Jl 2, 12-18 ; Ps 50 ; 2 Co 5, 20-6, 2 ; Mt 6, 1-6.16-18
Intervention retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus parle de l’aumône, de la prière et du jeûne. Trois attitudes ou moyens de conversion qui ne sont pas propres à la foi chrétienne, et que l’on trouve dans de nombreuses religions.
Si Jésus les cite, c’est qu’il considère que ces moyens sont utiles pour nous aider à nous sanctifier. Mais, qu’apporte Jésus de plus ? Quelle est la pointe de son message qui fait que ces attitudes deviennent plus spécifiquement chrétiennes ?
Tout d’abord, il nous dit que « ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. » Autrement dit, il nous interroge sur l’état d’esprit dans lequel nous faisons cela. Je pense que cela oriente très nettement la manière avec laquelle nous pourrons vivre tous nos efforts de Carême. Parce que lorsque nous faisons des efforts de Carême, nous pouvons être évidemment attentifs aux regards des autres sur nous. Passer pour une bonne personne qui accomplit fidèlement ce qui est demandé par l’Église afin de susciter respect et admiration, car nous y sommes sensibles, et c’est pour cela que Jésus dit « vous avez déjà votre récompense ». Il peut y avoir aussi un regard sur soi-même, par rapport à notre « estime de soi » et pour se donner bonne conscience. On le remarque souvent lorsqu’à la fin du Carême, nous entendons des personnes dire : « J’ai fait un bon Carême » ou « J’ai fait un mauvais Carême. », en référence aux jours de jeûne et d’abstinence plus ou moins bien respectés.
Il n’est pas forcément facile de cacher nos efforts, surtout en famille, et il nous arrive également de faire des efforts avec d’autres en paroisse (veillées de prière, bol de riz), mais dans tous ces moments-là, Jésus nous met en garde contre l’intention qui est derrière… et il nous montre quel est l’objectif de ces efforts : « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra. ». Cette expression « Ton Père » nous situe d’emblée comme des fils et des filles bien-aimés du Père. Il nous appelle à aimer comme lui, Jésus.
De la même façon qu’il nous a appris à prier en disant « Notre Père », et donc à prier comme des fils et des filles, il nous invite à vivre notre Carême comme des fils et des filles du Père, en évoquant les grâces que le Seigneur nous donnera en retour (« Ton Père… te le rendra. »)
Comment te le rendra-t-il ? Par une communion dans l’amour. Une communion renouvelée par l’Esprit Saint, une prise de conscience salutaire de notre péché.
Jésus nous invite donc à ne pas prendre les moyens « aumône, jeûne et prière » comme des objectifs à atteindre, mais vraiment comme des moyens pour renouveler notre attachement à Dieu, notre amour du Père, par le Christ et dans l’Esprit Saint.
Ces moyens sont donc un appel à la conversion. Un appel que saint Paul développe dans la deuxième lecture avec cette expression étonnante : « Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. ». Il aurait pu dire « réconciliez-vous avec Dieu ». Ce « Laissez-vous », laisse entendre que c’est Dieu qui agit, mais que nous avons à faire l’effort de nous rendre disponibles et ouverts à l’accueil de « la grâce reçue de Lui », comme dit saint Paul. Il cite pour cela un passage de l’Écriture où c’est Dieu qui parle : « Au moment favorable, je t’ai exaucé. Au jour du Salut, je t’ai secouru. » C’est Dieu qui nous rend justes et qui nous sauve. Ce n’est pas le résultat de nos efforts personnels.
Nos efforts de Carême ont donc pour objectif de nous rendre disponibles à la grâce de Dieu, de nous laisser réconcilier avec Dieu. Les moyens donnés par Jésus (aumône, jeûne et prière) vont nous aider dans trois aspects :
Pour le refus du mal et du péché, le jeûne et la prière nous y préparent, car Jésus a bien dit : « Priez pour ne pas entrer en tentation. ». Et si nous sommes malheureusement entrés dans la tentation, si nous avons succombé, le Seigneur manifeste pleinement sa grâce dans le sacrement de pénitence et de réconciliation. Cette démarche importante appelle de notre part de l’humilité, voire de l’humiliation, mais elle est source de grandes grâces et de beaucoup de joie. Ne délaissons pas ce sacrement, mais faisons cette démarche sérieusement et sincèrement, et pas pour nous donner bonne conscience. Ce dont Jésus nous met en garde dans l’Évangile de ce jour justement.
L’amour du prochain, c’est le grand commandement que Jésus nous a donné « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Il ajoute : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Inutile de développer, chacun peut voir dans ses relations ce que cela signifie que d’aimer comme Jésus et de donner sa vie.
En ce qui concerne l’attention et la générosité à ceux qui sont dans le besoin, c’est le sens même de l’aumône qui va au-delà de simplement donner de l’argent. C’est aussi développer les liens sociaux, l’amitié avec ceux qui sont dans le besoin. Ces besoins n’étant pas que matériels, même s’ils le sont aussi !
Tout ce que je viens d’exprimer, ce sont donc bien des actes concrets, des engagements qui peuvent tout changer dans notre vie personnelle, mais aussi dans notre vie de famille, dans nos relations professionnelles, dans notre vie sociale… Et tout changer aussi dans notre vie en Église pour sortir de nos divisions trop nombreuses actuellement, et nous permettre de nous recentrer sur l’essentiel : l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut en Jésus-Christ dont notre société et notre monde ont tant besoin.
Le Seigneur nous donne un beau signe de son œuvre de Salut avec les 65 adultes et les nombreux jeunes qui vont recevoir le baptême à Pâques et que je vais officiellement appeler samedi et dimanche prochains.
Frères et sœurs, que nos efforts de Carême contribuent à leur donner un beau témoignage de notre amour du Christ et les accompagnent dans leur ultime préparation ! Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon