Ex 20, 1-17 ; Ps 18B ; 1Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
Intervention retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Cette ardeur prophétique de Jésus est unique dans les Évangiles : Il a souvent des paroles fortes à l’encontre des pharisiens lorsqu’il faut rétablir la vérité, cependant, cet acte physique (il prend des cordes et chasse les marchands du Temple) est unique !
Pourquoi ? Que signifie ce geste ?
Au début de ce passage, on nous dit que « La Pâque juive était proche », et nous savons que cette Pâque, c’est celle où Jésus va bientôt offrir sa vie en sacrifice sur l’autel de la Croix. Par ce geste dans le Temple, il marque un changement radical : ce ne sont plus les sacrifices d’animaux qui vont permettre aux hommes de se réconcilier avec Dieu ou de le remercier pour ses bienfaits ! C’est l’unique sacrifice de Jésus sur la Croix qui est pour toutes les générations, source de Salut et qui nous met en relation avec Dieu.
Jésus montre par cet acte radical dans le Temple que la maison de Dieu est sacrée, et cette maison n’est plus le Temple de Jérusalem, mais Lui, Jésus, mort et ressuscité comme le souligne saint Jean.
C’est Lui, qui désormais nous met en relation avec Dieu le Père, celui qui intercède pour nous et qui manifeste à notre égard la miséricorde divine.
Or, depuis l’Ascension et la Pentecôte, c’est l’Église qui est devenue le Corps Mystique du Christ et qui agit en son nom pour annoncer la Bonne Nouvelle, sanctifier le peuple chrétien par les sacrements et prendre soin de tous les hommes par une charité active et un engagement pour le bien commun de toute la société.
Cette ardeur de Jésus à chasser les vendeurs du Temple, nous pouvons la prendre pour nous-mêmes, puisque nous sommes tous ici, le Corps Mystique du Christ, le nouveau Temple. Nous aussi, nous avons besoin de « chasser les vendeurs », d’être purifiés ! Ce ne sont plus les marchands d’animaux, avec tous les trafics que cela représentait, qui peuvent souiller le Temple, mais nos propres péchés. Nous ne pouvons pas continuer fidèlement à vivre notre vie d’Église et notre mission tout en ayant des attitudes contraires à l’Évangile. C’est un scandale pour lequel Jésus est, comme nous l’avons entendu, extrêmement sévère.
Le Seigneur nous a montré comment nous devons nous comporter en ce monde, et nous l’avons entendu dans la première lecture de ce jour, le Décalogue, c’est-à-dire les dix commandements, qui est au fond une règle universelle. Jésus résumera tout cela en deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit, (…) et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Mt 22, 37-39) Jésus ajoute que tous les commandements dépendent de ces deux-là. Alors, pourquoi ces dix ?
Le Décalogue justement met des mots sur cet amour et explique de façon concrète ce que nous devons respecter à tout prix pour aimer Dieu et notre prochain.
La première partie du Décalogue est centrée sur l’amour de Dieu. Alors, la question qui se pose pour nous est simple : qui adorons-nous dans notre vie quotidienne ? Les idoles existent toujours. Ce peut être une passion, une addiction, mais aussi un objet (voiture, ordiphone, télévision) qui prend toute la place dans notre vie et dont on ne peut plus se passer. N’adorer que Dieu, c’est un appel pressant toujours actuel, car sans nous en rendre compte, la place de notre relation à Dieu risque facilement de disparaître dans le quotidien de nos vies… D’où l’importance pendant le Carême du jeûne et de la prière pour rendre toute sa place au Seigneur dans notre vie.
La deuxième partie du Décalogue est centrée, elle, sur l’amour du prochain, le respect de la vie d’autrui et de ses biens, car tout cela est sacré pour Dieu.
En ce jour où nous prions pour les victimes d’abus sexuels, en particulier de ce vicaire, il y a 50 ans, mais aussi à tous ceux qui ont pu subir ces violences par d’autres, dans leur famille, dans la Société et malheureusement aussi dans l’Église. Et c’est pire encore lorsque ce sont des prêtres qui agissent ainsi… ceux que le Christ avait appelés et envoyés pour donner la vie en son nom, et qui étaient reconnus comme tels et qui ont fait exactement l’inverse vis-à-vis d’enfants fragiles et innocents dont la blessure de ces faits continue de les faire souffrir depuis des décennies. Évêques et prêtres d’aujourd’hui, nous sommes profondément affectés par ces crimes commis par des confrères et par le témoignage des victimes qui expriment leurs souffrances. La plupart de ces crimes ont eu lieu dans la deuxième moitié du 20e siècle, mais nous nous sentons toujours concernés même si les faits sont prescrits par la justice civile, car les victimes continuent de souffrir et nous devons les aider.
J’étais encore jeune quand ces faits ont eu lieu, mais aujourd’hui, c’est à moi que le Seigneur a confié le soin de son Église en Finistère. La plupart des auteurs de ces faits sont décédés, les évêques de l’époque aussi… mais en leur nom et au nom de l’Église, je demande sincèrement pardon à toutes ces victimes et je demande à Dieu de leur donner la Paix véritable qui vient du Seigneur qui seule peut apaiser leurs souffrances. Bien sûr, le défi demeure de maintenir l’Église comme une maison sûre, la Maison de Dieu, le Corps du Christ ! Car la fragilité humaine demeure. Nous sommes tous concernés et responsables, ne serait-ce que par notre vigilance de ce qui se passe en famille ou dans notre vie quotidienne… C’est aussi le témoignage de l’Église que nous avons à donner. Dans le diocèse, nous avons pris des mesures en mettant en place une commission permanente chargée d’écouter et d’accompagner les victimes, de former les acteurs de la Pastorale pour la prévention, et de mettre en place des actes ou des signes mémoriels. Mais, l’appel vigoureux du Christ nous est adressé à tous comme je l’ai dit, comme un appel à la conversion pour que notre amour de Dieu et notre amour du prochain ne cessent de grandir. Nous en avons la responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes, de nos proches, des autres membres de l’Église, mais c’est aussi pour nous un devoir impérieux vis-à-vis de la Société, car le Christ nous a confié la responsabilité de faire connaître au monde la Bonne Nouvelle du Salut et de donner le témoignage concret de son amour miséricordieux.
Ne perdons pas courage, frères et sœurs, le Seigneur aide son Église à devenir toujours plus sainte. Il nous aide à nous convertir par le don de sa vie sur la Croix, cette vie qu’Il continue de nous offrir par cette Eucharistie que nous allons célébrer dans quelques instants, « Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes », nous dit saint Paul. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon