomiques… non ?
Dans l’Évangile, « c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons », là aussi, ce qu’il reprochait à Jésus est encore une inversion des valeurs. C’est d’ailleurs l’occasion pour Jésus de faire un enseignement sur le discernement, qui commence par du bon sens : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? » En effet, le bon sens permet déjà de discerner la tromperie.
Dans ce premier point, nous pouvons donc dire que la Parole de Dieu nous invite à la vigilance ; à prendre conscience du danger que cela représente quotidiennement dans nos vies puisque Satan cherche par tous les moyens à nous faire dévier du chemin et plus largement à faire échouer l’œuvre de Salut que le Christ est venu accomplir qui est justement de chasser les démons de nos vies, et nous faire entrer dans la vie éternelle, comme nous le rappelle saint Paul dans la deuxième lecture.
Ensuite, il nous est dit que « tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés ». Nous sommes les dignes descendants d’Adam et Ève, et il nous arrive nous aussi d’entrer dans la tentation, c’est-à-dire d’y succomber… Jésus exprime par son pardon l’infinie miséricorde du Seigneur à notre égard. Jésus a donné sa vie pour nous libérer du mal et nous faire entrer dans la vie divine, et ce don se manifeste pleinement par les sacrements : sacrements du baptême et de la confirmation, sacrement de l’Eucharistie que nous sommes en train de célébrer, et bien sûr le sacrement du pardon qui renouvelle la grâce du baptême. C’est donc un appel du Christ à demander et accueillir son pardon, à nous engager à reprendre le bon chemin à sa suite. Le sacrement du pardon n’est pas un entretien psychologique pour se redonner confiance. Non ! C’est vraiment Dieu qui nous rétablit dans notre dignité de fils et filles bien-aimés du Père.
Il y a aussi cette parole de Jésus, un peu étonnante : « … sauf le péché contre l’Esprit Saint qui ne sera jamais pardonné. » Tout à l’heure dans la lectio divina que nous avons faite, la question s’est effectivement posée. Dans le contexte de l’Évangile, le péché contre l’Esprit Saint, c’est le refus de reconnaître en Jésus l’œuvre de Dieu qui se réalise et la miséricorde qu’il manifeste en chassant les démons. L’Évangile de saint Matthieu, qui est donc le parallèle à ce passage d’Évangile, est un peu plus développé, et Jésus y fait la différence entre la parole contre le Fils de l’homme, lui Jésus, qui sera pardonnée et la parole contre l’Esprit Saint (autrement dit Dieu qui manifeste sa puissance en Jésus) qui, elle, ne sera pas pardonnée. Comment l’interpréter pour nous ?
Cela signifierait de fermer volontairement la porte à la grâce de Dieu en prétendant qu’elle vient du Mauvais. Un blasphème donc. Je ne sais pas si des personnes peuvent aller jusqu’à ce refus en conscience… peut-être ! Je rencontre des personnes qui ont fermé la porte par indifférence, par ignorance ou par tromperie du Mauvais, et qui un jour découvrent le Christ et reçoivent son pardon. Les catéchumènes et les confirmands adultes sont de plus en plus nombreux. Hier, j’ai célébré la confirmation à Quimperlé, et pour la première fois, j’ai confirmé dans la même célébration trois générations ! Cet Évangile est un appel à reconnaître l’action de Dieu en ce monde, en son Église !
Enfin, comment tenir bon en étant fidèles au Christ ?
Tout d’abord, souvenons-nous que Jésus n’a pas échappé à la tentation… Il l’a subie comme nous… Nous nous souvenons bien sûr de son combat dans le désert contre Satan, et c’est toute sa vie que Jésus a lutté contre Satan… Rappelons-nous l’épisode où il dit à Pierre : « Passe derrière moi Satan. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mt 16, 16). Nous voyons bien que même les apôtres, et les autres fidèles aussi, peuvent être eux-mêmes les vecteurs du mal.
Comment Jésus a-t-il lutté ? En s’appuyant sur la Parole de Dieu qu’il connaissait par cœur, dont il était imprégné, « Il est écrit tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » (Mt 4, 7) C’est pour nous, je pense, un appel à méditer la Parole de Dieu, quotidiennement, car ce faisant nous devenons de plus en plus forts contre l’esprit du Mal. Cette Parole divine devient alors tellement présente dans notre intelligence, dans notre cœur, que nous savons ce que nous devons faire pour être fidèles à Dieu. Cela devient instinctif. Cette méditation doit aussi être accompagnée de notre prière fervente « Priez pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26, 41).
La fidélité à Dieu est un combat, un combat spirituel, c’est le terme utilisé. On le voit lorsque Dieu dit au serpent dans le livre de l’Exode à propos de la descendance d’Ève (nous) : « celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon ». C’est un combat mortel pour l’un ou pour l’autre. L’enjeu de ce combat spirituel en est donc vital ! Toute notre vie est un combat spirituel afin de rester fidèles à Dieu en « sachant reconnaître quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. », nous dit saint Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 12, 2). Ce combat, c’est celui de la sainteté à laquelle nous sommes tous appelés comme le pape François le développe dans son exhortation GAUDETE ET EXULTATE, sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel. Un très beau texte à relire. Nous comprenons que ce combat spirituel est une question de vie ou de mort, avec un enjeu vital donc.
Tout cela peut nous paraître comme un chemin escarpé et une porte vraiment étroite à franchir pour entrer dans la vie, mais justement, il y a la grâce de Dieu qui se manifeste par le don de l’Esprit Saint. À nous de la demander !
Il y a heureusement dans la deuxième lecture, des paroles d’espérance, et je terminerai par cela. Pour saint Paul, si nous mettons notre foi en Jésus et en son œuvre de Salut, alors, nous sommes promis à la vie éternelle avec lui, et cette vie se manifeste à nous dès maintenant « Et tout cela, dit saint Paul, c’est pour vous, afin que la grâce, plus largement répandue dans un plus grand nombre, fasse abonder l’Action de grâce pour la gloire de Dieu. »
Frères et sœurs, que ce pèlerinage soit pour chacun d’entre nous une belle étape pour raviver notre foi et notre amitié avec le Christ. Une belle étape pour être toujours plus fidèles à faire la volonté de Dieu, à devenir ainsi les frères et les sœurs du Christ comme il l’affirme dans l’Évangile. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon