Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Intervention retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Dans l’Évangile, nous pouvons voir le contraste saisissant entre l’étoile qui guide les mages et annonce pour eux la naissance d’un grand personnage et ce petit bébé qu’ils découvrent, humblement couché dans la mangeoire d’une étable. Ils vont mettre leur foi dans ce double signe qui leur est donné de l’étoile et de l’enfant. Signe qu’ils interprètent comme venant vraiment de Dieu. Ils ne se sont pas trompés en déposant à ses pieds l’or du Roi, l’encens de la Divinité et la myrrhe qui annonce déjà sa mort. À travers ce signe, s’exprime l’humilité de Dieu qui choisit de prendre chair de notre chair pour nous sauver, et cela est un grand Mystère.
Mais que signifie véritablement le terme « Mystère » ? Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous enseigne que le Mystère n’est pas un secret à préserver, mais une réalité d’une telle grandeur, d’une telle profondeur que notre esprit humain est incapable de la comprendre seul et ne peut le pénétrer que grâce à la Révélation que l’on peut accueillir du Seigneur.
L’humilité de Dieu, incarnée en Jésus, est un grand Mystère : comment Jésus, ce nouveau-né, soumis à la précarité et à l’exil (en raison en particulier de la cruauté d’Hérode), vulnérable au point d’être condamné à mort sur la croix, sans se défendre ni être défendu, peut-il être le Sauveur de l’humanité ?
L’amour et la miséricorde de Dieu dépassent notre entendement, et la manière inattendue par laquelle il vient nous rejoindre dans notre humanité est particulièrement déroutante !
Pour saint Paul, le Mystère que Jésus vient révéler, c’est aussi le fait qu’il ne vient pas seulement sauver le peuple de la Promesse, le peuple élu, mais toutes les nations. « Ce mystère, dit saint Paul, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »
Cet élargissement du Salut à toutes les nations, c’est-à-dire au monde païen, était inconcevable à l’époque du Christ. En lisant les Actes des Apôtres, nous voyons à quel point il a fallu que l’Esprit Saint se manifeste clairement dans la vie des païens et des apôtres pour que ces derniers prennent acte de l’universalité du Salut. C’est donc bien par Révélation, c’est-à-dire intervention divine, que l’Église est devenue catholique, c’est-à-dire universelle.
Cette universalité, le prophète Isaïe l’annonçait déjà (comme nous l’avons entendu dans la première lecture) : « Les nations marcheront vers ta lumière. » Alors même que sa prophétie fait avant tout référence au retour d’exil des déportés du Peuple élu. Il y a donc cette lumière qui attire tous les hommes. Cette lumière, c’est le Christ Jésus, « lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu » comme nous le proclamons dans le Credo.
Cette ouverture de l’Église à toutes les nations continue de se développer actuellement et de nous bousculer.
Nous connaissons les Églises du Moyen-Orient, très diverses, en communion avec Rome ou pas, mais avec leurs cultures et leurs rites (syriens, chaldéens, maronites, coptes, grecs, arméniens…). Nous, nous faisons partie de l’Église catholique romaine, c’est-à-dire héritière de l’Église qui s’est développée dans l’Empire romain, avec Rome pour capitale. Une Église qui était historiquement très européenne. Or, notre Église catholique romaine s’est considérablement élargie depuis un siècle. Depuis le Concile Vatican II, il y a une soixantaine d’années, le nombre d’évêques a plus que doublé. Cela signifie donc que le nombre de diocèses a plus que doublé. Ce n’est pas en Europe que ces nouveaux diocèses se sont développés, mais en Afrique, en Asie, en Amérique latine, en Amérique du Nord…
Le centre de gravité de l’Église catholique romaine n’est plus à Rome, même si le siège l’est toujours. Nous avons un Pape originaire d’Amérique latine, le premier pape de ce continent ! Et notre Église continue de se développer plus rapidement dans les autres continents. La prophétie d’Isaïe continue de se réaliser et même de s’amplifier : « Les nations marcheront vers ta lumière, Seigneur Jésus ! ». Elles sont associées à la même promesse, au même héritage grâce à l’annonce de l’Évangile. C’est ce que nous voulons célébrer et fêter dans cette messe des Nations en ce jour de l’Épiphanie.
Frères et sœurs, je vous invite à retenir trois appels :
Appel à l’Action de grâce,
Appel à la conversion,
Appel à la mission.
Un appel à l’Action de grâce, car l’expérience de l’universalité de l’Église nous fait grandir dans l’Espérance et nous donne de la joie. Voyez par exemple la joie chez les jeunes lors des JMJ où de très nombreux jeunes chrétiens découvrent que le Christ se manifeste dans d’autres continents, que d’autres sont heureux de devenir aussi disciples de Jésus, et se retrouvent comme frères et sœurs au-delà des frontières. Le même corps ! Cette expérience des JMJ, il est aussi possible de la vivre lors des pèlerinages, mais également au sein de nos paroisses.
Ici même dans le Finistère, il y a de nombreuses communautés originaires d’autres pays, d’autres continents mêmes, qui nous apportent leur foi et leur ferveur. Les prêtres qui viennent aussi de ces pays, pour quelques années en France, sont pour nous un don de la foi ; Fidei donum, c’est le nom qui leur est donné. Ils ne viennent pas seulement combler nos manques de vocations, ils viennent aussi apporter la richesse de leur culture, et nous pouvons rendre grâce au Seigneur pour tout ce que ces fidèles et ces prêtres apportent à notre Église diocésaine et à sa mission.
Un appel à la conversion, car nous devons accepter d’être bousculés par cet élargissement de l’Église et que l’Europe ne soit plus le centre de l’Église catholique romaine. C’est plus difficile qu’on ne le pense, car en s’élargissant, l’incarnation du Christ se manifeste dans les cultures locales qui ne sont pas la nôtre. Il faut donc toujours se recentrer sur le Christ et son Évangile qui transcende les cultures et nous unit dans le même corps comme dit saint Paul.
Un appel à la mission, aussi, car la lumière du Christ vient éclairer la vie de tous les êtres humains pour les conduire à la vérité tout entière et à la vie éternelle. Or, dans le Finistère, même dans nos propres familles, il y en a beaucoup qui ne connaissent pas l’Évangile, ou qui n’y ont pas prêté attention, ou qui s’en sont détournés, ou encore qui n’ont pas fait l’expérience de la rencontre avec le Christ qui vient changer nos vies par son amour miséricordieux. À chacun de nous, par l’annonce de l’Évangile et le témoignage de notre foi de leur montrer le chemin de la crèche.
Frères et sœurs, faisons briller l’étoile au sein de nos familles, auprès de nos proches, au sein de la société. Faisons briller l’étoile de Jésus qui transcende toutes les langues et cultures et qui nous conduit vers son Royaume de lumière et de paix. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon