Pr 31, 10-13.19-20.30-31 ; Ps 127 ; 1Th5, 1-6 ; Mt 25, 14-30
Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement
Frères et sœurs,
Nous connaissons tous cette Parabole des Talents, un récit qui, au-delà de sa simplicité apparente, recèle une profonde signification. Interrogeons-nous d’abord sur la nature de ce « Talent ». Dans le contexte antique, il était une unité de poids, mais aussi une valeur précieuse, puisqu’on parle de talent d’or ou d’argent.
Mais, dans la Parabole que nous avons entendue, qu’est-ce que cela représente ?
Dans le langage courant, « talent » est un terme que nous utilisons fréquemment pour parler des qualités personnelles, des compétences acquises ou innées d’une personne. Dans l’Évangile, ce n’est pas tout à fait cela : ce sont des valeurs confiées par l’homme qui part en voyage et aussi une charge (un poids, une responsabilité) et qui va donc demander des comptes à son retour. C’est donc très différent des qualités personnelles pour lesquelles nous n’avons pas à rendre des comptes !
Pour bien comprendre, il est nécessaire de reconnaître le Christ dans l’homme qui part en voyage. Jésus à travers cette Parabole annonce son départ dans la mort et sa Résurrection, mais aussi son Ascension, c’est-à-dire son départ vers le Père ; qui n’est pas séparé de l’annonce de son retour dans la gloire à la fin des temps (Cf. Ac 1, 11).
Ce « voyage » de Jésus, sa présence non visible, c’est le temps que nous sommes en train de vivre !
Ses serviteurs, ce sont les apôtres, mais également chacun de nous.
Les talents, que nous appelons charismes dans le langage ecclésial, sont des dons de Dieu mais aussi une responsabilité. Bien entendu avec eux, le Seigneur nous donne, grâce au don de l’Esprit Saint, les moyens pour l’exercer. Il y a un passage dans la lettre de saint Paul aux Éphésiens 4, 11-12 qui le dit très bien : « Les dons qu’il a faits, ce sont les apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ. ». Les charismes sont des dons de Dieu non pas pour notre bien personnel, mais pour que chacun apporte sa pierre à l’Église, corps du Christ, et à sa mission dans le monde pour le Salut de toute l’humanité.
Nous pouvons voir dans ces dons de Dieu, le don de l’Esprit Saint que Marlène et Wiland Jeotherand vont recevoir en plénitude dans quelques instants.
Ce don de l’Esprit Saint qui porte des fruits différents selon les personnes et les événements de notre vie personnelle et des missions qu’Il nous confie au cours de notre vie. Saint Cyrille de Jérusalem, un évêque qui a vécu au 4e siècle, prend l’image de l’eau pour montrer que l’eau qui se répand dans les personnes, la flore, la faune et donne la vie, d’une manière différente pour chaque être vivant, peut être comparée à l’Esprit Saint, qui est source de vie et produit des fruits très différents selon les personnes (Cf. Jn 4, 14).
L’Église a discerné sept dons (comme nous l’entendrons dans la prière de Confirmation tout à l’heure) qui est une manière de représenter cette source de vie qui se répand en chacun : l’Esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil et de force, de connaissance, d’affection filiale et d’adoration. En chacun de nous, ces dons vont se manifester de façons différentes. Saint Paul dans son épître aux Galates 5, 22-23, utilise, lui, d’autres termes pour parler des fruits de l’Esprit Saint, c’est : « l’Amour, la joie, la paix, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi. ».
Par la confirmation, nous recevons ces dons, mais il nous incombe de les faire fructifier dans notre vie, car l’Esprit Saint n’agit pas sans nous ! C’est le message de la Parabole : nous aurons à rendre compte de nos actes et de la manière avec laquelle l’amour de Dieu s’est manifesté dans notre vie.
Mais, nos talents, nos charismes, les dons de Dieu ne sont pas destinés à notre seul bénéfice. Ils doivent contribuer au bien commun et donc être mis au service des autres et de l’Église, corps du Christ.
C’est pourquoi il est important de discerner nos charismes et cela nécessite un discernement personnel et ecclésial, car ce sont souvent les autres qui nous révèlent nos charismes.
Il y a plusieurs aspects dans ce discernement :
En cette Journée mondiale des pauvres, rappelons-nous que chaque personne a une place à prendre, tous ont reçu un talent « chacun selon ses capacités » dit Jésus. Comme le souligne saint Paul : « Personne ne peut dire à un autre “Je n’ai pas besoin de toi” » (1 Co 12, 21). Lorsque nous parlons de pauvres, nous ne parlons pas uniquement des personnes qui vivent dans la précarité. Nous pouvons être pauvres par exemple parce que nous sommes timides, ou avons un handicap, ou avons fait peu ou pas d’études. Mais La pauvreté, qu’elle soit matérielle, physique, émotionnelle ou intellectuelle, n’empêche pas d’accueillir le don de Dieu et de le faire fructifier pour le bien de tous.
Dans la Parabole, le talent évoque aussi un poids, une charge, une responsabilité confiée par le Seigneur ! L’homme qui part en voyage revient ensuite, et nous avons entendu dans la deuxième lecture de saint Paul une méditation sur le retour du Christ qui, dit-il, arrivera à l’improviste et nous pouvons retenir pour nous cette parole de saint Paul : « Vous, frères, comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur (…). Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et sobres. » Être endormis, c’est avoir un charisme qui est enterré, que nous n’avons pas mis en valeur et qui ne s’est donc pas exprimé, qui n’est donc pas mis au service des autres. Alors, ne soyons pas endormis, mettons-nous au service les uns des autres, réveillons nos charismes, réveillons nos talents, le Seigneur nous y encourage. Amen.
† Laurent DOGNIN
Évêque de Quimper et Léon