Au lendemain des meurtres terroristes de Samuel Paty et de trois personnes dans la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption de Nice, les évêques de France, réunis en Assemblée plénière, ont interpellé notre société française sur le respect mutuel. Relayant l’appel du pape François à la fraternité universelle1, ils insistaient sur le devoir qui s’impose à chacun de tenir ensemble liberté d’expression et respect fraternel de l’autre, même de celui dont on veut critiquer un travers. Cette interpellation était d’autant plus urgente que, depuis quelques années, nous assistons à une inquiétante banalisation de la violence avec la multiplication de paroles et de gestes exprimant discrimination et racisme.
Les réseaux sociaux qui, en eux-mêmes, représentent une formidable chance de communication et de transmission, sont également un espace d’expression individuelle et collective qui ne connaît pas de limite, qui bénéficie de l’anonymat, ce qui conduit trop fréquemment aux pires excès. Dans ce contexte, les évêques appellent à être particulièrement attentifs à l’inquiétante résurgence de l’antisémitisme en France. Avec force, ils redisent aujourd’hui combien la lutte contre l’antisémitisme doit être l’affaire de tous et ils affirment leur volonté de travailler avec tous ceux et toutes celles qui sont engagés dans cette lutte.
Pour nous catholiques, cette préoccupation trouve son origine dans notre « lien spirituel » uniqu avec le judaïsme. Plus que jamais, il faut rappeler l’importance des racines juives du christianisme. « Nous ne pouvons pas considérer le judaïsme simplement comme une autre religion : les juifs sont nos “frères aînés” » (saint Jean-Paul II), nos « pères dans la foi » (Benoit XVI) »2. Souvenons-nous que Jésus, le « Verbe de Dieu » a lui-même prié les Psaumes, lu la Loi et les prophètes. Au cœur même de nos actions liturgiques et de notre prière personnelle, par la réception et la proclamation des textes de l’Ancien Testament, avec l’apôtre Paul, nous nous souvenons que « les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11, 29). Si la foi en Jésus nous distingue et nous sépare, elle nous oblige aussi, dans la mémoire des heures terriblement sombres de l’histoire et en gardant le souvenir des victimes de la Shoah et des assassinats antisémites de ces dernières décennies, à reconnaître ceci : guérir de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme est le fondement indispensable d’une véri- table fraternité à l’échelle universelle. Cette guérison est un chemin exigeant dans lequel tous les humains doivent s’entraider. Elle commence par la « résistance spirituelle à l’antisémitisme ».
Nous nous sommes « engagés à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’Alliance »3, parce que nous espérons ce que nous avons appris de lui : que les êtres humains, de toute origine, toute langue, toute culture, sont appelés à vivre pour toujours dans une communion où chacun sera donné à tous et tous à chacun. C’est pourquoi les évêques de France exhortent, non seulement les catholiques mais également tous leurs concitoyens, à lutter énergiquement contre toute forme d’antisémitisme politique et religieux en eux-mêmes et autour d’eux.
Fait à Paris, le 1er février 2021